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03/07/2024 | FRANCE | N°24DA00455

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 juillet 2024, 24DA00455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 23 novembre 2023 portant transfert aux autorités croates en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2310658 du 24 janvier 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, enjoint au préfet d'enregistrer la demande d'asile de M. A... en lui délivrant une attestation de demande d'asile et condamné l'Etat à verser à Me

Vergnole une somme de 1 000 euros au titre des frais de justice.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 23 novembre 2023 portant transfert aux autorités croates en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2310658 du 24 janvier 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté, enjoint au préfet d'enregistrer la demande d'asile de M. A... en lui délivrant une attestation de demande d'asile et condamné l'Etat à verser à Me Vergnole une somme de 1 000 euros au titre des frais de justice.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 4 mars 2024 sous le numéro 24DA00455, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Centaure Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que son arrêté n'était pas entaché d'insuffisance de motivation, d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et de violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3, 4, 5 et 35 du règlement 604/2013.

Par des mémoires enregistrés les 9 mai et 13 juin 2024, M. A..., représenté par Me Marion Vergniole, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que l'arrêté est entaché de défaut d'examen de la situation, d'erreur manifeste d'appréciation et de violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 et 17 du règlement 604/2013.

II - Par une requête enregistrée le 6 mars 2024 sous le numéro 24DA00479, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Centaure Avocats, demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.

Il soutient que son arrêté n'était pas entaché d'insuffisance de motivation, d'erreur de droit, d'erreur manifeste d'appréciation et de violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3, 4, 5 et 35 du règlement 604/2013.

Par des mémoires enregistrés les 9 mai et 13 juin 2024, M. A..., représenté par Me Marion Vergniole, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que l'arrêté est entaché de défaut d'examen de la situation, d'erreur manifeste d'appréciation et de violation des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 et 17 du règlement 604/2013.

Par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 18 avril 2024, l'aide juridictionnelle accordée à M. A... a été maintenue.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit " règlement Dublin III " ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,

- et les observations de Me Guirsh, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Il y a lieu de joindre les requêtes susvisées pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Eu égard au niveau de protection des libertés et droits fondamentaux dans un Etat membre de l'Union européenne et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes d'un demandeur quant à un défaut de protection en Croatie sont présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

3. Il ressort des pièces du dossier que si la Commission européenne a adressé à la Croatie une mise en demeure en 2015 puis un avis motivé en 2017 lui demandant de mettre en œuvre intégralement l'enregistrement des empreintes des demandeurs d'asile et migrants en situation irrégulière, cette procédure a été classée en 2021. Aucune autre procédure d'infraction n'a été engagée à l'encontre de la Croatie en ce qui concerne la procédure d'asile ou les conditions d'accueil des demandeurs.

4. Des documents d'ordre général relatifs aux modalités d'application des règles relatives à l'asile ne sauraient suffire à établir que le transfert d'un demandeur d'asile vers un pays membre de l'Union européenne serait, par lui-même, constitutif d'une atteinte grave au droit d'asile. Il appartient au préfet d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

5. M. A... invoque l'existence de défaillances systémiques en Croatie, en particulier au détriment des ressortissants afghans, dans la procédure d'asile ou les conditions d'accueil des demandeurs et quant à des refoulements vers la Bosnie.

6. Toutefois, M. A... s'est borné à invoquer des articles de presse et rapports rédigés en termes généraux, non produits à l'instance pour être soumis au contradictoire et dont la pertinence de la méthodologie ne ressort pas des pièces du dossier, sans documenter à l'appui de son récit ni même évoquer aucun fait personnalisé, daté et localisé, alors pourtant que l'intéressé a traversé la Croatie avant de rejoindre la France et, contrairement à ce qu'il a indiqué lors de cet entretien, y a demandé l'asile ainsi qu'il ressort du relevé Eurodac.

7. Dans ces conditions, l'arrêté n'a pas violé les articles 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3-2 du règlement 604/2013.

Sur les autres moyens invoqués par M. A... :

8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

9. Le résumé de l'entretien individuel du 5 octobre 2023 indique qu'il a été mené à la préfecture du Nord, avec le concours d'un interprète, par " un agent qualifié de la préfecture du Nord " et comporte un tampon de la préfecture du Nord et la signature de son auteur. Toutes les rubriques du résumé ont été renseignées et ni la complétude ni l'exactitude des informations données n'a été contestée. Les brochures réglementaires ont été remises lors de cet entretien. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'entretien n'a pas été mené par un agent qualifié en violation des articles 4 de la directive 2013/32 et 5 et 35 du règlement 604/2013 doit être écarté.

10. Il ressort de la motivation de l'arrêté que le préfet a procédé à un examen sérieux des éléments relatifs à la situation de l'intéressé alors portés à sa connaissance.

11. Pour les raisons exposées aux points 2 à 6, l'arrêté n'a pas violé les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. M. A..., qui s'est présenté comme un ressortissant afghan né en 1999, a déclaré être célibataire sans enfant et ne pas avoir de problèmes de santé. Dans ces conditions, l'arrêté n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation y compris au regard de l'article 17 du règlement 604/2013.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif a annulé son arrêté.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

14. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :

15. La présente décision n'implique aucune mesure d'exécution.

Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

16. Les demandes présentées par le requérant et son conseil, partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 janvier 2024 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... à fin d'annulation, à fin d'injonction et au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet du Nord à fin de sursis à l'exécution.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Nord, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... A... et à Me Marion Vergnole.

Copie en sera transmise à la SELARL Centaure Avocats.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Marc Heinis, président de chambre,

M. François-Xavier Pin, président assesseur,

M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. B...

Le président-assesseur,

Signé : F.-X. Pin

La greffière,

Signé : Sophie Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

2

N°24DA00455, 24DA00479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00455
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;24da00455 ?
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