Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de résident, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte.
Par un jugement n° 2302229 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 4 mai 2023 du préfet de la Seine-Maritime et enjoint à ce dernier de délivrer à M. A... la carte de résident prévue à l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai qui ne saurait excéder trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- les premiers juges ont retenu à tort que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à X se disant M. A... a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors, d'une part, que l'intéressé s'est prévalu d'un extrait de registre d'état civil ainsi que d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance qui, à l'issue d'une analyse réalisée par le service de la fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Rouen, se sont avérés falsifiés ; la carte d'identité consulaire, délivrée sur la foi de ces actes frauduleux, ne permet pas d'établir l'identité et la date de naissance de M. A... ;
- M. A..., ne justifiant pas de son état civil, n'apporte ainsi pas la preuve de sa paternité et ne peut se voir délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'un mineur réfugié ;
- M. A... ne démontre pas vivre aux côtés de son enfant, ni en avoir la charge ou participer à l'éducation et à l'entretien de celui-ci.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2024, M. A..., représenté par Me Elatrassi-Diome, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Maritime ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mai 2024 à 12 h 00.
Par une demande enregistrée le 30 août 2024, M. A... a sollicité son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... qui se déclare ressortissant guinéen né le 1er janvier 1992 entré en France le 11 mai 2017 a déposé une demande d'asile. Par une décision du 29 mars 2022, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande, décision qui a été confirmée par une décision du 23 juin 2022 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Il a fait l'objet le 28 novembre 2019 d'une obligation de quitter le territoire français. S'étant maintenu sur le territoire français, M. A... a ensuite sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en se prévalant de ce que par une décision de l'OFPRA du 5 mai 2021, la qualité de réfugiée a été reconnue à sa fille de nationalité guinéenne née le 15 décembre 2020. Par un arrêté du 4 mai 2023, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 30 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A... la carte de résident prévue à l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la demande d'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance ". Aux termes de l'article 20 de la même loi : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente (...) ".
3. M. A... a déposé le 30 août 2024, une demande d'aide juridictionnelle. Toutefois, la cour n'est pas tenue de surseoir à statuer pour garantir à M. A... le bénéfice du droit à l'assistance d'un avocat dès lors qu'il ressort de l'instruction que Me Elatrassi-Diome s'est constituée avocat dès le 28 février 2024 et a déposé un mémoire enregistré le 10 mai 2024. Par suite et eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a seulement lieu de prononcer l'admission provisoire de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. D'une part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiant de son état civil. 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / Lorsque la demande de titre de séjour est introduite en application de l'article L. 431-2, le demandeur peut être autorisé à déposer son dossier sans présentation de ces documents ".
5. D'autre part, l'article L. 811-2 du code précité prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. En outre, aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application du livre V se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans ". Aux termes de l'article L. 424-3 du même code : " La carte de résident prévue à l'article L. 424-1, délivrée à l'étranger reconnu réfugié, est également délivrée à : / (...) 4° Ses parents si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié, sans que la condition de régularité du séjour ne soit exigée. / L'enfant visé au présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ".
7. Si les dispositions précitées de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'étranger parent d'un enfant étranger mineur ayant obtenu le statut de réfugié se voit délivrer de plein droit, à sa demande, une carte de résident d'une durée de dix ans, ces dispositions ne l'exonèrent pas de satisfaire à l'obligation résultant de l'article R. 431-10 du même code, de présenter, à l'appui de sa demande, les documents justifiant notamment de son état civil.
8. Lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation.
9. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
10. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient.
11. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a produit un jugement supplétif n° 3066 du 21 septembre 2020 du tribunal de première instance de Boké tenant lieu d'acte de naissance et une transcription de celui-ci enregistrée le 1er octobre 2020 sous le n° 1606 dans les registres de l'état-civil de la commune urbaine de Boké.
12. Il ressort des énonciations de l'arrêté contesté, que pour refuser de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité, le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur les conclusions de deux rapports d'analyse de la cellule Fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières (DIDPAF) de Rouen, réalisés le 1er février 2023 et portant sur l'authenticité des documents d'état civil présentés par le demandeur.
13. En ce qui concerne le jugement supplétif, le service de la fraude documentaire a relevé, d'une part, une non-conformité du timbre sec partiellement illisible et d'autre part, sur le timbre humide la mention " du Chef du Greffe " apparaissant à deux reprises et comportant une même erreur à savoir " Chef du Greffé " au lieu de " Chef du Greffe ". Ce dernier constat a conduit les analystes à conclure que le jugement supplétif avait été falsifié par apposition d'un timbre contrefait.
14. En ce qui concerne la transcription de l'acte de naissance sur l'extrait du registre de l'état-civil, le service de la fraude documentaire a émis un avis défavorable aux motifs que les mentions pré-imprimées ne sont pas parfaitement alignées et centrées et que le tampon de l'officier d'état civil délégué comportait l'indication comportant une faute d'orthographe " déléque " au lieu de " délégué ".
15. Enfin, pour chacun de ces actes l'analyse documentaire a relevé l'absence de légalisation par les autorités guinéennes en France.
16. Ces irrégularités et anomalies, dont l'intimé ne conteste pas l'existence, sont en l'espèce, de nature à remettre en cause la valeur probante du jugement supplétif et de sa transcription au registre d'état civil présentés par M. A... et des informations y figurant. Par ailleurs, contrairement à ce que l'intimé soutient, la délivrance, le 15 juin 2021, d'une carte consulaire par l'ambassade de Guinée en France, qui ne constitue pas un acte d'état civil et a pu être délivrée sur la foi des mêmes documents non probants, n'est pas de nature à justifier de son état civil. Dans ces conditions, et alors que M. A... ne peut utilement faire valoir qu'il appartenait au préfet de l'inviter à justifier d'un nouvel acte de naissance, le préfet de la Seine-Maritime était fondé, en tenant compte des anomalies examinées précédemment, prises dans leur ensemble, à retenir que le jugement supplétif et l'extrait de registre d'état civil dont M. A... s'est prévalu au soutien de sa demande de titre de séjour étaient falsifiés et qu'ils ne pouvaient ainsi être regardés comme de nature à justifier de son état civil.
17. Ce motif de l'arrêté, tiré de ce que l'identité du demandeur n'était pas établie, suffisait à justifier légalement le refus du préfet de la Seine-Maritime de délivrer à l'intéressé la carte de résident qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile quand bien même il remplirait les conditions légales pour se voir délivrer un tel titre de séjour compte tenu de sa filiation avec une enfant mineure bénéficiant du statut de réfugiée.
18. Il suit de là que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Rouen, pour annuler l'arrêté contesté, a retenu à tort que la décision refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour était entachée d'une méconnaissance des dispositions des articles R. 431-10 et L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
20. En premier lieu, par un arrêté n° 23-033 du 30 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Seine-Maritime, le préfet de la Seine-Maritime a donné délégation à M. D... C..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers. Par suite, le signataire de l'acte attaqué était compétent à cet effet.
21. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise, notamment, les dispositions des articles L. 424-3 et R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les éléments propres à la situation de M. A... retenus par le préfet de la Seine-Maritime pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en application de ces dispositions. Il comporte, ainsi, l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.
22. En troisième lieu, M. A... a sollicité son admission au séjour en invoquant sa qualité de parent d'enfant mineur bénéficiant du statut de réfugié et en joignant à sa demande toutes les pièces requises, ainsi que celles qu'il estimait utile de fournir. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures et de formuler toute observation ou complément utiles sur les pièces qu'il avait lui-même fournies à l'appui de sa demande. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure de refus de séjour, telle qu'elle est notamment protégée par le droit de l'Union, en particulier par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, n'a pas été méconnue.
23. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident prévue aux articles (...) L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-1, L. 426-2, L. 426-3, L.426-6, L. 426-7 ou L. 426-10 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...) ".
24 Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions relatives à la délivrance de plein droit des cartes de séjour citées à cet article, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Ainsi qu'il a été dit au point 16, l'intimé ne justifie pas de son état civil et par suite, ne peut entrer dans le champ des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Maritime n'était pas tenu de soumettre le cas de M. A... à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande.
25. En cinquième lieu, compte tenu de ce que le préfet a légalement pu fonder sa décision sur la seule circonstance que le demandeur ne satisfaisait pas à la condition préalable posée par l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de présentation des documents justifiant de son état civil, il ne peut utilement soutenir qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer une carte de résident sur le fondement des dispositions de l'article L.424-3 du code précité. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de ces dernières dispositions à sa situation ne peut, dès lors, qu'être écarté.
26. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de 1'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
27. D'une part, M. A..., qui fait état d'une présence sur le territoire français depuis plus de six ans à la date de la décision contestée et justifier d'un revenu mensuel de 1 700 euros, soutient qu'il entretient depuis l'année 2018 une relation avec une compatriote munie d'un titre de séjour valable jusqu'au 3 octobre 2032 dont il a eu une fille, née le 15 décembre 2020, qui s'est vu reconnaître le statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 mai 2021. M. A..., qui admet n'avoir aucune vie commune avec la mère de l'enfant, allègue rendre régulièrement visite à sa fille et partager de nombreuses activités avec celle-ci sans toutefois apporter une quelconque justification hormis l'affirmation non démontrée d'un versement mensuel de 100 euros et la production de quelques tickets de caisse émis lors d'achats divers, dont la plupart ont été édités postérieurement à l'arrêté contesté et dont il ne ressort ni qu'ils concernaient des achats effectués par l'intéressé, ni que ces achats étaient destinés à sa fille. Ces éléments, ni l'attestation peu circonstanciée de la mère de l'enfant pas plus que l'invocation par M. A... de son intention d'engager une procédure visant à déterminer ses droits de visite, ne permettent de tenir pour établi qu'il contribuait effectivement, à la date de la décision contestée, à l'entretien et à l'éducation de son enfant et maintenait avec elle une relation affective. Dans ces conditions, la décision attaquée ne saurait être regardée comme constitutive d'une atteinte au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
28. D'autre part, si l'appelant se prévaut de l'intérêt supérieur de sa fille mineure, comme il a été dit, celle-ci vit auprès de sa mère et il ne démontre pas contribuer à son entretien et à son éducation à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant doit être écarté.
29. En septième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Et aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
30. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que le préfet ait été saisi, ni davantage qu'il ait envisagé, de sa propre initiative, l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... sur le fondement des articles L. 423-23 et / ou L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, M. A..., qui est entré en France en 2017, ne justifie pas d'une présence régulière depuis plus de dix ans sur le territoire français. En outre, s'il fait état de sa présence sur le territoire français " auprès de sa famille nucléaire " ces éléments ne suffisent pas à établir que des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifieraient son admission au séjour. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement rejeter sa demande de titre de séjour sans méconnaître les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
31. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, les moyens tirés du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de l'intimé et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
32. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 31 que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
33. En second lieu, et dès lors que M. A... les réitère à l'identique, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents, les moyens tirés de l'incompétence, de l'insuffisance de motivation, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen sérieux de sa situation doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
34. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi doit, en conséquence, être écarté.
35. En deuxième lieu, l'arrêté contesté mentionne les dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles la décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3 du même code, à destination duquel l'étranger peut être reconduit d'office, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le même arrêté mentionne que M. A..., de nationalité guinéenne, est entré sur le territoire français pour y demander l'asile, et qu'il n'établit pas être personnellement exposé dans son pays d'origine à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention précitée. Cet arrêté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé pour décider qu'il pourrait être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit, par suite, être écarté.
36. En troisième lieu, et dès lors que M. A... les réitère à l'identique, pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés, les moyens tirés de l'incompétence, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés.
37. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 22, le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu doit être écarté.
38. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-4 de ce code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
39. M. A..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA, se borne à invoquer sa nationalité guinéenne et la circonstance que le statut de réfugiée a été accordé à sa fille mineure au regard des risques qu'elle encourt en cas de retour dans ce pays. Toutefois, il n'apporte pas, comme il lui appartient de le faire, d'élément de nature à justifier la réalité et l'actualité des risques de traitements inhumains et dégradants auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine, au sens des dispositions et stipulations précitées, l'invocation de sa qualité de parent de réfugiée n'étant pas suffisante pour en justifier. Dès lors, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté, et en conséquence les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen sérieux de sa situation.
Sur la décision d'interdiction de retour d'une durée d'un mois :
40. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
41. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
42. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie.
43. En l'espèce, pour décider de prendre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. A..., le préfet de la Seine-Maritime a notamment relevé que, même si sa présence sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public, une telle décision pouvait être prise, pour une durée d'un mois, compte tenu des conditions de son entrée et de son séjour en France et de ce que l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance propre à empêcher une telle mesure. Contrairement à ce que fait valoir l'intimé, en faisant référence, dans sa décision, à ses conditions d'entrée et de séjour en France, le préfet doit nécessairement être regardé comme ayant tenu compte de sa durée de présence dès lors qu'il a préalablement indiqué que " l'intéressé déclare être entré sur le territoire français le 11 mai 2017 ". Ce faisant, le préfet a satisfait à l'exigence de motivation.
44. En outre, si, pour contester la mesure, M. A... se prévaut d'attaches familiales très fortes en France, constituées par la présence de sa fille mineure, il résulte de ce qui a été dit plus haut, que l'intensité de ces liens n'est pas établie. Par suite, au regard de ces motifs et en l'absence de circonstances humanitaires ou exceptionnelles qui justifieraient que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour, le préfet de la Seine-Maritime a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, ni entacher sa décision d'un défaut d'examen sérieux, prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.
45. En dernier lieu, eu égard aux motifs précédemment évoqués, la décision qui a été signée par une autorité compétemment désignée, ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
46. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 4 mai 2023 et lui a enjoint de délivrer à M. A... la carte de résident prévue à l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
47. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée, de même que ses conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. A... est admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 2302229 du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen et les conclusions qu'il présente en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Elatrassi-Diome.
Copie en sera délivrée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 23DA02330 2