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04/07/2024 | FRANCE | N°22DA02456

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 04 juillet 2024, 22DA02456


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 4 décembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Oise a autorisé l'Association de formation et d'action sociale des Ecuries de courses (AFASEC) à le licencier, d'autre part, d'annuler la décision du 4 décembre 2019 portant autorisation de son licenciement.



Par un jugement n° 2003252 du 22 septembre 2022, le tribunal adminis

tratif d'Amiens a rejeté ses demandes.



Procédure devant la cour :



Par une dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 4 décembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Oise a autorisé l'Association de formation et d'action sociale des Ecuries de courses (AFASEC) à le licencier, d'autre part, d'annuler la décision du 4 décembre 2019 portant autorisation de son licenciement.

Par un jugement n° 2003252 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une déclaration d'appel, enregistrée le 24 novembre 2022, et régularisée par un mémoire enregistré le 7 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Stéphanie Calot-Foutry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 4 décembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Oise a autorisé son licenciement, ensemble la décision du 5 août 2020 par laquelle la ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision.

Il soutient que :

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et ne revêtent aucun caractère fautif ainsi que le démontre le classement sans suite de la procédure pénale diligentée à son encontre ; en tout état de cause, les faits reprochés ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour justifier son licenciement ;

- ce licenciement présente un lien avec l'exercice de ses mandats dès lors qu'il avait déjà fait l'objet d'une précédente demande de licenciement en 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, l'AFASEC, représentée par Me Marletti, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de cette requête et renvoie à ses écritures de première instance.

Par une ordonnance du 20 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 mars 2024, à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été recruté par un contrat à durée indéterminée à compter du 5 juin 2000, par l'association de formation et d'action sociale des Ecuries de courses (AFASEC), en qualité d'animateur socio-éducatif et affecté à l'école des courses hippiques situées à Gouvieux dans l'Oise. Il était par ailleurs détenteur d'un mandat de membre suppléant du comité d'entreprise de l'association et candidat aux élections du comité social et économique du 17 octobre 2019. L'AFASEC a demandé, par courrier du 4 octobre 2019, l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. L'inspectrice du travail territorialement compétente a autorisé ce licenciement par décision du 4 décembre 2019. M. B... a formé un recours hiérarchique devant la ministre du travail qui a été expressément rejeté par une décision du 5 août 2020. M. B... relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes d'annulation pour excès de pouvoir de la décision d'autorisation de licenciement et de celle portant rejet de son recours hiérarchique.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives qui bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat.

3. En outre, aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, (...) le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. (...) Si un doute subsiste, il profite au salarié ".

4. Pour justifier sa demande d'autorisation de licenciement, l'AFASEC fait état de trois griefs à l'encontre de M. B..., le premier tenant au fait d'avoir invité à son domicile une élève de l'école dans laquelle il est animateur, alors que l'établissement dispose d'un internat, le deuxième tenant à la circonstance que les faits qui se sont déroulés chez l'intéressé ont été suffisamment graves pour que l'élève dépose plainte et en ressorte traumatisée et le dernier tenant au fait de l'avoir laissé rentrer seule à l'internat, situé à plusieurs kilomètres de son domicile, le dimanche matin. L'inspectrice du travail a estimé les trois griefs précités comme fondés et a autorisé le licenciement pour faute de M. B....

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par l'intéressé qu'il a proposé à une élève, le samedi 7 septembre 2019, de venir passer le weekend à son domicile. Il est également constant qu'au cours de la soirée M. B... a consommé de l'alcool avec cette dernière et a eu une attitude inadaptée impliquant des tentatives de rapprochements physiques, faits pour lesquels elle a déposé plainte auprès des services de la gendarmerie nationale le 17 septembre suivant. En se bornant à soutenir que l'élève, majeure, disposait de la capacité de décider de passer le weekend chez lui et qu'elle a fait seule le choix de rejoindre l'établissement à pied le lendemain matin, M. B..., qui a indiqué lors de l'entretien préalable du 2 octobre 2019 regretter ces faits qui résulteraient, selon lui, d'un quiproquo, ne conteste pas sérieusement leur réalité. Si M. B... fait valoir à cet égard, sans toutefois préciser le motif de cette décision, que la plainte déposée par la jeune femme pour des faits d'agression sexuelle a été classée sans suite, il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du compte-rendu établi par le chef d'établissement et son adjointe le 23 septembre 2019 à la suite de l'entretien sollicité par l'élève, que cette dernière, qui dans un premier temps n'a pas dénoncé auprès de l'équipe éducative l'auteur des faits, a été traumatisée par cet événement. Elle a ainsi demandé à bénéficier d'un suivi psychologique et a fait part à la direction de l'établissement de ses craintes quant à la possibilité de se retrouver de nouveau en contact avec M. B.... Ces éléments sont corroborés par les échanges de messages entre l'intéressé et l'élève ainsi que par le courriel de l'un des deux animateurs socio-éducatifs ayant accueilli l'élève au sein de l'établissement le dimanche matin.

6. D'autre part, alors que son contrat de travail prévoit expressément qu'il est chargé d'assurer l'encadrement des élèves accueillis au sein de l'établissement, M. B... ne pouvait sérieusement ignorer qu'il lui appartenait en sa qualité d'animateur socio-éducatif, de veiller à la sécurité physique et morale de l'élève. A cet égard, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'appelant, dont la fiche de poste rappelle les différentes attributions en matière d'animation et de prévention, a manqué à son rôle d'encadrement et de participation à l'action éducative de l'élève sur laquelle il avait, en outre, un ascendant compte tenu de la nature des fonctions occupées. Dès lors, un tel comportement, qui traduit un manquement de l'intéressé à ses obligations professionnelles et aux règles déontologiques qu'implique l'exercice de ses missions d'animateur socio-éducatif, doit être regardé comme une méconnaissance des obligations contractuelles à l'égard de son employeur quand bien même les faits ont été commis en dehors des heures de travail et alors que le salarié n'était pas sur son lieu de travail. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que l'inspectrice du travail a estimé que les faits imputés à M. B... étaient établis et que, eu égard aux circonstances dans lesquelles ils étaient intervenus, ils revêtaient un caractère fautif.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les faits reprochés à M. B..., susceptibles de nuire à l'image et bon fonctionnement de l'établissement, revêtent, compte tenu de son ancienneté, la nature de ses fonctions et aussi des conséquences qu'ils ont eues pour cette élève, un caractère de gravité suffisant pour justifier son licenciement. En outre, contrairement à ses allégations, il ressort des pièces du dossier qu'il avait déjà fait l'objet de plusieurs avertissements et de mises à pied disciplinaires pour de précédents manquements à ses obligations professionnelles. Par suite, le moyen tiré du caractère disproportionné du licenciement au regard des faits reprochés doit être écarté.

8. En troisième lieu, si M. B... fait valoir qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente procédure de licenciement fondé sur un motif disciplinaire qui avait été refusée par l'inspection du travail le 4 avril 2014 puis par le ministre du travail le 10 octobre suivant, cette seule circonstance ne suffit pas, compte tenu de ce qui précède, à établir le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et ses fonctions représentatives.

9. En dernier lieu, lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur. Les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent ainsi être utilement invoqués par M. B....

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

11. A défaut de dépens dans la présente instance, les demandes présentées à ce titre par l'AFASEC ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'AFASEC présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La demande de l'Association de formation et d'action sociale des Ecuries de courses (AFASEC) tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'Association de formation et d'action sociale des Ecuries de courses (AFASEC), à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à Me Calot-Foutry.

Délibéré après l'audience publique du 18 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

Le président-assesseur,

Signé : J.-M. Guérin-Lebacq

La présidente-rapporteure,

Signé : M.-P. ViardLa greffière,

Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

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N° 22DA02456

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02456
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Viard
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : CALOT-FOUTRY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22da02456 ?
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