Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 29 novembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français dans les trente jours et fixation du pays de renvoi.
Par un jugement n° 2304978 du 31 janvier 2024, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rouen a annulé la décision fixant le pays de renvoi en tant qu'elle n'a pas exclu le Cameroun et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 février 2024, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a annulé cette décision ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que son arrêté n'a pas violé l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 mai 2024, M. A..., représenté par Me Vincent Souty, demande à la cour de rejeter la requête, " subsidiairement " d'annuler l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation, de le munir d'une autorisation provisoire au séjour et d'effacer sa fiche FPR, enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Il soutient que l'arrêté est entaché d'insuffisance de motivation, de défaut d'examen, d'erreur manifeste d'appréciation et de violation des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 21 mars 2024, l'aide juridictionnelle accordée à M. A... a été maintenue.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Heinis, président-rapporteur,
- et les observations de Me Souty, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
1. Si M. A... a demandé l'asile en invoquant son orientation sexuelle qui est criminalisée au Cameroun, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en avril 2023 puis la Cour nationale du droit d'asile en octobre 2023 ont rejeté cette demande en relevant que le récit de l'intéressé était imprécis, confus ou peu plausible sur les circonstances dans lesquelles d'une part il avait pris conscience de cette orientation et entretenu à l'adolescence une relation amoureuse avec un camarade pendant cinq ans, d'autre part son entourage avait découvert cette orientation et enfin sa fuite du pays avait été organisée.
2. M. A... n'a apporté aucune précision complémentaire sur ces points devant le tribunal ou devant la cour. Ne sont de nature à démontrer la réalité de l'orientation sexuelle alléguée ni les attestations établies en juin 2023 et janvier 2024 par une personne se présentant comme son ancien compagnon en France, rédigées en termes sommaires s'agissant de cette orientation, ni les attestations établies par un ami, contradictoires en ce qu'elles datent le début de sa rencontre avec M. A... de janvier 2021, alors que celui-ci n'était pas encore en France, ou de décembre 2022, ni aucune autre pièce versée au dossier.
3. Il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de renvoi n'a pas violé l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les autres moyens invoqués par M. A... :
4. Toutefois, il appartient à la cour, d'une part, saisie du litige relatif à la décision fixant le pays de renvoi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal et la cour, d'autre part, de statuer sur l'appel incident de M. A....
5. Conformément aux articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté a énoncé dans ses considérants ou son dispositif les motifs de droit et de fait qui ont fondé ses différentes décisions.
6. Il ressort de la motivation de l'arrêté que le préfet a procédé à un examen sérieux des éléments relatifs à la situation de l'intéressé alors portés à sa connaissance.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 1 et 2 que l'arrêté n'a pas violé les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. M. A..., né en 1996 et entré irrégulièrement en France en octobre 2022, a vécu la majeure partie de sa vie au Cameroun où réside sa famille. Il est célibataire sans enfant. Dans ces conditions, l'arrêté n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal a annulé la décision fixant le pays de renvoi en tant qu'elle n'a pas exclu le Cameroun et que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal a rejeté le surplus de sa demande.
Sur l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative :
10. La présente décision n'implique aucune mesure d'exécution.
Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Les demandes présentées par M. A... et son conseil, partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de M. A... à fin d'annulation, à fin d'injonction et au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 2 : Le jugement du 31 janvier 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Seine-Maritime, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... et à Me Vincent Souty.
Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2024 à laquelle siégeaient :
M. Marc Heinis, président de chambre,
M. François-Xavier Pin, président assesseur,
M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.
Le président-rapporteur,
signé : M. Heinis L'assesseur le plus ancien,
Signé : F-X. Pin
La greffière,
Signé : Sophie Cardot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Sophie Cardot
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N° 24DA00274