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04/07/2024 | FRANCE | N°23DA02295

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 04 juillet 2024, 23DA02295


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à

compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande.

Par un jugement n° 2204307 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 décembre 2023, M. A..., représenté par

Me Danset-Vergoten, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa demande de titre de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat, la somme de 2 000 euros sur le fondement de

l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en renvoyant aux observations qu'il a produites en première instance, que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2024 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant sénégalais né le 16 juillet 1983, est, selon ses déclarations, entré sur le territoire français au début de l'année 2011, muni de son passeport revêtu d'un visa valable du 4 au 11 janvier 2011. Il a été mis en possession d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " pour raison de santé, valable du 23 juin 2020 au 22 juin 2021. Par une demande déposée le 14 avril 2022, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 mars 2022, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 10 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision refusant un titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision vise les textes dont elle fait application, et s'agissant en particulier d'une demande fondée sur l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne l'avis daté du 14 septembre 2021 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) selon lequel l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Si le préfet du Nord s'est fondé sur cet avis, il ne ressort pas de la décision qu'il se serait cru lié par celui-ci dès lors qu'il a par ailleurs indiqué, dans son arrêté, qu'au regard de cet avis et de l'absence d'éléments médicaux transmis par le demandeur, son état de santé ne nécessitait pas son maintien en France. Ce faisant, il a suffisamment motivé sa décision, sans qu'il soit nécessaire, dans ce cas, qu'il expose les motifs pour lesquels il estimait que le bénéfice du traitement approprié était effectif au Sénégal.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

4. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 425-9, de vérifier, au vu de l'avis médical du collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

5. Ainsi qu'il a été dit au point 2, par son avis du 14 septembre 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Afin de contester le sens de l'avis du collège de médecins de l'OFII, M. A... a produit, en première instance, des éléments médicaux relatifs à la pathologie dont il souffre et qui ont motivé sa demande de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé. Il ressort de ces certificats médicaux et pièces médicales, qu'il est atteint d'une schizophrénie paranoïde pour laquelle il est suivi depuis au moins l'année 2016. Ces éléments relatifs à sa pathologie ont été soumis à l'avis d'un médecin du service médical de l'OFII, et selon les observations formulées par l'OFII en réponse à une mesure d'instruction du tribunal, si M. A... a été hospitalisé durant six semaines en psychiatrie au début de l'année 2019, à la date d'évaluation de son état de santé par le collège de médecins, le patient était, depuis son dernier séjour hospitalier, suivi en consultations ambulatoires sans rechute signalée et sans que le médecin psychiatre chargé de son suivi ne mentionne d'éléments inquiétants depuis cette date. En outre, toujours selon l'OFII, le médecin psychiatre ayant évalué M. A... dans le cadre de l'examen de sa demande de titre de séjour n'a pas constaté d'état clinique décompensé. Devant le tribunal comme devant la cour, M. A... soutient qu'il bénéficie d'un traitement antipsychotique devant lui être impérativement administré en milieu hospitalier chaque mois pour prévenir des effets indésirables pouvant être graves. Cependant, les certificats médicaux des 14 avril 2022 et 29 mars 2023 de son médecin psychiatre qu'il produit ne font que confirmer le suivi d'un traitement au long cours et ne sont pas de nature à contredire l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII sur la gravité de la pathologie dont il souffre et sur les éventuelles conséquences d'une absence de prise en charge. Par ailleurs, si M. A... fait état de ce qu'en raison des évènements traumatiques qu'il a subis au Sénégal, un retour entraînerait une aggravation majeure du syndrome posttraumatique expliquant les troubles schizophréniques dont il est atteint, il est constant que sa demande d'asile en lien avec le vécu traumatique dont il aurait été victime dans son pays a été rejetée définitivement par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 29 avril 2013 et que par un arrêt rendu le 12 mai 2016, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a estimé qu'il n'existait pas de motifs sérieux et actuels de croire qu'il serait, à raison du vécu traumatique allégué mais non établi, exposé à des risques réels de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, M. A... ne saurait utilement soutenir qu'en s'abstenant d'apprécier la possibilité d'accéder à un traitement approprié au Sénégal, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 425-9, dès lors qu'une telle appréciation n'est requise que lorsque l'état de santé de l'étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, et comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le préfet du Nord, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, dans la mesure où l'appelant réitère en tous points, sans y ajouter, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu, par adoption des motifs du jugement, d'écarter ce moyen qui est inopérant.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'étant entré, selon ses déclarations, sur le territoire français en janvier 2011, M. A... s'y est maintenu le temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile qui a été rejetée définitivement par la CNDA le 29 avril 2013. Il s'est maintenu ensuite irrégulièrement sur le territoire français et a fait l'objet, le 2 mars 2015, d'une obligation de quitter le territoire français que la CEDH a, le 17 mars 2015, en application de l'article 39 de son règlement, demandé au gouvernement français de ne pas exécuter durant le temps nécessaire à l'examen du recours introduit par l'intéressé devant elle le 14 mars 2015. Bien que, par un arrêt rendu le 12 mai 2016, la CEDH ait rejeté sa requête, M. A... est demeuré sur le sol français et n'a plus demandé à régulariser sa situation avant que, dans le courant de l'année 2020, il ne sollicite et obtienne un titre de séjour en lien avec son état de santé, valable pour une durée d'un an, du 23 juin 2020 au 22 juin 2021. S'il justifie certes d'attestations de domiciliation postale durant le second semestre de l'année 2011 et les années 2012 à 2013 auprès de l'association AIDA (Aide et Insertion des Demandeurs d'Asile) ainsi que, depuis le mois de février 2012, d'attestations d'hébergement dans les structures de l'association Emmaüs de Tourcoing où il participait à des activités en tant que bénévole, ces éléments sont insuffisants pour justifier d'une activité professionnelle régulière en France et d'une réelle intégration sociale durant les dix années de son séjour sur le territoire français. En outre, célibataire et sans enfants, il n'allègue d'aucune attache privée ou familiale en France hormis la présence de sa sœur et de son cousin, dont il n'établit ni le séjour régulier sur le territoire français, ni la réalité et l'intensité des liens entretenus avec eux, alors, par ailleurs qu'il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusque l'âge

de vingt-huit ans. Dans ces conditions, le préfet du Nord, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En dernier lieu, pour ces mêmes motifs, les moyens tirés de ce que la décision refusant un titre de séjour à M. A... est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et d'un défaut d'examen sérieux doivent être écartés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

11. En deuxième lieu, lorsqu'un refus de séjour est assorti d'une obligation de quitter le territoire français, la motivation de cette dernière se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. Il ressort de ce qui a été dit au point 2 que la décision portant refus de titre de séjour comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse doit, par suite, être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ".

13. Comme il a été dit au point 5, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et en tout état de cause, rien n'établit qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

14. En quatrième lieu, comme l'a retenu à bon droit le tribunal, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant pas pour objet de fixer le pays de destination, M. A... ne peut utilement faire état des risques encourus en cas de retour au Sénégal au soutien de ses conclusions dirigées contre cette décision de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant.

15. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit aux points qui précèdent, que le préfet du Nord, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé. En outre, pour ce même motif, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est entachée d'aucun défaut d'examen sérieux et particulier de la situation de M. A....

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

16. En premier lieu, l'ensemble des moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ayant été écartés, il n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'illégalité. Il n'est donc pas plus fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité de cette mesure d'éloignement.

17. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination vise les dispositions applicables de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que si M. A... se prévaut de persécutions dans son pays d'origine en raison de son orientation sexuelle, sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis la CNDA. Elle mentionne qu'au surplus, par une décision du 12 mai 2016, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré sa requête irrecevable aux motifs " qu'il n'existe pas de motifs sérieux et actuels de croire que le requérant serait exposé à des risques réels de traitement contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". La décision contestée expose ainsi précisément les motifs pour lesquels le préfet a estimé que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de cette convention. La décision fixant le pays de renvoi est donc motivée de façon suffisante en droit et en fait.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Selon les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

19. Il ressort des énonciations de l'arrêté attaqué que le préfet a estimé que la situation de l'intéressé ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme en ce qu'il n'allègue ni n'établit qu'il puisse être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. En outre, dès lors que M. A... ne serait pas dans l'impossibilité d'accéder effectivement, dans son pays d'origine, à un traitement approprié, la décision de renvoi n'est pas de nature à porter atteinte à sa santé, dans des conditions telles que sa vie ou son intégrité physique seraient gravement menacées au sens des stipulations de l'article 3 de la convention précitée. Par suite, le préfet n'a entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation des risques encourus par l'appelant en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation doivent être écartés.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2022 du préfet du Nord. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Danset-Vergoten.

Copie en sera délivrée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 18 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. MalfoyLa présidente de chambre,

Signé : M-P. ViardLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 23DA02295 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02295
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23da02295 ?
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