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03/07/2024 | FRANCE | N°23DA01199

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 juillet 2024, 23DA01199


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Royez Musik a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2017, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de l'intérêt de retard appliqué à ces rappels, à titre très subsidiaire, de prononcer une réduction, à hauteur de la somme

de 77 786 euros, de ces rappels, enfin, en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat la som...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Royez Musik a demandé au tribunal administratif d'Amiens, à titre principal, de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2017, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de l'intérêt de retard appliqué à ces rappels, à titre très subsidiaire, de prononcer une réduction, à hauteur de la somme de 77 786 euros, de ces rappels, enfin, en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2101667 du 27 avril 2023, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la SARL Royez Musik des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige à concurrence d'une somme de 16 366,88 euros, en droits, ainsi que des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juin 2023, le 30 novembre 2023 et le 18 janvier 2024, la SARL Royez Musik, représentée par Me Le Faou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification qui lui a été adressée, dont les motifs n'identifient pas ceux des transferts de bien, réalisés par elle avec les sociétés du groupe informel auquel elle appartient, qui auraient donné lieu à des omissions de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, est insuffisamment motivée ;

- c'est à tort que le tribunal administratif, après avoir rectifié une erreur de l'administration dans la détermination du montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, a refusé de rectifier une autre erreur dont elle faisait état dans ses écritures

- l'administration n'ayant pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce que les rétrocessions de biens auxquelles elle fait référence sont intervenues au cours de la période vérifiée, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ne sont pas fondés ; à cet égard, l'administration, qui a écarté sa comptabilité comme non probante, ne peut se fonder sur celle-ci pour justifier les rappels en litige ;

- la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée, faute pour l'administration de rapporter la preuve, qui lui incombe, de l'intention d'éluder l'impôt qu'elle lui prête, dans une situation dans laquelle elle n'a pas omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des rétrocessions de biens, mais l'a fait avec retard à la suite d'une mauvaise compréhension des règles d'exigibilité de la taxe ; elle a d'ailleurs modifié sa pratique depuis lors et déposé une déclaration rectificative portant sur l'ensemble de la période couvrant les années 2012 à 2021, l'administration ayant au demeurant identifié les montants concernés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2023, et par des mémoires, enregistrés le 3 janvier 2024 et le 6 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, sur les conclusions de la requête de la SARL Royez Musik tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée demeurant en litige, au rejet du surplus des conclusions de cette requête, enfin, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il prononce une décharge partielle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Royez Musik et au rétablissement, à concurrence d'un montant de 8 183 euros, des droits dont la décharge a été prononcée à tort par les premiers juges, ainsi que des pénalités correspondantes.

Il soutient que :

- la proposition de rectification adressée à la SARL Royez Musik, qui comporte, en annexe, une liste détaillée de l'ensemble des opérations au titre desquelles l'administration a identifié des omissions de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et a mis cette société à même de formuler d'utiles observations sur ce point ;

- il y a lieu de réduire le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige se rapportant à la période allant du 1er mai 2016 au 30 avril 2017, dans une moindre mesure toutefois que ce que demande la SARL Royez Musik, le dégrèvement correspondant devant être prononcé par l'administration ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a cru devoir rectifier une erreur d'imputation commise par le service en ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée se rapportant à la période allant du 1er mai 2015 au 30 avril 2016 ;

- le service a suffisamment démontré le bien-fondé des rappels de taxe en litige par la proposition de rectification adressée à la SARL Royez Musik et par les tableaux annexés à celle-ci ;

- l'administration a retenu à bon droit, comme l'ont estimé les premiers juges, qu'eu égard à l'importance des sommes sur lesquelles portaient les omissions déclaratives de taxe sur la valeur ajoutée en cause et au caractère répété de ces omissions, qui avaient déjà donné lieu à des rectifications similaires à l'issue d'un précédent contrôle, celles-ci ne constituaient pas des erreurs ponctuelles, mais révélaient l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé la SARL Royez Musik, de sorte que la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts est légalement fondée ; la SARL Royez Musik n'établit pas, à cet égard, avoir régularisé de manière explicite, sa situation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Faou, représentant la SARL Royez Musik.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Royez Musik, dont le siège est situé à Amiens, exerce une activité de vente d'instruments de musique, d'appareils de diffusion sonore et de matériels d'informatique musicale, ou encore de disques, de librairie et de papeterie musicale. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2017. A l'issue de ce contrôle, le service vérificateur a estimé que la SARL Royez Musik avait omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des rétrocessions de marchandises et qu'elle avait, par ailleurs, déduit par anticipation la taxe ayant grevé des achats effectués par elle dans le cadre de son activité. L'administration a fait connaître à la SARL Royez Musik sa position sur ces points par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 10 décembre 2018. Les observations formulées par la SARL Royez Musik n'ayant pas convaincu l'administration de reconsidérer son analyse et la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ayant émis un avis favorable au maintien des rectifications notifiées, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ces rectifications ont été mis en recouvrement le 14 février 2020, à hauteur d'un montant de 323 524 euros, pénalités incluses.

2. Sa réclamation ayant été rejetée, la SARL Royez Musik a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant, à titre principal, de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2017, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de l'intérêt de retard appliqué à ces rappels, à titre très subsidiaire, de prononcer une réduction, à hauteur de la somme de 77 786 euros, de ces rappels, enfin, en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 27 avril 2023, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé la SARL Royez Musik des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige à concurrence d'une somme de 16 366,88 euros, en droits, ainsi que des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

3. La SARL Royez Musik relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction. Le ministre conclut, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du même jugement, en tant qu'il prononce une décharge partielle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Royez Musik.

Sur l'étendue du litige :

4. Par une décision prise le 3 novembre 2023, après l'introduction de la requête, l'administratrice générale de l'Etat chargée de la direction de contrôle fiscal Nord a prononcé le dégrèvement, à concurrence des sommes de 36 935 euros en droits, 14 774 euros en majorations et 1 921 euros en intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Royez Musik au titre de la période allant du 1er mai 2015 au 30 avril 2017. Dès lors, il n'y a pas lieu, à concurrence de ces montants, de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Royez Musik tendant à la décharge de ces rappels.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions sont applicables lorsque, comme en l'espèce, la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants de ce livre a été mise en œuvre, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

6. Il ressort des mentions mêmes de la proposition de rectification qui a été adressée le 10 décembre 2018 à la SARL Royez Musik que celle-ci, qui précise l'impôt ainsi que les périodes d'imposition qu'elle concerne, comporte, en outre, la mention des dispositions du code général des impôts sur lesquelles se fondent ces rectifications, à savoir celles, d'une part, du I de l'article 256 du code général des impôts et du a du 1, ainsi que des a et c du 2, de l'article 269 de ce code et, d'autre part, du 2 du I de l'article 271 du même code.

7. En outre, ces motifs comportent l'énoncé des raisons de fait justifiant ces rectifications dans la situation de la SARL Royez Musik, à savoir, d'une part, que cette société, qui fonctionne comme une centrale d'achat au service des sociétés membres du groupe informel auquel elle appartient, a omis de déclarer, au moment de la livraison, à ces sociétés, des marchandises concernées, la taxe sur la valeur ajoutée collectée par elle sur les rétrocessions de biens auxquelles elle s'est livrée durant la période vérifiée, alors que cette taxe était exigible dès cette date et non à celle du remboursement du prix et des frais y afférents par ces sociétés, et, d'autre part, que la SARL Royez Musik a déduit, par anticipation, la taxe sur la valeur ajoutée portée sur des factures d'achat de services, alors que le paiement de ces factures n'était pas encore intervenu et que, s'agissant de prestations de service, la taxe n'est devenue exigible, chez le fournisseur, en l'absence d'option pour les débits, qu'au moment de l'encaissement du prix correspondant.

8. Ainsi rédigée, cette proposition de rectification doit être regardée comme suffisamment motivée, conformément à l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. En outre, dès lors qu'est jointe, en annexe à cette proposition de rectification, qui y renvoie expressément, une liste détaillée de l'ensemble des opérations au titre desquelles l'administration a identifié des omissions de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, les éléments d'information ainsi portés à la connaissance de la SARL Royez Musik ont mis celle-ci à même de formuler d'utiles observations sur le chef de rectification afférent à ces omissions déclaratives. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de la SARL Royez Musik est, sur ce point, entachée d'irrégularité manque en fait.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige :

S'agissant du principe de ces rappels :

9. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, en vertu du 2 de l'article 269 de ce code, la taxe est exigible, en ce qui concerne les livraisons, envisagées au a) de ce 2, lors de la réalisation de ce fait générateur et, en ce qui concerne les prestations de service, envisagées au c) de ce même 2, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits.

10. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification que l'administration a adressée le 10 décembre 2018 à la SARL Royez Musik que, comme il a été dit précédemment, la vérificatrice a constaté, à l'issue de la vérification de comptabilité à laquelle elle a soumis cette société, que celle-ci, qui achetait habituellement les marchandises nécessaires à l'exercice, par les sociétés membres du groupe informel auquel elle appartient, de leur activité, similaire à la sienne, de vente d'instruments de musique et d'autres articles musicaux, en agissant à l'instar d'une centrale d'achats, avait omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les rétrocessions de marchandises à ces autres sociétés, au moment de la livraison, à ces dernières, des biens en cause, mais qu'elle n'avait procédé à cette déclaration qu'au moment de la réception du règlement des remboursements correspondants et des frais y afférents, alors qu'en application du a) du 2 de l'article 269 du code général des impôts, la taxe était exigible dès la date de livraison de ces marchandises à ces sociétés.

11. En outre, ainsi qu'il a également été dit, cette proposition de rectification renvoie, en ce qui concerne l'identification des opérations concernées par ces omissions déclaratives, à une liste détaillée jointe en annexe et présentant, sous la forme d'un tableau, les écritures enregistrées dans les comptes de taxe sur la valeur ajoutée collectée concernées, en précisant, pour chacune d'entre elles, sa date, le montant sur lequel elle porte, la date, l'objet et la référence de la facture correspondante, ainsi que le libellé de l'opération. Il résulte de l'examen de ce tableau que toutes les opérations qu'il comporte ont été enregistrées au cours de la période vérifiée et concernent des factures émises au cours de cette période, s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2017. A cet égard, l'administration, alors même qu'elle a regardé la comptabilité présentée, au cours du contrôle, par la SARL Royez Musik comme entachée d'irrégularités de nature à en affecter le caractère probant, était fondée à tirer ces constatations de l'examen des comptes de taxe sur la valeur ajoutée collectée ouverts dans cette comptabilité.

12. Par suite, le moyen tiré, par la SARL Royez Musik de ce que l'administration n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce que les rétrocessions de biens identifiées par elle comme ayant donné lieu à une déclaration tardive de taxe sur la valeur ajoutée collectée sont intervenues au cours de la période vérifiée manque en fait.

S'agissant du montant de ces rappels :

13. D'une part, la SARL Royez Musik a contesté, par sa requête, les modalités selon lesquelles les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2016 ont été imputés sur le montant rappelé au titre de la période suivante, allant du 1er mai 2016 au 30 avril 2017. L'administration, en tenant compte de la rectification apportée, par le tribunal administratif, au calcul, par le service, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à cette dernière période, a partiellement fait droit à cette contestation et a prononcé, en cours d'instance d'appel, le dégrèvement correspondant, mentionné au point 4. La SARL Royez Musik ne conteste pas l'étendue de ce dégrèvement et ne critique pas le nouveau calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à la période s'étendant du 1er mai 2016 au 30 avril 2017, tel que proposé par le ministre dans son mémoire en défense.

14. D'autre part, dans le cadre de son appel incident, le ministre conteste la rectification opérée, par le jugement attaqué, en ce qui concerne le calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée mis à la charge de la SARL Royez Musik au titre de la période s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2016. Il ressort des motifs de ce jugement que les premiers juges ont estimé que, pour déterminer le montant des rappels en cause, l'administration avait imputé, à hauteur d'un montant de 165 022,59 euros, les rappels de droits issus d'une précédente vérification de comptabilité portant sur la période antérieure, allant du 1er mai 2014 au 30 avril 2015, alors qu'il résultait des termes de la proposition de rectification adressée le 14 décembre 2016 à la SARL Royez Musik à l'issue de ce précédent contrôle, versée à l'instruction, que le montant à imputer s'élevait, en réalité, à 173 206,03 euros.

15. Il résulte de la proposition de rectification du 10 décembre 2018 relative à la période du 1er mai 2015 au 30 avril 2017 que l'administration a déterminé le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les rétrocessions de marchandises en retenant le solde du compte 445714 " TVA collectée à 20 % " à la fin des exercices clos le 30 avril 2016 et 30 avril 2017, montant dont elle a déduit, à concurrence de 165 022,59 euros, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée opéré au titre de la même période lors du précédent contrôle. Elle n'a ainsi pas retenu le solde du compte 445710 " TVA collectée à 19,6 % " à la fin de l'exercice clos le 30 avril 2015, de sorte qu'elle n'avait pas davantage à déduire, à concurrence de 8 133,44 euros, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée opéré au titre de la période du 1er mai 2014 au 30 avril 2015.

12. C'est, dès lors, à juste titre que l'administration s'est limitée à imputer, sur ces rappels, le montant de 165 022,59 euros au titre des rappels issus d'un précédent contrôle et, par suite, à tort que le tribunal administratif a retenu qu'il y avait lieu de réaliser cette imputation à hauteur du montant de 173 206,03 euros. Aucun autre moyen sur lequel il appartiendrait à la cour de se prononcer par l'effet dévolutif de l'appel n'ayant été soulevé sur ce point, il y a lieu de faire droit aux conclusions d'appel incident présentées par le ministre.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 195 A du même livre : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

14. Pour justifier, comme la charge lui incombe, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'application de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Royez Musik au titre de la période s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2017 et se rapportant à des omissions déclaratives de taxe collectée, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 10 décembre 2018 à la SARL Royez Musik, repris, dans ses écritures, par le ministre, que le service a été amené à constater, au titre de la période vérifiée, des retards de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée se rapportant à des rétrocessions de marchandises à des sociétés membres du groupe informel auquel appartient la SARL Royez Musik, alors même que l'attention de cette dernière avait été appelée sur le caractère irrégulier de cette pratique par une précédente proposition de rectification qui lui avait été adressée, le 14 décembre 2016, à l'issue d'un contrôle portant sur une période antérieure. L'administration insiste, dans la proposition de rectification du 10 décembre 2018, sur l'importance, sans cesse croissante dans le temps, des montants de taxe concernés par cette pratique réitérée, au regard des montants de taxe collectée déclarée par cette société, qui permet raisonnablement d'exclure que ces retards déclaratifs résultent d'une erreur involontaire.

15. Si la SARL Royez Musik soutient qu'elle a pu, en toute bonne foi, ignorer les règles afférentes à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée et que cette ignorance n'a pas été à l'origine d'omissions déclaratives mais seulement de décalages de déclarations, puisqu'elle a déclaré, à tort, la taxe au moment de l'encaissement des remboursements, effectués par les sociétés du groupe auquel elle appartient, du prix des marchandises concernées et des frais y afférents, elle ne pouvait cependant pas, en tant que professionnel bénéficiant d'une expérience certaine dans le domaine du commerce des instruments et accessoires de musique et se livrant habituellement, à ce titre, à des livraisons de biens, raisonnablement ignorer ces règles, qui lui avaient été d'ailleurs rappelées par l'administration dans la proposition de rectification qu'elle lui avait adressée le 14 décembre 2016, à l'issue du précédent contrôle dont elle a fait l'objet, alors, au demeurant, qu'elle était assistée, au cours de la période en cause, par un expert-comptable à qui elle avait confié l'établissement de ses liasses fiscales.

16. Dans ces conditions, par les motifs rappelés au point 14, l'administration doit être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe en application des dispositions précitées de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée qui a animé la SARL Royez Musik au cours de la période d'imposition en cause. C'est, par suite, à bon droit que la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts a été appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Royez Musik au titre de la période s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2017 et se rapportant aux rétrocessions de marchandises.

17. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la SARL Royez Musik n'est pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a fait insuffisamment droit à sa demande et, d'autre part, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif d'Amiens a réduit les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée mis à la charge de la SARL Royez Musik du 1er mai 2015 au 30 avril 2016 et à demander que la somme de 8 183 euros mentionnée au point 12, dont la décharge, en droits, a été prononcée par les premiers juges, soit remise à la charge de cette société, de même que les pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

18. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que la SARL Royez Musik présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, l'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, et il doit en être de même, en tout état de cause, de ses conclusions afférentes à la charge des dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu, à concurrence du dégrèvement de 36 935 euros en droits, 14 774 euros en majorations et 1 921 euros en intérêts de retard, prononcé en cours d'instance, de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Royez Musik tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er mai 2015 au 30 avril 2017.

Article 2 : Le jugement n° 2101667 du 27 avril 2023 du tribunal administratif d'Amiens est annulé, en tant qu'il prononce, à concurrence de la somme de 8 183 euros en droits, une décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Royez Musik au titre de la période allant du 1er mai 2015 au 30 avril 2016, ainsi que des pénalités correspondantes

Article 3 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été prononcée par le jugement mentionné à l'article 1er ci-dessus sont remis à la charge de la SARL Royez Musik, à concurrence de la somme de 8 183 euros en droits, de même que les pénalités correspondantes.

Article 4 : Les conclusions correspondantes de la demande présentée par la SARL Royez Musik devant le tribunal administratif d'Amiens, ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Royez Musik, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. A...Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : S. Cardot

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

1

2

N°23DA01199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01199
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LE FAOU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;23da01199 ?
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