La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2024 | FRANCE | N°23DA01101

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 juillet 2024, 23DA01101


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Royez Musik a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer, en droits et pénalités, la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er mai 2012 au 30 avril 2015, d'autre part, de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.



Par un jugement n° 2101668 du 13 avril 2023, le tribunal ad

ministratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Royez Musik a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer, en droits et pénalités, la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er mai 2012 au 30 avril 2015, d'autre part, de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 2101668 du 13 avril 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 juin 2023, le 18 octobre 2023, le 19 décembre 2023 et le 18 janvier 2024, la SARL Royez Musik, représentée par Me Le Faou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la retenue à la source en litige et de prescrire la restitution des sommes acquittées par elle à ce titre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification qui lui a été adressée, dont les motifs n'identifient pas ceux des transferts de bien, réalisés par elle avec les sociétés du groupe informel auquel elle appartient, qui auraient donné lieu à des omissions de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'ayant pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce que les rétrocessions de biens auxquelles elle fait référence sont intervenues au cours de la période vérifiée, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ne sont pas fondés ;

- les versements à la société de droit malgache Roysons Industries, que l'administration a entendu soumettre à la retenue à la source prévue par les dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts, n'ont pas été effectués par elle mais, à titre personnel, par son gérant, de sorte qu'ils n'entraient pas dans le champ d'application de ces dispositions ;

- les stipulations du 3 de l'article 10 et de l'article 21 de la convention fiscale franco-malgache faisaient obstacle à ce que les revenus perçus par la société Roysons Industries, résidente fiscale malgache, lesquels revenus, au sens de ces stipulations, ne sont pas des dividendes, mais des revenus non dénommés, soient imposés en France ;

- la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée, faute pour l'administration de rapporter la preuve, qui lui incombe, de l'intention d'éluder l'impôt qu'elle lui prête, dans une situation dans laquelle elle n'a pas omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des rétrocessions de biens, mais l'a fait avec retard à la suite d'une mauvaise compréhension des règles d'exigibilité de la taxe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, et par des mémoires, enregistrés le 4 décembre 2023, le 12 janvier 2024 et le 6 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la proposition de rectification adressée à la SARL Royez Musik, qui comporte, en annexe, une liste détaillée de l'ensemble des opérations au titre desquelles l'administration a identifié des omissions de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et a mis cette société à même de formuler d'utiles observations sur ce point ;

- les transferts de fonds effectués, sous le couvert d'écritures comptables irrégulières, par la SARL Royez Musik au bénéfice de la société de droit malgache Roysons Industries, que les autorités malgaches, saisies d'une demande d'assistance administrative, a identifiée comme essentiellement détenue par les mêmes personnes physiques que la société versante, n'ont pas eu de contrepartie identifiée, alors notamment que ces deux sociétés n'ont pas de relations commerciales soutenues, et ont pu bénéficier du régime fiscal avantageux des zones franches, sous lequel était placée la société Roysons Industrie ; ces versements ont ainsi été regardés à bon droit par l'administration comme constituant des distributions occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts et ont, tout autant à bon droit, été soumis, entre les mains de la SARL Royez Musik, à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis de ce code ;

- le moyen tiré de ce que la convention fiscale franco-malgache faisait obstacle à l'imposition en France des sommes versées à la société Roysons Industrie ne peut qu'être écarté, dès lors que cette dernière société, qui bénéficiait d'une exonération d'imposition sur les bénéfices en application de la législation malgache, ne pouvait être regardée comme une résidente fiscale malgache, au sens de cette convention, dans le champ d'application de laquelle elle n'entrait pas ;

- l'administration a retenu à bon droit, comme l'ont estimé les premiers juges, qu'eu égard à l'importance des sommes sur lesquelles portaient les omissions déclaratives de taxe sur la valeur ajoutée en cause et au caractère répété, sur les trois exercices vérifiés, de ces omissions, celles-ci ne constituaient pas des erreurs ponctuelles, mais révélaient l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé la SARL Royez Musik, de sorte que la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts est légalement fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale signée le 22 juillet 1983 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République démocratique de Madagascar en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative en matière fiscale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Faou, représentant la SARL Royez Musik.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Royez Musik, dont le siège est situé à Amiens (Somme), exerce une activité de vente d'instruments de musique, d'appareils de diffusion sonore et de matériels d'informatique musicale, ou encore de disques, de librairie et de papeterie musicale. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période s'étendant du 1er mai 2012 au 30 avril 2015. A l'issue de ce contrôle, le service vérificateur a estimé, d'une part, que la SARL Royez Musik avait omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur des rétrocessions de marchandises et, d'autre part, que les versements effectués par la SARL Royez Musik, durant la période vérifiée, à la société de droit malgache Roysons Industries constituaient des transferts de bénéfices qui devaient être qualifiés de distributions occultes, de sorte que les sommes correspondantes devaient être soumises à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts. L'administration a fait connaître à la SARL Royez Musik sa position sur ces points par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 14 décembre 2016. Les observations formulées par la SARL Royez Musik n'ayant pas convaincu l'administration de reconsidérer son analyse, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations de retenue à la source résultant des rectifications notifiées ont été mis en recouvrement, le 14 avril 2018, à hauteur des sommes respectives de 261 951 euros et de 22 343 euros, pénalités incluses.

2. Sa réclamation ayant été rejetée, la SARL Royez Musik a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens en lui demandant de prononcer, en droits et pénalités, la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période s'étendant du 1er mai 2012 au 30 avril 2015, d'autre part, de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014. La SARL Royez Musik relève appel du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions sont applicables lorsque, comme en l'espèce, la procédure de rectification contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants de ce livre a été mise en œuvre, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

4. Il ressort des mentions mêmes de la proposition de rectification qui a été adressée le 14 décembre 2016 à la SARL Royez Musik que celle-ci, qui précise les impôts ainsi que les années et périodes d'imposition qu'elle concerne, comporte, en outre, la mention des dispositions du code général des impôts sur lesquelles se fondent ces rectifications, à savoir celles, d'une part, du I de l'article 256 du code général des impôts et du a du 1 de l'article 269 de ce code et, d'autre part, du c de l'article 111 et du 2 de l'article 119 bis du même code.

5. En outre, ces motifs comportent l'énoncé des raisons de fait justifiant ces rectifications dans la situation de la SARL Royez Musik, à savoir, d'une part, que cette société, qui fonctionne comme une centrale d'achat au service des sociétés membres du groupe informel auquel elle appartient, a omis de déclarer, au moment de la livraison, à ces sociétés, des marchandises concernées, la taxe sur la valeur ajoutée collectée par elle sur les rétrocessions de biens auxquelles elle s'est livrée durant la période vérifiée, alors que cette taxe était exigible dès cette date et non à celle du remboursement, par ces sociétés, du prix et des frais y afférents, et, d'autre part, outre la justification du rehaussement de bénéfice correspondant au profit sur le Trésor résultant des omissions déclaratives en matière de taxe sur la valeur ajoutée, que des écritures comptables irrégulières identifiées dans la comptabilité de la SARL Royez Musik ont eu pour objet d'atténuer le solde débiteur présenté par le compte fournisseur ouvert au nom de la société de droit malgache Roysons Industries, lequel a pour origine des versements effectués régulièrement par la SARL Royez Musik, qui n'a pu justifier de contrepartie à ceux-ci. La proposition de rectification précise, sur ce point, que les éléments d'information communiqués par les autorités malgaches, dans le cadre d'une demande d'assistance internationale, ont révélé que la société Roysons Industries bénéficiait, à Madagascar, d'un régime fiscal privilégié par rapport à celui auquel auraient été soumises en France les sommes en cause et qu'elle disposait d'associés communs avec la SARL Royez Musik, de sorte que ces sommes devaient être regardées comme des distributions occultes de bénéfices passibles de retenue à la source entre les mains de la société versante, à l'application de laquelle la convention fiscale franco-malgache ne faisait pas obstacle.

6. Ainsi rédigée, cette proposition de rectification doit être regardée comme suffisamment motivée, conformément à l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. En outre, dès lors qu'est jointe, en annexe à cette proposition de rectification, qui y renvoie expressément, une liste détaillée de l'ensemble des opérations au titre desquelles l'administration a identifié des omissions de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, les éléments d'information ainsi portés à la connaissance de la SARL Royez Musik ont mis celle-ci à même de formuler d'utiles observations sur le chef de rectification afférent à ces omissions déclaratives. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition mise en œuvre à l'égard de la SARL Royez Musik est, sur ce point, entachée d'irrégularité manque en fait.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

7. En vertu du I de l'article 256 du code général des impôts, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, en vertu du 2 de l'article 269 de ce code, la taxe est exigible, en ce qui concerne les livraisons, envisagées au a) de ce 2, lors de la réalisation de ce fait générateur et, en ce qui concerne les prestations de service, envisagées au c) de ce même 2, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits.

8. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification que l'administration a adressée le 14 décembre 2016 à la SARL Royez Musik que, comme il a été dit précédemment, la vérificatrice a constaté, à l'issue de la vérification de comptabilité à laquelle elle a soumis cette société, que celle-ci, qui achetait habituellement les marchandises nécessaires à l'exercice, par les sociétés membres du groupe informel auquel elle appartient, de leur activité, similaire à la sienne, de vente d'instruments de musique et d'autres articles musicaux, en agissant à l'instar d'une centrale d'achats, avait omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les rétrocessions de marchandises à ces autres sociétés, au moment de la livraison, à ces dernières, des biens en cause, et n'avait procédé à cette déclaration qu'au moment de la réception du règlement des remboursements correspondants et des frais y afférents, alors qu'en application du a) du 2 de l'article 269 du code général des impôts, la taxe était exigible dès la date de livraison de ces marchandises à ces sociétés.

9. En outre, ainsi qu'il a également été dit, cette proposition de rectification renvoie, en ce qui concerne l'identification des opérations concernées par ces omissions déclaratives, à une liste détaillée jointe en annexe et présentant, sous la forme d'un tableau, les écritures enregistrées dans les comptes de taxe sur la valeur ajoutée collectée concernées, en précisant, pour chacune d'entre elles, sa date, le montant sur lequel elle porte, la date, l'objet et la référence de la facture correspondante, ainsi que le libellé de l'opération. Il résulte de l'examen de ce tableau que toutes les opérations qu'il comporte ont été enregistrées au cours de la période vérifiée et concernent des factures émises au cours de cette période, s'étendant du 1er mai 2012 au 30 avril 2015.

10. Par suite, le moyen tiré, par la SARL Royez Musik de ce que l'administration n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce que les rétrocessions de biens identifiées par elle comme ayant donné lieu à une déclaration tardive de taxe sur la valeur ajoutée collectée sont intervenues au cours de la période vérifiée, manque en fait.

En ce qui concerne la retenue à la source :

11. En vertu du c de l'article 111 du code général des impôts, les rémunérations et avantage occultes sont considérés comme des revenus distribués. En outre, en vertu du 2 de l'article 119 bis de ce code, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France, autres que des organismes de placement collectif constitués sur le fondement d'un droit étranger situés dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Enfin, l'article 187 du même code dispose que le taux de la ressource prévue à l'article 119 bis est fixé à 30 % lorsqu'elle concerne le versement de revenus distribués non éligibles à l'abattement prévu au 2° du 3 de l'article 158 du même code en faveur des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent ou soumises sur option à cet impôt, ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur les revenus et résultant d'une décision régulière des organes compétents.

S'agissant de l'identification de l'entité versante :

12. Ainsi qu'il a été dit précédemment, au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Royez Musik, la vérificatrice a constaté que, sous le couvert d'écritures comptables portées notamment dans les comptes courants de ses associés, cette société avait, au cours de la période vérifiée, effectué des versements réguliers à la société de droit malgache Roysons Industries, au nom de laquelle un compte fournisseur était ouvert dans sa comptabilité.

13. La SARL Royez Musik n'a cependant avancé aucune justification à ces versements, pour lesquels aucune contrepartie tangible n'a pu être identifiée, dans une situation dans laquelle ces deux sociétés n'entretenaient pas de relations commerciales suivies.

14. En réponse à une demande d'assistance internationale formée par l'administration, les autorités malgaches lui ont fait connaître que le capital de la société Roysons Industries, qui bénéficiait, à Madagascar, du régime fiscal dit " des zones franches ", consistant en une exonération d'impôt sur les bénéfices pour une durée de cinq années à compter de la date de son immatriculation, c'est-à-dire du 17 mars 2011, était essentiellement détenu par des ressortissants français qui se sont avéré être des associés de la SARL Royez Musik. Dès lors, l'administration a regardé ces versements effectués, sans contrepartie identifiable, par la SARL Royez Musik à une société à laquelle elle était liée par une communauté d'intérêts et ayant son siège dans un pays lui assurant un régime fiscal privilégié par rapport à celui auquel auraient été soumises les sommes en cause, comme constituant des distributions occultes de revenus, au sens des dispositions du c de l'article 111 du code général des impôts, passibles de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis de ce code.

15. S'il est notamment apparu, au cours du même contrôle, que, durant la période vérifiée, la SARL Royez Musik annulait systématiquement, à la clôture de chaque exercice comptable, le solde débiteur présenté par le compte fournisseur ouvert au nom de la société Roysons Industries en mouvementant, en contrepartie, les comptes courants de ses associés, pour autant, d'une part, l'administration a identifié, dans un tableau joint à la proposition de rectification adressée le 14 décembre 2016 à la SARL Royez Musik, des flux financiers réels entre cette société et la société Roysons Industrie, consistant en des virements bancaires, et, d'autre part, la SARL Royez Musik avait pour habitude de contrepasser, à l'ouverture de l'exercice comptable suivant, ces écritures en comptes courants, dont l'objet était manifestement de masquer le solde débiteur important présenté par le compte de la société Roysons Industrie.

16. Ainsi et dans ces conditions, la SARL Royez Musik ne peut sérieusement soutenir que les versements en cause n'ont pas été effectués par elle, mais par son gérant et ses associés, chacun pour ce qui le concerne, ni que les sommes correspondantes ne pouvaient, en conséquence, donner lieu à l'application de la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts.

S'agissant de l'invocation des stipulations de la convention fiscale franco-malgache :

17. Aux termes de l'article 4 de la convention fiscale franco-malgache conclue le 22 juillet 1983 en vue d'éviter les doubles impositions : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège social statutaire ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat. / (...) ". Aux termes de l'article 10 de cette convention : " 1. Les dividendes payés à un résident d'un Etat contractant par une société qui est un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat. / (...) / 3. Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus d'autres parts sociales soumis au même régime fiscal que les revenus d'actions par la législation de l'Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 21 de la même convention : " 1. Les éléments du revenu d'un résident d'un Etat, d'où qu'ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention ne sont imposables que dans cet Etat. / (...) ".

18. Les stipulations précitées de l'article 4 de la convention franco-malgache doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but. Il résulte des termes mêmes de ces stipulations, qui définissent le champ d'application de la convention, conformément à son objet principal qui est d'éviter les doubles impositions, que les personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt en cause par la loi de l'Etat concerné à raison de leur statut ou de leur activité ne peuvent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations.

19. Eu égard à ce qui vient d'être dit et dès lors qu'il n'est pas contesté que la société Roysons Industrie bénéficiait à Madagascar, au cours de la période vérifiée, du régime fiscal dit " des zones franches ", consistant en une exonération d'impôt sur les bénéfices, cette société ne peut être regardée, au titre des années correspondantes, comme étant, au sens des stipulations de l'article 4 de la convention fiscale franco-malgache, assujettie à l'impôt dans cet Etat, ni, par suite, comme étant résidente de cet Etat.

20. Dès lors, la SARL Royez Musik ne peut, en ce qui concerne les versements qu'elle a effectués au profit de cette société, utilement invoquer les stipulations précitées des articles 10 et 21 de cette convention, pour soutenir qu'elles faisaient obstacle à ce qu'elle soit soumise, en France, à raison des sommes correspondantes, à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts.

Sur les pénalités :

21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

22. Pour justifier, comme la charge lui incombe, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'application de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Royez Musik au titre de la période s'étendant du 1er mai 2012 au 30 avril 2015 et se rapportant à des omissions déclaratives de taxe collectée, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 14 décembre 2016 à la SARL Royez Musik, repris, dans ses écritures, par le ministre, que le caractère répété, sur la période vérifiée, couvrant trois exercices comptables, des retards de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée se rapportant à des rétrocession de marchandises à des sociétés membres du groupe informel auquel appartient la SARL Royez Musik, de même que l'importance des montants de taxe concernés par cette pratique réitérée au regard des montants de taxe collectée déclarés par cette société permettent raisonnablement d'exclure que ces retards déclaratifs aient résulté d'une erreur involontaire.

23. Si la SARL Royez Musik soutient qu'elle a pu, en toute bonne foi, ignorer les règles afférentes à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée et que cette ignorance n'a pas été à l'origine d'omissions déclaratives mais seulement de décalages de déclarations, puisqu'elle a déclaré, à tort, la taxe au moment de l'encaissement des remboursements, effectués par les sociétés du groupe auquel elle appartient, du prix des marchandises concernées et des frais y afférents, elle ne pouvait cependant pas, en tant que professionnel bénéficiant d'une expérience certaine dans le domaine du commerce des instruments et accessoires de musique et se livrant habituellement, à ce titre, à des livraisons de biens, raisonnablement ignorer ces règles, alors, au demeurant, qu'elle était assistée, au cours de la période en cause, par un expert-comptable à qui elle avait confié l'établissement de ses liasses fiscales.

24. Dans ces conditions, par les motifs rappelés au point 22, l'administration doit être regardée comme ayant rapporté la preuve, qui lui incombe en application des dispositions précitées de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée qui a animé la SARL Royez Musik au cours de la période d'imposition en cause. C'est, par suite, à bon droit que la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts a été appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Royez Musik au titre de la période s'étendant du 1er mai 2012 au 30 avril 2015 et se rapportant aux rétrocessions de marchandises.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Royez Musik n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

26. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que la SARL Royez Musik présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées et il doit en être de même, en tout état de cause, de ses conclusions afférentes à la charge des dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Royez Musik est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Royez Musik, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. A...Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : S. Cardot

La greffière,

E. Héléniak La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

1

2

N°23DA01101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01101
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LE FAOU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;23da01101 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award