Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2023 par lequel la préfète de l'Oise a abrogé son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'en suspendre l'exécution et d'enjoindre à la préfète de lui renouveler son attestation de demande d'asile ou à défaut de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2303303 du 23 novembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté en tant qu'il a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il a également enjoint à la préfète de l'Oise de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Il a enfin rejeté le surplus des conclusions de Mme B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2023, la préfète de l'Oise demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.
Elle soutient que :
- la décision d'éloignement est fondée sur les dispositions des articles concernant l'asile du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que sur le refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
- la décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fonde.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2024, Mme A... B..., représentée par Me Tourbier, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de la préfète de l'Oise ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision de la préfète de l'Oise portant refus de renouvellement de l'attestation de demande d'asile, obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination et d'enjoindre à la préfète de renouveler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir l'attestation de demande d'asile de Mme B..., ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de suspendre la décision d'éloignement jusqu'à l'intervention de la réponse définitive de la Cour nationale du droit d'asile sur sa demande d'asile ;
4°) à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la préfète de l'Oise s'est cru, à tort, liée par la décision de l'OFPRA et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Mme A... B... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 février 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Par une ordonnance du 13 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 avril 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante arménienne, déclare être entrée en France le 4 février 2023 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande, enregistrée le 7 juin 2023, a été traitée dans le cadre de la procédure accélérée compte tenu de la provenance de l'intéressée d'un pays inscrit sur la liste des pays d'origine sûrs. Sa demande a été rejetée par une décision du 17 août 2023 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Par un arrêté du 6 septembre 2023, la préfète de l'Oise, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Saisi par Mme B..., le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision de la préfète de l'Oise en tant qu'elle oblige l'intéressée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixe le pays de renvoi, a rejeté le surplus de ses conclusions et a enjoint à la préfète de l'Oise de réexaminer la situation de Mme B.... La préfète de l'Oise relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ".
4. Par un arrêté du 6 septembre 2023, la préfète de l'Oise a prononcé à l'encontre de Mme B... une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français après avoir refusé de l'admettre à l'asile. Il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de cet arrêté, que la préfète de l'Oise se borne à préciser que Mme B... a fait l'objet d'un refus de séjour au titre de l'asile sans mentionner les dispositions applicables fondant en droit cette décision, notamment les dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui se borne à énoncer quelques considérations de fait, ne comporte pas les considérations de droit sur lesquelles elle se fonde et est ainsi insuffisamment motivée. Dès lors, la préfète de l'Oise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 6 septembre 2023 faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et celle fixant le pays de destination et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.
Sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991:
5. Mme B... ayant obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Tourbier de la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète de l'Oise est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Tourbier, avocat de Mme B..., la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Me Tourbier et à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 août 2024.
La présidente-assesseure,
Signé : I. Legrand La présidente de chambre,
Présidente-rapporteure
Signé : G. Borot La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°23DA02327