La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2024 | FRANCE | N°23DA01758

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 26 juin 2024, 23DA01758


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mars 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la

mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la date de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mars 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la date de notification du jugement et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la même date et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en toute hypothèse, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la même date, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2301144 du 2 août 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 septembre 2023 et le 6 novembre 2023, M. A..., représenté par la SELARL Cabinets Bibard Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 mars 2023 du préfet de la Somme ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Somme de réexaminer sa situation à fin de délivrance d'un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) en toute hypothèse, d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision refusant de faire droit à la demande de régularisation de sa situation, formée par lui au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que le préfet de la Somme a omis de recueillir l'avis de la commission départementale du titre de séjour, alors qu'il justifiait résider habituellement en France depuis plus de dix ans ;

- pour refuser de régulariser sa situation en dépit de l'ancienneté de son séjour et des preuves d'intégration et d'insertion professionnelle qu'il apportait, circonstances qui le plaçaient dans l'une des situations envisagées par la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, le préfet de la Somme a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français devra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

La requête a été communiquée au préfet de la Somme, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 9 novembre 2023, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 8 septembre 1993 à Touama Biougra (Maroc), est entré en France au cours de l'année 2012, selon ses déclarations. Après avoir formé, sans succès, plusieurs demandes de titre de séjour, M. A... a, en dernier lieu, demandé au préfet de la Somme, le 10 janvier 2023, de régulariser sa situation administrative. Par un arrêté du 7 mars 2023, le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 2 août 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir, de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".

3. Il ressort des termes mêmes de la demande de titre de séjour dont M. A... a saisi le préfet de la Somme le 10 janvier 2023, que celle-ci tendait au bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour, au titre de la vie privée et familiale, pour motifs exceptionnels ou considérations humanitaires, l'intéressé n'ayant aucunement coché, dans le formulaire de demande qu'il a renseigné, l'une des cases se rapportant aux demandes d'admission au séjour en tant que salarié. Par suite, le préfet de la Somme a pu légalement examiner cette demande au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, dès lors que l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ne prévoit pas un tel régime d'admission exceptionnelle au séjour, M. A... peut, en application de l'article 9 de cet accord, en vertu desquelles les stipulations de l'accord ne font pas obstacle à l'application des législations nationales en ce qui concerne tous les points non envisagés par celui-ci, utilement se prévaloir de ces dispositions.

S'agissant de la légalité externe :

4. Par la seule production d'une page de son ancien passeport comportant un visa multi-entrées valable du 14 septembre 2012 au 13 mars 2013 qui lui a été délivré le 12 septembre 2012 par les autorités consulaires italiennes en poste à Casablanca, sans que cette page ne comporte de cachet matérialisant une entrée sur le territoire d'un Etat de l'espace Schengen, M. A... n'établit pas être entré en France, comme il le soutient, au cours de l'année 2012. L'attestation, établie le 21 avril 2023, soit au demeurant après la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, par laquelle un ami indique avoir fait la connaissance de M. A... au cours de l'année 2012 ne peut, dans ces conditions, suffire à corroborer les allégations de l'appelant quant à la date de son entrée sur le territoire français, même en rapprochant ce document de la transcription, par un commissaire de justice, de conversations que M. A... aurait tenues avec des proches au moyen d'une messagerie électronique et dont la date ne peut être tenue pour certaine.

5. Dans ces conditions, les pièces les plus anciennes que M. A... verse au dossier consistent en une facture d'achat nominative établie le 16 mai 2013, ainsi qu'en des bulletins de salaire qui lui ont été délivrés au titre des mois d'août 2013 à décembre 2013 par une société exploitant un établissement de restauration rapide à Rouen. Or, ces bulletins de salaire, qui précisent que l'intéressé est entré dans les effectifs de l'entreprise le 29 avril 2013, ne peuvent, eu égard à ce qui a été dit au point précédent s'agissant des pièces concernant l'année 2012, permettre à M. A... de justifier d'une présence en France durant la période antérieure à cette date. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres années, l'intéressé ne pouvait être regardé comme justifiant à la date du 7 mars 2023 à laquelle l'arrêté contesté a été pris d'un séjour habituel en France de plus de dix ans. Par suite, en ne recueillant pas l'avis de la commission départementale du titre de séjour avant de refuser de faire droit à la demande de M. A... tendant au bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour, au titre de la vie privée et familiale, pour motifs exceptionnels ou considérations humanitaires, le préfet de la Somme n'a pas entaché d'irrégularité, au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la procédure à l'issue de laquelle ce refus de séjour a été pris.

S'agissant de la légalité interne :

6. Ainsi qu'il a été dit aux deux points précédents, M. A..., qui ne justifie pas être entré en France, comme il le soutient, au cours de l'année 2012 et qui ne peut davantage, par la copie produite d'une page de son ancien passeport, se prévaloir d'une entrée régulière sur le territoire français, justifie avoir occupé, du 29 avril 2013 au 30 novembre 2014, puis du 1er juillet le 1er juillet 2015 au 30 septembre 2015, ensuite, du 1er novembre 2016 au 31 août 2017, puis du 14 février 2020 au 31 mars 2021, des emplois salariés dans trois entreprises exploitant des établissements de restauration rapide. Toutefois, ni ces circonstances, ni l'obtention par M. A..., le 9 juin 2022, d'une promesse d'embauche, en vue de la conclusion d'un contrat de travail à durée indéterminée, de la part d'une société exploitant un fonds de commerce de boulangerie, ne constituent, par elles-mêmes, des motifs exceptionnels, ni des circonstances humanitaires, de nature à justifier que l'intéressé soit admis au séjour. Il en est de même de l'ancienneté de séjour, d'un peu plus de neuf années, à supposer ce séjour ininterrompu, dont pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté contesté, M. A... et des relations amicales qu'il justifie avoir nouées sur le territoire français, tandis que, selon les informations qu'il a lui-même portées sur sa demande de titre de séjour, tous les membres de sa famille proche, à savoir ses parents, ainsi que sa sœur et son frère, demeurent hors de France, c'est-à-dire au Maroc ou, s'agissant de ce dernier, en Espagne. Dès lors, pour refuser, dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, de régulariser la situation administrative de M. A..., qui, par les seules pièces qu'il verse au dossier, ne justifie pas d'une intégration notable dans la société française, le préfet de la Somme n'a pas commis, malgré l'ancienneté du séjour de l'intéressé, d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir des préconisations non impératives de la circulaire adressée aux préfets le 28 novembre 2012 par le ministre de l'intérieur, lesquelles ne s'imposaient pas au préfet de la Somme.

7. Dans les circonstances rappelées au point précédent, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., célibataire, sans enfant et non dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, ne peut, eu égard notamment aux conditions, en majeure partie irrégulières, du séjour de l'intéressé en France, être regardée comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a été prise, ni, par suite, comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus de titre de séjour n'est pas fondé.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

10. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions de la requête de M. A... tendant à ce que la cour prononce des injonctions assorties d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de procédure :

11. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que M. A... présente sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Bibard.

Copie en sera transmise au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 13 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de la formation

de jugement,

signé : F.-X. Pin

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

N°23DA01758 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01758
Date de la décision : 26/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Pin
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CABINET BIBARD

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-26;23da01758 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award