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26/06/2024 | FRANCE | N°23DA02324

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 26 juin 2024, 23DA02324


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, d'autre part, d'enjoindre au

préfet du Nord de réexaminer sa situation administrative et de procéder à l'effacement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation administrative et de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2207260 du 15 décembre 2023, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé la décision du 6 septembre 2022 par laquelle le préfet du Nord a prononcé à l'encontre de Mme A... B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de procéder à l'effacement du signalement de Mme A... B... dans le système d'information Schengen, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, enfin, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2023, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il annule sa décision du 6 septembre 2022 faisant interdiction à Mme A... B... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an ;

2°) de rejeter les conclusions correspondantes de la demande présentée par Mme A... B... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- les premiers juges ont retenu à tort que la décision faisant interdiction à Mme A... B... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an était entachée d'erreur d'appréciation ;

- les autres moyens soulevés, à l'encontre de cette décision, par Mme A... B... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2024, Mme A... B..., représentée par Me Lokamba Omba, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les premiers juges ont retenu à juste titre que le préfet du Nord n'avait pu, sans erreur d'appréciation, lui faire interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an.

Par une décision du 22 février 2024, Mme A... B... a été maintenue de plein droit à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 20 avril 1985 à Kinshasa, est entrée sur le territoire français le 7 octobre 2021, selon ses déclarations. Elle a été admise provisoirement au séjour, le 21 décembre 2021, afin de pouvoir déposer une demande d'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 mars 2022, confirmée le 20 juillet 2022 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 6 septembre 2022, le préfet du Nord a refusé à Mme A... B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 15 décembre 2023 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il prononce l'annulation de la seule décision portant interdiction de retour.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. En vertu de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L 612-7, c'est-à-dire lorsque l'octroi d'un délai de départ volontaire ne lui a pas été refusé ou que l'intéressé ne s'est pas maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui a été accordé, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Le même article L. 612-8 précise, dans sa rédaction applicable au litige, que les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.

3. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté du 6 septembre 2022 contesté que, pour faire interdiction à Mme A... B... de retour sur le territoire français et pour fixer à un an la durée de cette mesure, le préfet du Nord a, conformément aux dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenu compte de la durée de présence de l'intéressée sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de l'intervention éventuelle de précédentes mesures d'éloignement la concernant et de la menace qu'était susceptible de représenter sa présence pour l'ordre public.

4. Ainsi, le préfet du Nord a relevé que Mme A... B... avait déclaré être entrée récemment en France, le 7 octobre 2021, et avait fait état de la présence, sur le territoire français, de quatre sœurs et de deux frères, dont la régularité du séjour ne pouvait toutefois être tenue pour établie. Le préfet a relevé, en outre, que la demande d'asile formée pour les quatre enfants de Mme A... B... avait été rejetée et que l'intéressée n'établissait pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résidait notamment ses parents ainsi que son frère aîné. Enfin, le préfet a retenu, en tenant compte de ce que Mme A... B... n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et de ce que sa présence sur le territoire français ne représentait pas une menace pour l'ordre public, qu'il y avait lieu, dans ces circonstances, de lui faire interdiction de retour sur ce territoire avant l'expiration d'un délai limité à un an.

5. S'il incombait au préfet du Nord, ainsi qu'il a été dit au point 3, en application des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de tenir compte notamment, pour apprécier l'opportunité de prononcer une mesure d'interdiction de retour et pour en déterminer la durée, de ce que Mme A... B... n'avait pas précédemment fait l'objet d'une mesure d'éloignement et de ce que sa présence ne représentait pas une menace pour l'ordre public, ces circonstances ne faisaient, par elles-mêmes, pas légalement obstacle au prononcé de cette interdiction et, même rapprochées des éléments rappelés au point 4, concernant la situation personnelle et familiale de Mme A... B..., ces circonstances ne révèlent pas que, pour prononcer, à l'égard de l'intéressée, une interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, le préfet du Nord aurait commis une erreur d'appréciation. Par suite, le préfet du Nord est fondé à soutenir que, pour annuler sa décision faisant interdiction à Mme A... B... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, les premiers juges ont retenu à tort ce motif.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'intégralité du litige afférent à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, d'examiner les autres moyens présentés, en première instance comme en appel, par Mme A... B... à l'encontre de cette décision.

Sur les autres moyens :

7. D'une part, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4, les motifs de l'arrêté contesté révèlent que, pour prendre la décision d'interdiction de retour en litige et en fixer la durée, le préfet du Nord a examiné la situation personnelle et familiale de Mme A... B... en tenant compte de l'ensemble des critères énoncés par les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet du Nord n'avait pas à se prononcer sur l'existence d'éventuelles circonstances humanitaires au sens des articles L. 612-6 et L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables à la situation de Mme A... B.... Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

8. Enfin, dès lors que Mme A... B... ne s'est pas vu refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire, elle n'entrait pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que son moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté comme inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 6 septembre 2022 en tant qu'il fait interdiction à Mme A... B... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2207260 du 15 décembre 2023 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il prononce l'annulation de la décision du 6 septembre 2022 du préfet du Nord faisant interdiction à Mme A... B... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an.

Article 2 : Les conclusions correspondantes de la demande présentée par Mme A... B... devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord, à Mme C... A... B... et à Me Lokamba Omba.

Délibéré après l'audience publique du 13 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

Signé : F.-X. Pin

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

1

2

No 23DA02324


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02324
Date de la décision : 26/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Pin
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LOKAMBA OMBA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-26;23da02324 ?
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