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26/06/2024 | FRANCE | N°23DA01364

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 26 juin 2024, 23DA01364


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale "

dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, ou, à défaut, de r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, ou, à défaut, de réexaminer son admission au séjour dans un délai de deux mois à compter de cette date, et, en tout état de cause, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, au plus tard dans un délai de huit jours, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2300763 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 2 décembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime, d'autre part, enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... se disant B... C... devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que :

- les premiers juges ont retenu à tort que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... se disant C... avait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors, d'une part, que l'intéressé s'est prévalu d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance ainsi que d'un extrait de registre d'état civil qui, à l'issue d'une analyse approfondie par le service de la fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières, se sont avérés falsifiés et, d'autre part, que l'intéressé ne justifie pas du sérieux de ses études, à la date de l'arrêté en litige, ni d'une inscription pour la même formation au titre de l'année suivante ;

- pour les motifs exposés dans les écritures produites au nom de l'Etat en première instance, les autres moyens soulevés par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2024, M. C..., représenté par Me Leroy, conclut au rejet de la requête, à la confirmation de l'injonction prononcée par le tribunal administratif ou, à défaut, à ce qu'il soit enjoint à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer, dans l'attente d'un réexamen de sa situation, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, en toute hypothèse, à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros hors taxes, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- il a justifié, par des pièces d'état civil dont le caractère probant n'a pu à bon droit être remis en cause, de son identité, les anomalies retenues par le préfet de la Seine-Maritime ne pouvant justifier à elles seules que ces pièces soient écartées ;

- c'est, dans ces conditions, à bon droit que les premiers juges ont retenu que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour avait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens qu'il avait présentés devant le tribunal administratif de Rouen et sur lesquels il appartiendrait, le cas échéant, à la cour de se prononcer par l'effet dévolutif de l'appel sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

M. C... a été maintenu de plein droit à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2024.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Un ressortissant étranger se présentant sous l'identité de M. B... C..., ressortissant guinéen né le 1er juillet 2003 à Boké (République de Guinée), est entré en France, selon ses déclarations, au cours du mois de juillet 2018. Il a fait l'objet, en raison de la situation de mineur isolé qui lui a alors été reconnue, d'un placement auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime. Il a demandé, par un courrier daté du 26 avril 2021 et complété le 2 mai 2022, au préfet de la Seine-Maritime de l'admettre au séjour, en invoquant, en dernier lieu, les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en se prévalant de la qualité de jeune majeur placé, avant d'avoir atteint l'âge de seize ans, auprès des services de l'aide sociale à l'enfance et suivant une formation qualifiante dans le but de s'insérer sur le plan professionnel. Par un arrêté du 2 décembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à cette demande, au motif notamment que le demandeur ne pouvait être regardé comme justifiant de son état civil, a fait obligation à M. A... se disant C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Par un jugement du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé, sur la demande de l'intéressé, l'arrêté du 2 décembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime, a enjoint à cette autorité, ou à tout préfet territorialement compétent, de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de l'intéressé d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle se voient délivrer l'un des titres de séjour suivants : / 1° Une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " s'ils remplissent les conditions prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 ; / 2° Une carte de séjour portant la mention " passeport talent (famille) " s'ils remplissent les conditions prévues aux articles L. 421-22 ou L. 421-23 ; / 3° Une carte de résident s'ils remplissent les conditions prévues aux articles L. 423-11, L. 423-12, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-4, L. 424-13, L. 424-21, L. 425-3, L. 426-2, L. 426-3, L. 426-6, L. 426-7 ou L. 426-10. / Ils peuvent, dans les autres cas, solliciter une carte de séjour temporaire, la carte de résident prévue aux articles L. 423-6, L. 423-10 ou L. 423-16, ou la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " prévue à l'article L. 426-17. ". En outre, aux termes de l'article L. 423-22 de ce code : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Ces dernières dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe cependant à l'administration, si elle entend renverser cette présomption, d'apporter la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en cause.

4. Pour refuser la délivrance à M. A... se disant C..., du titre de séjour qu'il sollicitait, le préfet de la Seine-Maritime a, selon les motifs mêmes de l'arrêté du 2 décembre 2022, retenu notamment qu'à l'issue d'une analyse documentaire approfondie conduite par le service spécialisé de la police aux frontières, il était apparu que le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance, de même que l'extrait de registre d'état civil, produits par l'intéressé à l'administration à l'appui de sa demande de titre de séjour étaient entachés de plusieurs incohérences et anomalies, de nature à justifier que ces documents soient écartés comme falsifiés, de sorte qu'il était impossible de regarder comme établie avec certitude l'identité de l'intéressé, cette situation faisant obstacle à ce qu'il soit admis au séjour.

5. Il ressort du rapport d'analyse technique établi le 21 octobre 2022 par le service de la fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Seine-Maritime - Le Havre pour rendre compte au préfet de la Seine-Maritime des résultats de l'analyse documentaire mentionnée au point précédent, que le service, au terme d'un examen approfondi du jugement supplétif qui lui était soumis, a constaté que le timbre sec requis pour ce type d'actes était présent, mais l'a regardé comme illisible. En outre, le service a relevé que les mentions apposées au moyen d'un timbre humide par le chef du greffe du tribunal de première instance de Boké, juridiction de laquelle émane le jugement analysé, étaient affectées d'une incohérence, tenant à ce que le mot " greffe ", inclus dans la désignation de la qualité de l'intéressé, y apparaissait affecté d'un accent sur le " e " final. Au vu de ces anomalies, notamment de celle affectant le timbre humide apposé sur le document en cause, le service a conclu que ce document était falsifié.

6. Par un autre rapport établi le même jour, le service de fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières a fait, en outre, connaître au préfet de la Seine-Maritime les résultats de l'analyse, à laquelle il s'est livré, de l'extrait de registre d'état civil également produit par M. A... se disant C... au soutien de sa demande de titre de séjour. Ce rapport a relevé que les mentions préimprimées figurant sur ce document ne sont pas centrées et que le timbre sec du ministère des affaires étrangères qui y figure est illisible. Du constat de ces anomalies, le service a tiré la conclusion que le document analysé était irrégulier au regard des exigences énoncées à l'article 47 du code civil.

7. Si le timbre sec figurant sur le jugement supplétif produit par M. A... se disant C... au soutien de sa demande de titre de séjour n'apparaît pas lisible en toutes ses mentions, au vu de la copie versée au dossier, une telle anomalie ne peut, à elle seule, suffire à écarter cet acte comme dépourvu de caractère probant. Cependant, si l'intimé relève que l'accent que le service de fraude documentaire a identifié sur le dernier " e " du mot " greffe ", apposé par timbre humide sur le même document, est susceptible de résulter des conditions dans lesquelles ce timbre a été apposé, cette anomalie a néanmoins été constatée à deux endroits différents sur le document.

8. En outre, comme l'a relevé le service, le timbre sec du ministère des affaires étrangères de la République de Guinée dont la partie inférieure est visible en haut de l'extrait de registre d'état civil qui lui a également été soumis, est illisible. Si l'absence d'alignement des mentions préimprimées figurant sur ce document, que le service a également relevée, n'est pas manifeste à l'examen de la copie versée au dossier, la typographie de ces mentions n'est pas différenciée de celle des mentions renseignées et l'utilisation des caractères gras est aléatoire.

9. De plus, ainsi que le préfet de la Seine-Maritime le relève dans sa requête, l'extrait d'acte de naissance produit omet, en méconnaissance de l'article 184 du code civil de la République de Guinée, de faire mention des dates et lieux de naissance, ni même, à défaut, de l'âge des père et mère de l'intéressé et ce document comporte, en méconnaissance de l'article 188 du code civil de la République de Guinée, des mentions en chiffres et non en toutes lettres, s'agissant de l'âge des témoins et des dates indiquées.

10. Dans ces conditions, et alors qu'il peut être relevé, au surplus, l'absence de formule exécutoire dans le jugement supplétif, ainsi que l'absence de légalisation de cet acte, le préfet de la Seine-Maritime était fondé, en tenant compte des anomalies examinées précédemment, prises dans leur ensemble, à retenir que le jugement supplétif et l'extrait de registre d'état civil dont M. A... se disant C... s'était prévalu au soutien de sa demande de titre de séjour étaient falsifiés et qu'ils ne pouvaient ainsi être regardés comme de nature à justifier de l'identité, ni de l'âge, de l'intéressé, quand bien même celui-ci avait été antérieurement confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par le juge des enfants, qui avait accepté de le reconnaître sous cette identité et en tant que mineur isolé, dès lors que cette appréciation ne liait pas l'autorité préfectorale.

11. Le préfet de la Seine-Maritime était également fondé à écarter le passeport guinéen dont M. A... se disant C... s'est prévalu et qui ne constitue pas un document d'état civil susceptible de lui permettre de justifier de son identité, mais seulement un document de voyage.

12. Ce motif de l'arrêté, tiré de ce que l'identité du demandeur n'était pas établie, suffisait à justifier légalement le refus du préfet de la Seine-Maritime de délivrer à l'intéressé le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement des dispositions désormais codifiées aux articles L. 421-35 et L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il ait été nécessaire pour cette autorité de se livrer, en tenant compte des autres éléments qui la caractérisaient, à une appréciation de la situation de l'étranger au regard de ces dispositions.

13. Il suit de là que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Rouen, pour annuler l'arrêté contesté, a retenu à tort que la décision refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour était entachée d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe :

15. La décision attaquée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui vient d'être dit précédemment que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas estimé que la demande de titre de séjour présentée par M. A... se disant C... était incomplète, mais qu'après avoir procédé à un examen de cette demande et notamment des documents d'état civil qui y étaient jointes, il a estimé que l'identité du demander ne pouvait être tenue pour établie. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour en litige serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le service d'avoir demandé, conformément à l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration, à l'intéressé de compléter sa demande, doit être écarté.

17. M. A... se disant C... a sollicité son admission au séjour en invoquant notamment la qualité de jeune majeur confié à l'aide sociale à l'enfance avant d'avoir atteint l'âge de seize ans et en joignant à se demande toutes les pièces requises, ainsi que celles qu'il estimait utiles de fournir. Il a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté qui lui a refusé l'admission au séjour et l'a également obligé à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures et de formuler toute observation ou complément utiles sur les pièces qu'il avait lui-même fournies à l'appui de sa demande. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure de refus de séjour, telle qu'elle est notamment protégée par le droit de l'Union, en particulier par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, n'a pas été méconnue. Enfin, dès lors qu'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose au préfet, lorsqu'il requiert un avis technique pour le guider dans son appréciation du caractère probant d'actes d'état civil produits par un demandeur de titre de séjour, de communiquer au demandeur le rapport du service avant de se prononcer sur sa demande, le principe du respect des droits de la défense, ni, en tout état de cause, les dispositions des articles L. 311-2 et L. 311-3 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors notamment que les motifs de l'arrêté en litige rendent compte de la teneur des avis émis en l'espèce, n'ont été méconnus.

En ce qui concerne la légalité interne :

18. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas refusé d'instruire la demande de titre de séjour présentée par M. A... se disant C..., mais qu'après avoir procédé à un examen de cette demande, il a estimé que l'identité du demander ne pouvait être tenue pour établie, ce motif étant suffisant à justifier légalement, à lui seul, une décision de refus de séjour. Il suit de là que les moyens tirés de ce que la décision de refus de séjour en litige serait dépourvue de base légale et n'aurait pas été précédée d'un examen particulier de la situation de M. A... se disant C... doivent être écartés.

19. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / (...) ".

20. M. A... se disant C..., entré en France, selon ses déclarations, au cours du mois de juillet 2018, fait état de son investissement dans l'apprentissage de la langue française, ainsi que dans sa formation professionnelle de peintre en bâtiment et de l'obtention d'un contrat d'insertion, à durée déterminée pour la période allant du 19 décembre 2022 au 18 avril 2023, renouvelable une fois, en qualité de peintre. Il se prévaut, enfin, du bon comportement dont il a fait preuve depuis son arrivée en France, cinq années avant l'arrêté contesté, et d'une bonne intégration dans la société française.

21. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... se disant C..., qui, eu égard à ce qui a été dit, ne peut pas être regardé comme ayant justifié de son identité, est célibataire, sans charge de famille et qu'il n'a fait état d'aucun lien particulier sur le territoire français, hormis des relations amicales nouées dans le cadre de sa formation professionnelle. En outre, il n'établit pas, par ses seules allégations, selon lesquelles ses parents l'ont confié, alors qu'il était très jeune, à un tiers, faute de pouvoir subvenir à ses besoins, être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a habituellement vécu jusqu'en 2018. Si l'intimé se prévaut de son investissement dans l'apprentissage de la langue française et dans sa formation professionnelle, il a néanmoins échoué en juin 2022, avec une moyenne générale de 8,8/20, aux épreuves du certificat d'aptitude professionnelle de peintre applicateur qu'il préparait en alternance au sein du centre de formation des apprentis de Rouen. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour ne peut, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et, en particulier, à la durée et aux conditions du séjour de l'intéressé en France, être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ni comme étant contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces circonstances, pour prendre cette décision, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de celle-ci sur la situation de l'intéressé.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

22. Pour les motifs énoncés ci-dessus, les moyens tirés de ce que, pour faire obligation à M. A... se disant Konate de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime aurait méconnu le droit de l'intéressé à être préalablement entendu, tel que protégé par le droit de l'Union européenne, de même que son droit à organiser sa défense et son droit " à une bonne administration " doivent être écartés.

23. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas estimé que la demande de titre de séjour présentée par M. A... se disant C... était incomplète, mais qu'après avoir procédé à un examen de cette demande et notamment des documents d'état civil qui y étaient jointes, il a estimé que l'identité du demander ne pouvait être tenue pour établie. Il suit de là que le moyen tiré, par M. A... se disant C..., de ce qu'il n'était pas dans la situation visée au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à savoir celle d'un ressortissant étranger s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, autorisant le préfet de la Seine-Maritime à lui faire obligation de quitter le territoire français en litige doit être écarté.

24. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus de titre de séjour n'est pas fondé.

25. Comme il a été dit, M. A... se disant C... ne peut, par les seules pièces qu'il a produites, justifier de son âge et de son identité. Il ne peut, dès lors, sérieusement soutenir qu'il se serait trouvé, à la date de l'arrêté en litige, en situation de prétendre de plein droit à une admission au séjour, ni, par suite, qu'il ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

26. Pour les motifs énoncés ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... se disant C... doivent être écartés.

27. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour excès de pouvoir, son arrêté du 24 février 2022, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... se disant C... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la date de notification dudit jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

28. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée et il doit en être de même des conclusions aux fins d'injonction qu'il présente, à titre subsidiaire, en appel.

Sur les frais liés au litige :

29. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions de M. C... tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300763 du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... se disant C... devant le tribunal administratif de Rouen et les conclusions qu'il présente en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime, à M. A... se disant B... C... et à Me Magali Leroy.

Délibéré après l'audience publique du 13 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de la formation

de jugement,

signé : F.-X. Pin

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

1

2

No23DA01364


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01364
Date de la décision : 26/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Pin
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-26;23da01364 ?
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