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21/06/2024 | FRANCE | N°23DA01160

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 21 juin 2024, 23DA01160


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 20 juin 2023 et des mémoires enregistrés les 23 juin et 10 juillet 2023, la société à responsabilité limitée (SARL) Les 3 poiriers, représentée par Me Lou Deldique, demande à la cour :



1°) d'annuler la décision tacite née le 19 avril 2023 par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale en vue d'exploiter six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tartiers, ainsi que la décision implicite rejetant s

a demande de communication de motifs ;



2°) de lui délivrer l'autorisation environn...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 20 juin 2023 et des mémoires enregistrés les 23 juin et 10 juillet 2023, la société à responsabilité limitée (SARL) Les 3 poiriers, représentée par Me Lou Deldique, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision tacite née le 19 avril 2023 par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale en vue d'exploiter six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tartiers, ainsi que la décision implicite rejetant sa demande de communication de motifs ;

2°) de lui délivrer l'autorisation environnementale sollicitée ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Aisne de lui délivrer cette autorisation ou de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus est entachée d'un défaut de motivation, dans la mesure où le préfet n'a pas déféré à sa demande de communication des motifs, en méconnaissance de l'article L.232-4 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation alors qu'un projet d'arrêté autorisant l'implantation et l'exploitation des éoliennes lui a été communiqué.

La requête a été communiquée le 10 juillet 2023 au préfet de l'Aisne, qui n'a pas présenté de mémoire.

Par une ordonnance du 28 mars 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Lou Deldique, représentant la SARL les 3 poiriers.

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande déposée le 25 mai 2020 et complétée les 17 mai et 2 juillet 2021, la société à responsabilité limitée (SARL) Les 3 poiriers a sollicité une autorisation environnementale en vue d'exploiter six éoliennes et un poste de livraison sur la commune de Tartiers. Elle demande à la cour d'annuler la décision tacite de rejet de sa demande d'autorisation née le 19 avril 2023, ainsi que la décision implicite rejetant sa demande de communication des motifs de refus.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la naissance de la décision implicite de rejet de la demande :

2. Aux termes de l'article R.181-41 du code de l'environnement : " Le préfet statue sur la demande d'autorisation environnementale dans les deux mois à compter du jour de l'envoi par le préfet du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur au pétitionnaire en application de l'article R. 123-21, sous réserve des dispositions de l'article R. 214-95, ou dans le délai prévu par le calendrier du certificat de projet lorsqu'un tel certificat a été délivré et que l'administration et le pétitionnaire se sont engagés à le respecter. / Ce délai est toutefois prolongé d'un mois lorsque l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ou celui du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques est sollicité sur le fondement de l'article R. 181-39. / Ces délais peuvent être prorogés par arrêté motivé du préfet dans la limite de deux mois, ou pour une durée supérieure si le pétitionnaire donne son accord. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-42 du même code : " Le silence gardé par le préfet à l'issue des délais prévus par l'article R. 181-41 pour statuer sur la demande d'autorisation environnementale vaut décision implicite de rejet. ".

3. Il résulte de l'instruction que le commissaire-enquêteur a transmis ses conclusions et son avis du 3 mars 2022 à la société pétitionnaire le 9 mars 2022 et doit être regardé, en l'état du dossier, comme ayant procédé à leur transmission à cette même date au préfet de l'Aisne. Le délai de trois mois au terme duquel devait naître une décision implicite de rejet a donc commencé à courir à compter de cette date.

4. Le préfet a pris le 3 juin 2022, le 6 octobre 2022 et le 8 mars 2023 des arrêtés de prorogation du délai d'instruction respectivement au 9 octobre 2022, 9 mars 2023 et 19 avril 2023, qui, en l'absence d'élément en sens contraire, doivent être regardés comme ayant reçu l'accord de la société pétitionnaire.

5. Il résulte de ce qui précède qu'un refus tacite de l'autorisation est né le 19 avril 2023.

En ce qui concerne la motivation de la décision implicite de rejet de la demande :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation (...) ".

7. Il résulte de cette disposition qu'une décision refusant une autorisation environnementale unique doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

9. Il résulte de l'instruction que la SARL les 3 poiriers a sollicité les motifs du rejet de sa demande d'autorisation par un courrier en date du 26 avril 2023 qui a été reçu le 28 avril 2023 par le préfet de l'Aisne. Si ce dernier a répondu à la société requérante dans le mois suivant sa demande de communication des motifs, par un courrier du 25 mai 2023, cette lettre s'est bornée à indiquer que " les éléments d'instruction (...) étaient toujours en cours d'analyse par l'administration ", " l'arrêté préfectoral n'ayant pu être finalisé dans le délai " et qu'" une décision expresse portant sur la demande d'autorisation environnementale (...) sera[it] notifiée dans les meilleurs délais ". Il ne résulte d'aucune pièce versée au dossier que le délai d'instruction de la demande d'autorisation ait été de nouveau prorogé au-delà du 19 avril 2023, ni que le préfet de l'Aisne ait, depuis lors, fait connaître une décision expresse à la société pétitionnaire.

10. Dès lors, en l'absence de communication des motifs dans le délai d'un mois, la décision implicite de refus d'autorisation se trouve entachée d'un défaut de motivation et doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision implicite de refus de communication des motifs.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que la SARL les 3 poiriers est fondée à demander l'annulation de la décision implicite du 19 avril 2023 par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale en vue d'exploiter six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tartiers, ainsi que de la décision ayant rejeté sa demande de communication de motifs.

Sur les conclusions tendant à la délivrance de l'autorisation sollicitée et à titre subsidiaire à fin d'injonction :

12. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement que la demande d'autorisation soit réexaminée. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de l'Aisne de procéder à ce réexamen, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Les conclusions de la SARL Les 3 poiriers tendant à ce que la cour délivre cette autorisation ou enjoigne au préfet de la lui délivrer doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, la somme de 2 000 euros à verser à la SARL Les 3 poiriers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision implicite née le 19 avril 2023 par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de délivrer à la SARL Les 3 poiriers l'autorisation d'exploiter six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Tartiers, ainsi que la décision implicite ayant rejeté la demande de communication des motifs de rejet formée par la société sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aisne de procéder au réexamen de la demande de la SARL les 3 poiriers dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Une astreinte de 200 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'Etat s'il n'est pas justifié de l'exécution du présent arrêt dans le délai mentionné à l'article 2 ci-dessus. Le préfet de l'Aisne communiquera à la cour une copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL les 3 poiriers une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL les 3 poiriers est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL les 3 poiriers, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 6 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA01160 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01160
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : AARPI LEXION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-21;23da01160 ?
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