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03/07/2024 | FRANCE | N°23DA00999

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 juillet 2024, 23DA00999


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiées (SAS) C Liquide France a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement no 2006404 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure devant l

a cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mai 2023 et 20 mai 2024, la SAS C Liquide Fr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) C Liquide France a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 2006404 du 31 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mai 2023 et 20 mai 2024, la SAS C Liquide France, représentée par Me Laghoutaris, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) d'ordonner le versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 60 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les propositions de rectification sont insuffisamment motivées ;

- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration fiscale a manqué à son devoir de loyauté ;

- son activité n'est pas complémentaire de celle des sociétés Smoking Free et Electro Cigarettes Distribution au sens de l'article 44 sexies du code général des impôts ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle ne s'est pas prévalue de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, mais de l'illégalité du paragraphe 300 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-20.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 23 août 2023 et 4 juin 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires sont irrecevables ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Laghoutaris, représentant la SAS C Liquide.

Une note en délibéré, enregistrée le 13 juin 2024, a été présentée pour la SAS C Liquide.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société par actions simplifiée (SAS) C Liquide France, qui a pour objet la fabrication et la commercialisation de liquide pour cigarette électronique et toutes opérations industrielles ou commerciales se rapportant à cette activité, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2015 et 2016, ainsi que d'un contrôle sur pièces de ses déclarations fiscales au titre de l'exercice 2017. A l'issue de ces opérations, par deux propositions de rectification du 18 septembre 2018, l'administration fiscale lui a notifié des rehaussements de ses résultats imposables au titre de ces trois exercices à raison de la remise en cause de l'exonération d'impôt sur les sociétés dont elle s'était prévalue en application de l'article 44 sexies du code général des impôts. En conséquence, la somme totale de 179 744 euros a été mise en recouvrement le 31 octobre 2019. Sa réclamation ayant été rejetée, la société C Liquide France a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 31 mars 2023 dont la SAS C Liquide France relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, en vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

3. Il résulte de l'instruction que les deux propositions de rectification du 18 septembre 2018 rappellent en particulier les termes de l'article 44 sexies du code général des impôts ainsi que les circonstances de fait sur lesquelles s'est fondée l'administration pour estimer que la SAS C Liquide France était détenue indirectement depuis sa création par les sociétés Smoking Free et Electro Cigarettes Distribution. Ces précisions étaient suffisantes pour éclairer la société contribuable sur la nature et les motifs des rectifications envisagées à ce titre et lui permettre d'en discuter utilement le bien-fondé, ce qu'elle a d'ailleurs fait à l'occasion de ses observations, de son recours hiérarchique, de l'interlocution départementale ainsi que devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Aussi, le moyen tiré de ce que les propositions de rectification du 18 septembre 2018 méconnaissent l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté. Par ailleurs, et en tout état de cause, la SAS C Liquide France ne peut utilement se prévaloir des énonciations contenues dans les paragraphes 200, 210 et 230 de la documentation administrative référencée BOI-CF-PGR-30-10, laquelle a trait à la procédure d'imposition.

4. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent.

5. La SAS C Liquide France soutient que l'administration fiscale ne lui a communiqué aucun des éléments relatifs à sa situation et à ses liens avec les sociétés Smoking Free et Electro Cigarettes Distribution l'ayant conduit à remettre en cause le bénéfice de l'avantage fiscal prévu à l'article 44 sexies du code général des impôts. Toutefois, il résulte de l'instruction et en particulier des termes mêmes des deux propositions de rectification du 18 septembre 2018 que l'administration fiscale ne s'est pas fondée à ce titre sur des renseignements obtenus auprès de tiers. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance de la garantie prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

6. En troisième lieu, dès lors que, ainsi qu'il a été dit, la procédure n'est pas entachée d'irrégularité, la société C Liquide France n'est pas fondée à soutenir que les irrégularités invoquées caractérisent un manquement au devoir de loyauté de l'administration et une atteinte aux droits de la défense.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

7. Aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. (...)/ Le bénéfice du présent article est réservé aux entreprises qui se créent à compter du 1er janvier 2007 et jusqu'au 31 décembre 2020 dans les zones d'aide à finalité régionale, à la condition que le siège social ainsi que l'ensemble de l'activité et des moyens d'exploitation soient implantés dans ces zones.(...)/ II. Le capital des sociétés nouvellement créées ne doit pas être détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés. / Pour l'application du premier alinéa, le capital d'une société nouvellement créée est détenu indirectement par d'autres sociétés lorsque l'une au moins des conditions suivantes est remplie : a- un associé exerce en droit ou en fait une fonction de direction ou d'encadrement dans une autre entreprise, lorsque l'activité de celle-ci est similaire à celle de l'entreprise nouvellement créée ou lui est complémentaire ; / b- un associé détient avec les membres de son foyer fiscal 25 % au moins des droits sociaux dans une autre entreprise dont l'activité est similaire à celle de l'entreprise nouvellement créée ou lui est complémentaire (...) ". Il résulte de ces dispositions que la condition prévue au II de l'article 44 sexies du code général des impôts doit être remplie dès la création de l'entreprise nouvelle et à tout moment de son existence aussi longtemps que l'intéressée entend bénéficier de l'allégement fiscal prévu au I du même article.

8. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des opérations de contrôle, l'administration fiscale a constaté, d'une part, que M. Dos Reis, président de la SAS C Liquide France et détenteur de 51 % de son capital, détenait également 1 % du capital de la société à responsabilité limitée (SARL) Smoking Free, créée le 1er juillet 2013, ayant pour activité la vente au détail de cigarettes électroniques et dont il était le gérant du 16 juillet 2013 au 19 mars 2015, , ainsi que 50 % du capital de la SAS Electro Cigarettes Distribution, créée le 20 mars 2013, ayant pour activité la vente de cigarettes électroniques en gros et en détail, d'autre part, que Mme C..., détentrice de 44 % du capital de la société requérante, détenait également 1 % des actions de la SAS Electro Cigarettes Distribution, société dont elle était la présidente, et que, enfin, M. B..., détenteur du reste du capital de la société C Liquide France, détenait, 49 % du capital de la société Electro Cigarettes Distribution ainsi que 1 % de celui de la société Smoking Free dont il était par ailleurs le gérant depuis le 19 mars 2015. L'administration après avoir estimé que l'activité de fabrication de liquide pour cigarettes électroniques exercée par la société contribuable était complémentaire de l'activité de vente des sociétés Smoking Free et Electro Cigarettes Diffusion, en a déduit que la SAS C Liquide Invest était, depuis sa création, le 23 octobre 2013, indirectement détenue par ces deux sociétés au sens du a du II. de l'article 44 sexies du code général des impôts, ce qui faisait obstacle au bénéfice de l'avantage fiscal prévu au I. du même article.

9. Devant la cour, la SAS C Liquide France, qui ne conteste pas l'activité de ses associés et leur détention de parts dans ces deux autres sociétés, soutient que son activité ne peut être qualifiée de complémentaire à celle des sociétés Smoking Free et Electro Cigarettes Diffusion et met en avant, d'une part, le fait qu'elle n'intervient pas dans le même secteur d'activité que ces dernières, et, d'autre part, que la part des ventes auprès de ces deux sociétés n'est que marginale, voire inexistante, dans son chiffre d'affaires. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que les sociétés Smoking Free et Electro Cigarettes Diffusion ont comme activité principale la vente de cigarettes électroniques, en détail et en gros, et non la vente de liquide pour de telles cigarettes électroniques, il n'en demeure pas moins que l'activité de fabrication et celle de distribution de liquide pour cigarettes électroniques ont trait à un même secteur d'activité dès lors qu'elles sont relatives à l'utilisation d'un même bien et peuvent faire l'objet d'une distribution dans un même point de vente, à l'instar de ce qui est d'ailleurs pratiqué par la SARL Smoking Free. L'ensemble de ces éléments repris par l'administration mettent en évidence la complémentarité des activités, d'une part, de la société C Liquide France et, d'autre part, des sociétés Smoking Free et Electro Cigarettes Diffusion, lesquelles participent ainsi à une même chaîne d'activités. Dès lors, quand bien même aucune relation commerciale directe n'existait, au titre des années contrôlées, entre la société Electro Cigarettes Diffusion et la société C Liquide France, et si les achats de liquide par la société Smoking Free ne représentaient qu'une faible part du chiffre d'affaires de la société requérante au titre de ces exercices, eu égard à l'identité de leurs actionnaires, à leurs fonctions respectives dans ces sociétés, et à la nature des activités de ces différentes sociétés, la société C Liquide France doit, dans les circonstances de l'espèce et à la date de sa création, être regardée comme ayant une activité complémentaire de celle de vente exercée par les sociétés Smoking Free et Electro Cigarettes Diffusion, au sens du a du II. de l'article 44 sexies du code général des impôts. Au demeurant, ainsi que le relève le ministre, le président de la SAS C Liquide France a indiqué, dans un article de presse paru le 5 février 2014, que l'objectif de sa société était de conquérir un maximum de marchés et, qu'outre la production de liquides pour cigarettes électroniques, il était à l'origine, avec son associé, de l'ouverture des commerces destinés à la vente de cigarettes électroniques. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause pour ce motif le bénéfice de l'avantage fiscal prévu au I. du même article.

Sur l'illégalité de la doctrine administrative :

10. La société C Liquide France soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Lille, elle n'a pas entendu invoquer la garantie prévue à l'article L. 80 A en se prévalant des énonciations du paragraphe n° 300 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-20, mais, au contraire l'illégalité de cette instruction. Toutefois, en tout état de cause, dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, les impositions en litige ont été établies conformément à la loi, le moyen tiré de l'illégalité de cette doctrine est inopérant.

Sur les intérêts de retard :

11. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard (...) ".

12. Il résulte de ce qui précède que la SAS C Liquide France n'est pas fondée à demander la décharge des intérêts de retard par voie de conséquence de la décharge des redressements, en droits, auxquels elle a été assujettie.

13. Il résulte de ce tout qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la SAS C Liquide France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires doivent, en tout état de cause être rejetées. Il en va de même des conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS C Liquide France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS C Liquide France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 13 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Bertrand Baillard, premier-conseiller,

- M. D... A..., premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de la formation

de jugement,

signé : F.-X. Pin

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef

Et par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

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N° 23DA00999

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00999
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Pin
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DUBOILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;23da00999 ?
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