Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 avril 2023 par lequel la préfète de l'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2301889 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2024, M. B..., représenté par Me Alix Ottou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de procéder à un réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- la préfète de l'Oise a méconnu les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance avant ses seize ans, et qu'il justifie du caractère réel et sérieux de sa formation ;
- la préfète de l'Oise a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la préfète de l'Oise a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète de l'Oise qui n'a pas produit de mémoire.
Par ordonnance du 10 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2024 à 12 heures.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant malien né le 25 novembre 2004, est entré en France en mars 2020. Par ordonnance du 30 juillet 2020, prise par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Besançon, il a été placé provisoirement auprès de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Oise. Son placement a été confirmé par une ordonnance du juge des tutelles des mineurs près le tribunal judiciaire de Beauvais le 8 septembre 2020. M. B... a sollicité, en septembre 2022, la délivrance d'un titre de séjour en faisant valoir sa qualité de mineur placé auprès de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans. Par un arrêté du 5 avril 2023, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 28 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B..., la préfète de l'Oise a relevé que son contrat d'apprentissage avait fait l'objet d'une rupture d'un commun accord et les pièces produites ne permettaient pas d'évaluer le sérieux du suivi de la formation. L'arrêté contesté a retenu également que, célibataire et sans enfant, M. B... n'avait aucune attache privée et familiale en France et qu'il n'établissait pas ne plus entretenir de liens avec sa famille résidant au Mali. Compte tenu des pièces produites devant lui, le tribunal, après avoir opéré une substitution de motifs, à la suite notamment de la production d'un nouveau contrat d'apprentissage, a considéré que M. B... ne maîtrise qu'imparfaitement la langue française et, qu'au vu de ses bulletins scolaires, les très faibles résultats obtenus ne permettent pas d'établir le caractère sérieux du suivi de sa formation, puis a confirmé l'arrêté sur l'absence d'atteinte disproportionnée portée à sa vie privée et familiale.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. B... a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, le 30 juillet 2020, soit avant l'âge de seize ans, d'autre part, que, titulaire d'un " contrat jeune majeur " expirant le 23 novembre 2024, il a été inscrit au titre de l'année scolaire 2022/2023 au centre de formation des apprentis de l'Oise en vue de l'obtention d'un certificat de qualification " monteur en installation sanitaire " et est accueilli par une entreprise en contrat d'apprentissage du 7 novembre 2022 au 30 août 2024. Si les bulletins scolaires du 1er semestre de l'année 2022/2023 font état de difficultés et de résultats insuffisants, le travail de M. B... est globalement décrit comme " bon ", le corps professoral l'incite à poursuivre ses efforts et le directeur lui décerne les " encouragements ". Aussi M. B... ne peut être regardé comme dépourvu d'un projet professionnel sérieux. Par ailleurs, il ressort de la note de situation établie par la structure d'accueil " Apprentis d'Auteuil " qu'il est un " jeune sérieux ", " ayant envie de s'en sortir " et justifiant d'une bonne insertion, professionnelle et extra-professionnelle dans la société française, les appréciations portées par ses professeurs, l'équipe éducative et son employeur le décrivent également comme un élève sérieux et motivé lors de sa formation. L'ensemble de ces éléments témoigne du caractère réel et sérieux de la formation suivie par M. B... depuis son entrée sur le territoire français et sa volonté d'intégration professionnelle.
6. En deuxième lieu, si l'arrêté contesté fait état de ce que M. B... est célibataire, sans charge de famille et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de quinze ans, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... entretiendrait des liens avec des membres de sa famille qui résideraient dans son pays d'origine.
7. Dans les conditions mentionnées aux points 4 à 6, et compte tenu de la situation de M. B... appréciée de façon globale, la préfète de l'Oise a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en lui refusant la délivrance du titre sollicité. Il s'ensuit que cette décision doit être annulée y compris celles l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Eu égard au motif d'annulation retenu, et en l'absence de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la préfète de l'Oise délivre à M. B... une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. M. B... ayant été admis à l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Ottou, conseil de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1 : Le jugement n° 2301889 du 28 décembre 2023 du tribunal administratif d'Amiens et l'arrêté du 5 avril 2023, par lequel la préfète de l'Oise a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Oise de délivrer à M. A... B... un titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ottou, conseil de M. B..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la préfète de l'Oise et à Me Alix Ottou.
Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Viard, présidente-rapporteure,
- M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.
Le président-assesseur,
Signé : J-M Guérin-LebacqLa présidente-rapporteure,
Signé : M-P Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
N° 24DA00222 2