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18/09/2024 | FRANCE | N°23DA01912

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 18 septembre 2024, 23DA01912


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de

la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et fam

iliale " ou " salarié " dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à interven...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de

la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, ou à titre subsidiaire, de réexaminer son admission au séjour dans le délai de deux mois, suivant la notification de la décision à intervenir et en tout état de cause, d'enjoindre au préfet de lui remettre au plus tard dans les huit jours une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2300909 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 21 novembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime et a enjoint au préfet compétent au regard du domicile actuel de l'intéressé de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et, dans l'attente, de le munir dans un délai de quinze jours d'un récépissé l'autorisant à travailler.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 octobre 2023, le préfet de la Seine-Maritime, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que :

- les premiers juges ont retenu à tort que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... se disant M. B... C... a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors, d'une part, que l'intéressé s'est prévalu d'un extrait de registre d'état civil ainsi que d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance qui, à l'issue d'une analyse poussée réalisée par le service de la fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Rouen, se sont avérés falsifiés ;

- rien ne permettant de considérer que le demandeur a déposé sa demande de titre de séjour dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire et qu'il aurait été confié à l'aide sociale à l'enfance entre seize ans et dix-huit ans, c'est à bon droit que le titre de séjour lui a été refusé sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- pour les motifs exposés dans les écritures produites en première instance, les autres moyens soulevés par X se disant M. B... C... devant le tribunal administratif de Rouen ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2024, M. C... B..., représenté par Me Leroy, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la confirmation de l'injonction de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;

3°) à défaut, selon le moyen qui serait retenu, à ce qu'il soit enjoint au préfet de

la Seine-Maritime, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

4°) à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 200 euros TTC, à verser à son conseil, sous réserve de sa renonciation au versement de l'aide juridictionnelle, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Maritime ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mai 2024 à 12 heures.

M. B... a été maintenu de plein droit à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... qui déclare être un ressortissant guinéen né le 9 mai 2002 entré en France le 2 novembre 2018, a été placé auprès de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime le 7 février 2019. Il a saisi le préfet de la Seine-Maritime d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des articles L. 435-3 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 novembre 2022, le préfet de

la Seine-Maritime a rejeté sa demande et décidé son éloignement à destination de son pays d'origine. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 21 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. D'autre part, l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article R. 431-10 du même code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil (...) ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

5. Lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation.

6. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

7. A la condition que l'acte d'état civil étranger soumis à l'obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l'autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d'authenticité, l'absence ou l'irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu'il contient. En particulier, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative d'y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d'assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu'ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d'état civil étrangers justifiant de l'identité et de l'âge du demandeur.

8. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B... a produit un jugement supplétif n° 8626 du 23 août 2019 du tribunal de première instance de Boké tenant lieu d'acte de naissance, une retranscription de celui-ci enregistrée le 4 septembre 2019 sous le n° 451 dans les registres de l'état-civil de la commune rurale de Kamsar, ainsi qu'une carte d'identité consulaire délivrée le 13 mai 2022 par les services consulaires de l'ambassade de la République de Guinée à Paris.

9. Il ressort des énonciations de l'arrêté contesté, que pour refuser de délivrer à M. B... un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime s'est fondé sur les conclusions de deux rapports d'analyse de la cellule Fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières (DIDPAF) de Rouen, réalisés le 22 avril 2022 et portant sur l'authenticité des documents d'état civil présentés par le demandeur.

10. En ce qui concerne le jugement supplétif, le service de la fraude documentaire a relevé, d'une part, une non-conformité du timbre sec partiellement illisible et d'autre part, sur le timbre humide la mention " du Chef du Greffe " apparaissant à deux reprises et comportant une même erreur à savoir " Chef du Greffé " au lieu de " Chef du Greffe ". Ce dernier constat a conduit les analystes à conclure que le jugement supplétif avait été falsifié par apposition d'un timbre contrefait.

11. En ce qui concerne la transcription de l'acte de naissance sur l'extrait du registre de l'état-civil, le service de la fraude documentaire a émis un avis défavorable aux motifs que les mentions pré-imprimées ne sont pas parfaitement alignées et centrées et que le timbre-sec est partiellement illisible.

12. Si les timbres secs figurant sur le jugement supplétif et la transcription d'extrait d'acte de naissance produits par M. B... au soutien de sa demande de titre de séjour sont partiellement illisibles, une telle anomalie ne peut, à elle seule, suffire à écarter ces actes comme dépourvus de caractère probant. Toutefois, il a également été relevé l'absence d'alignement des mentions préimprimées figurant sur l'extrait d'acte de naissance et l'anomalie d'orthographe du mot " greffe " constatée à deux reprises sur le timbre humide apposé sur le jugement supplétif ne peut résulter des conditions dans lesquelles ce cachet a été apposé.

13. En outre, s'il ressort de la transcription de l'acte de naissance, que les mentions qui y sont portées en ce qui concerne le lieu et la date de naissance C... B... et l'identité des père et mère correspondent à celles figurant sur le jugement supplétif, le préfet de la Seine-Maritime fait valoir, dans sa requête, que l'extrait d'acte de naissance produit omet, en méconnaissance des articles 184 et 204 du code civil de la République de Guinée, de faire mention notamment des dates, lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère. Si l'article 201 de ce code n'énonce certes pas les mentions devant être portées dans la transcription faite à la suite d'un jugement supplétif, celles relatives aux dates et lieux de naissance des parents doivent nécessairement apparaître pour établir le lien de filiation. Enfin, la délivrance d'une carte consulaire et d'un passeport revêtu d'un numéro personnel sécurisé, qui ne constituent pas un acte d'état civil et ont pu être délivrés sur la foi du même jugement supplétif et de de sa transcription, regardés comme non probants, ne sont pas non plus de nature à justifier de l'état civil et notamment de la date de naissance de l'intéressé.

14. Il résulte de ce qui précède, que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles R. 431-10 et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant la demande de titre de séjour de M. B... au motif qu'il ne justifiait pas de sa date de naissance et donc de son état civil et aurait pu se fonder sur ce seul motif.

15. Il s'ensuit que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 21 novembre 2022 au motif de la méconnaissance des dispositions précitées.

16. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

17. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

18. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit précédemment que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas estimé que la demande de titre de séjour présentée par M. B... était incomplète, mais qu'après avoir procédé à un examen de cette demande et notamment des documents d'état civil qui y étaient joints, il a estimé que l'identité du demander ne pouvait être tenue pour établie. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour en litige serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le service d'avoir demandé, conformément à l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, à l'intéressé de compléter sa demande, doit être écarté.

19. En troisième lieu, M. B... a sollicité son admission au séjour en invoquant notamment la qualité de jeune majeur confié à l'aide sociale à l'enfance avant d'avoir atteint l'âge de seize ans et en joignant à sa demande toutes les pièces requises, ainsi que celles qu'il estimait utiles de fournir. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures et de formuler toute observation ou complément utiles sur les pièces qu'il avait lui-même fournies à l'appui de sa demande. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure de refus de séjour, telle qu'elle est notamment protégée par le droit de l'Union, en particulier par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, n'a pas été méconnue. Enfin, aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose au préfet, lorsqu'il requiert un avis technique pour le guider dans son appréciation du caractère probant d'actes d'état civil produits par un demandeur de titre de séjour, de communiquer au demandeur le rapport du service avant de se prononcer sur sa demande. Par suite, et alors que les motifs de l'arrêté en litige rendent compte de la teneur des avis émis, les moyens du requérant tirés de la méconnaissance du principe du respect des droits de la défense et des dispositions des articles L. 311-2 et L. 311-3 du code des relations entre le public et l'administration doivent être écartés.

20. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance (...) entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil (...) sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

21. Compte tenu de ce que le préfet a légalement pu fonder sa décision sur la seule circonstance que le demandeur ne satisfaisait pas à la condition préalable posée par

l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de présentation des documents justifiant de son état civil, M. B... ne peut utilement soutenir qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L.435-3 du code précité. Le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de ces dernières dispositions à sa situation ne peut, dès lors, qu'être écarté.

22. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

23. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance par une décision du 7 février 2019, a été scolarisé puis a obtenu un CAP " couvreur " lui ayant permis de suivre un contrat d'apprentissage puis un contrat de travail à durée indéterminée au sein de l'entreprise " Arts et toiture ". Si le caractère réel et sérieux de sa formation puis de son intégration au sein de cette entreprise n'est pas contesté, il ne justifie pas d'une attache privée ou familiale en France durablement établie. A cet égard, s'il se prévaut de sa relation avec une compatriote guinéenne rencontrée en mai 2022, mère d'une enfant âgée de deux ans, née d'une autre union, cette relation était encore très récente à la date de la décision attaquée et n'est documentée par aucun élément susceptible d'être regardé comme antérieur à l'arrêté litigieux. Si M. B... soutient que sa compatriote serait sur le point d'obtenir le statut de réfugiée, cette circonstance, ni celle qu'ils ont eu un enfant né le 30 mars 2024 ne peuvent avoir d'incidence sur l'appréciation portée par le préfet à la date de l'arrêté litigieux. Enfin, il n'établit pas, par ses seules allégations, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine dans la mesure où, selon la note d'évaluation du service social, ses parents ainsi que ses demi-frères et demi-sœurs y demeurent toujours. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour ne peut, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et, en particulier, à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressé en France, être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni comme étant contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

24. En dernier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation de l'intéressé.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

25. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 24 que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

26. En deuxième lieu, pour les motifs précédemment énoncés ci-dessus, les moyens tirés de ce que, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaitrait le droit de l'intéressé à être préalablement entendu, tel que protégé par le droit de l'Union européenne, de même que son droit à organiser sa défense et son droit " à une bonne administration " doivent être écartés.

27. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés en ce qui concerne le refus de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation et du défaut d'examen sérieux de sa situation doivent être écartés.

28. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 21 novembre 2022 et a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ".

29. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée, de même que ses conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

30. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions de M. B... tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300909 du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen et les conclusions qu'il présente en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Magali Leroy.

Copie en sera délivrée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M.-P. ViardLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 23DA01912 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01912
Date de la décision : 18/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-18;23da01912 ?
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