Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen :
- d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 par lequel le maire de Fresne-le-Plan a sursis à statuer sur sa déclaration préalable déposée le 5 novembre 2020 en vue du détachement de trois terrains à bâtir pour la construction d'une habitation sur chaque lot, sur un terrain situé au Fresnay, route de Martainville ;
- d'enjoindre, sous astreinte, au maire de Fresne-le-Plan de lui délivrer une décision de non opposition à déclaration préalable ou de réexaminer sa demande ;
- de mettre à la charge de la commune de Fresne-le-Plan une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement du 5 mai 2022, sous le n° 2100345, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 5 juillet 2022, 11 avril 2023 et 17 mai 2023, sous le n° 22DA01432, M. D... A..., représenté par Me Arzu Seyrek puis par Me Sandrine Bezard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 5 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au maire de Fresne-le-Plan de lui délivrer une décision de non opposition à déclaration préalable ou, à défaut, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Fresne-le-Plan la somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas pris en compte les moyens tirés du vice de procédure et du détournement de pouvoir développés dans sa note en délibéré et a omis de statuer sur l'exception d'illégalité du classement par le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de ses parcelles en zone UC 3 et de l'institution d'une servitude d'inconstructibilité sur celles-ci ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il est entaché d'un vice de procédure et d'un détournement de pouvoir, dans la mesure où un conseiller communautaire qui a participé à l'adoption du PLUi le 10 mars 2020 était parent d'une personne intéressée par l'achat de ses parcelles ;
- il est entaché d'erreur de droit au regard des articles L. 421-6 et L. 421-7 du code de l'urbanisme ;
- le maire ne pouvait légalement s'opposer à la déclaration préalable au motif qu'elle serait de nature à compromettre l'exécution du futur PLUi alors qu'il a délivré un certificat d'urbanisme positif le 28 septembre 2020 ;
- l'arrêté est dépourvu de base légale du fait de l'illégalité du règlement du PLUi grevant ses trois parcelles d'une servitude d'inconstructibilité (alors qu'elles sont situées en zone UC) ;
- les auteurs du PLUi ne pouvaient ignorer qu'il avait vendu en 2017 deux parcelles sur les cinq dont il était propriétaire, que ces cinq parcelles ne constituaient plus une unité foncière et que la maison de maître vendue ne pouvait plus être qualifiée de manoir à préserver en raison de la perte de cette qualité ;
- la commune doit établir que le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) a eu lieu au sein du conseil municipal de la commune de Fresne-le-Plan et au sein du conseil communautaire de la communauté de communes avant l'examen du projet de PLUi ;
- le PLUi n'était pas suffisamment avancé, et les orientations du PADD étaient trop vagues pour opposer valablement une décision de sursis à statuer à sa déclaration préalable ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme car il n'est pas établi que le projet de division pour construire trois maisons soit de nature à compromettre l'exécution du futur PLUi.
Par un mémoire en défense et un mémoire enregistrés les 18 janvier et 9 mai 2023, la commune de Fresne-le-Plan représentée par Me Malbesin, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelant tant sur la régularité du jugement que sur la légalité de l'arrêté ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 23 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R.611-11-1 et R.613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Bézard, représentant M. D... A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 septembre 2020, le maire de Fresne-le-Plan a délivré à M. A... un certificat d'urbanisme déclarant réalisable une opération de construction d'une habitation sur un terrain cadastré A 762 situé route de Martainville, d'une superficie de 1 200 m², classée en zone NB du plan d'occupation des sols (POS) de la commune alors applicable. Le 5 novembre 2020, M. A... a déposé une déclaration préalable concernant un terrain comportant les parcelles A 765, A 762 et A 763, en vue du détachement de trois terrains à bâtir pour la construction d'une habitation sur chaque lot. Par un arrêté du 30 novembre 2020, le maire de Fresne-le-Plan a opposé un sursis à statuer à cette déclaration préalable pour une durée de deux ans au motif que le projet entrait en contradiction avec le projet de plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) arrêté le 10 mars 2020. Par la présente requête, M. A... interjette appel du jugement n° 2100345 du 5 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2020.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire.
3. M. A... a produit le 8 avril 2022 devant les premiers juges une note en délibéré dans laquelle il invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité tenant au vice de procédure et au détournement de pouvoir affectant la délibération du 10 mars 2020 arrêtant le futur PLUi, en se fondant sur des échanges de " textos " qu'il date de l'automne 2021. Cette note ne faisant état d'aucune circonstance de fait ou de droit rendant nécessaire la réouverture de l'instruction, elle n'avait pas à être soumise au débat contradictoire, ni à être analysée. Par suite, en ne décidant pas, à la réception de cette note en délibéré, de rouvrir l'instruction, le tribunal administratif de Rouen n'a méconnu aucune règle relative à la tenue des audiences et au prononcé du jugement.
4. En second lieu, d'une part, le sursis à statuer sur une demande de permis ou une déclaration préalable ne peut être opposé qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir. Par suite, le pétitionnaire à qui un sursis est opposé peut contester, par la voie de l'exception d'illégalité, la légalité du futur plan local d'urbanisme à l'occasion du recours formé contre la décision de sursis. D'autre part, un tribunal qui s'abstient de répondre à un moyen qui n'est pas inopérant motive insuffisamment son jugement.
5. Dans son mémoire en réplique enregistré le 30 mars 2022, moins de deux mois après le premier mémoire en défense de la commune, M. A... a invoqué, par la voie de l'exception, l'illégalité du futur PLUi en tant qu'il classe ses parcelles en zone UC3 et les grève d'une servitude d'inconstructibilité. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement doit être annulé.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2020 :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :
7. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme applicable au litige, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition (...). /Il en est de même lorsqu'elle (...) oppose un sursis à statuer (...) ".
8. En l'espèce, l'arrêté attaqué vise le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 153-11 et L. 424-1, ainsi que le plan d'occupation des sols (POS) de la commune, approuvé le 15 mai 1987. Il rappelle dans ses motifs que l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme permet d'identifier et de délimiter des éléments de paysage à protéger compte tenu de leur qualité et indique que " les trois lots à bâtir se situent au sein d'un élément surfacique identifié dans le cadre du [projet de] PLUi arrêté le 10 mars 2020 comme élément à protéger " et que le projet est " contradictoire avec la vocation du secteur à protéger ". La double référence au POS et au PLUi ainsi qu'à l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme ne traduit pas une incohérence de motivation, dès lors qu'à la date de l'édiction de l'arrêté attaqué, le 30 novembre 2020, le POS était encore applicable sur le territoire de la commune dans l'attente de l'approbation du futur PLUi en cours d'élaboration mais que la commune devait tenir compte, d'une part, de l'introduction depuis le 1er janvier 2016 de l'article L.151-19 dans le code de l'urbanisme, d'autre part, des incidences de l'exécution du futur PLUi dont le projet avait d'ores et déjà été arrêté le 10 mars 2020. Enfin, contrairement à ce que soutient le requérant, le terrain concerné est identifiable par l'adresse mentionnée dans l'arrêté " route de Martainville - hameau le Fresnay ", et les références cadastrales et les superficies précisées par le pétitionnaire lui-même dans sa déclaration préalable. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération de la communauté de communes Inter Caux-Vexin du 10 mars 2020 arrêtant le projet de PLUi :
9. D'une part, aux termes de l'article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales, rendu applicable aux membres des établissements publics de coopération intercommunale par l'article L.5211-3 du même code, dans leurs rédactions applicables en l'espèce : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. S'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.
10. D'autre part, aux termes de l'article R.153-3 du code de l'urbanisme : " La délibération qui arrête un projet de plan local d'urbanisme (...) est affichée pendant un mois au siège de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et dans les mairies des communes membres concernées, ou en mairie. ".
11. Enfin, le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Si, dans le cadre de cette contestation, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :
12. Il ressort du procès-verbal des délibérations du conseil communautaire de la communauté de communes Inter Caux Vexin et il n'est pas contesté que la délibération du 10 mars 2020 approuvant le projet de PLUi a été transmise au contrôle de légalité et affichée pendant un mois au siège de la communauté de communes et des mairies des communes concernées, conformément aux dispositions de l'article R.153-3 du code de l'urbanisme. M. A... n'a invoqué, par la voie de l'exception, l'illégalité de la délibération du 10 mars 2020 que dans son mémoire du 30 mars 2022 et l'irrégularité de la procédure d'élaboration de cette délibération au regard de l'article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales que dans sa note en délibéré enregistrée le 8 avril 2022, alors que délai de recours contentieux courant à l'encontre de la délibération du 10 mars 2020 était expiré. M. A... ne peut donc utilement invoquer le vice de procédure dont elle serait entachée. Cependant, si le juge ne peut pas se prononcer sur ce moyen de légalité externe, il doit rechercher si les buts poursuivis par les conseillers communautaires pour classer les parcelles de M. A... en zone UC et les grever d'une servitude d'inconstructibilité diffèrent ou non des objectifs poursuivis par la communauté de communes.
S'agissant du détournement de pouvoir :
13. Si M. A... met en cause la présence de Paul C... lors de la délibération du conseil communautaire du 1er octobre 2018 relative au débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) et lors de la délibération du 10 mars 2020 arrêtant le projet de PLUi, il ressort des pièces du dossier que l'élu ainsi mis en cause était le représentant de la commune de Pissy Pôville, et non de Fresne-le-Plan, et que les procès-verbaux des deux délibérations ne relèvent et ne révèlent aucune intervention de sa part sur le classement envisagé des parcelles, susceptible d'attester de son influence sur les votes des autres membres. En outre, il ressort des échanges de textos produits par le requérant que si un certain M. C... était intéressé par l'achat de ses parcelles en octobre, le prénom de cet acheteur potentiel n'est pas précisé, pas plus que les références des parcelles et l'année de leurs échanges. Le requérant n'établit pas que cet acheteur potentiel était un proche de M. B... C... qui lui avait acheté ses parcelles A 658 et A 764 le 31 août 2017 et qu'il était apparenté à l'élu communautaire présent lors du vote des délibérations. Dès lors, il ne démontre que la protection prévue par le projet de PLUi, qui répond à un intérêt d'urbanisme, n'aurait été instituée que pour favoriser la famille C.... Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la délibération du 10 mars 2020 serait entachée de détournement de pouvoir.
S'agissant de l'erreur de qualification juridique des faits :
Quant au classement des parcelles de M. A... en zone Uc du règlement du futur PLUi :
14. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. /Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. ". Le règlement du futur PLUi arrêté en mars 2020 prévoit en son point 5.3 que " Le secteur Uc correspond aux centres-bourg de Fresne-le-Plan et de Saint-Denis-le-Thiboult et aux hameaux urbains structurés qui présentent une moindre densité bâtie et une organisation moins compacte. L'objectif du règlement écrit est de permettre une densification mesurée de ces espaces tout en préservant le caractère champêtre de ce secteur et en encadrant strictement l'étalement urbain. ".
15. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles d'assiette du projet sont situées dans un environnement dont les constructions sont peu denses. Compte tenu de la configuration des trois parcelles faisant l'objet de la déclaration de travaux déposée par M. A..., qui supportent une maison de maître entourée d'un grand parc, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la délibération du 10 mars 2020 a prévu qu'elles soient classées en zone Uc du futur PLUi.
Quant à l'identification des parcelles comme " patrimoine bâti à protéger " et aux restrictions de construction en résultant :
16. Aux termes de l'article L.151-19 du même code : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation ". Cet article permet au règlement d'un PLU d'édicter des dispositions visant à protéger, mettre en valeur ou requalifier un élément du paysage ou un secteur à protéger dont l'intérêt le justifie. La légalité de ces prescriptions, qui doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché, s'apprécie au regard du parti d'urbanisme retenu, défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.
17. Le règlement du futur PLUi arrêté en mars 2020 prévoit à l'article 2.6 que " les éléments du patrimoine présentant une qualité architecturale, urbaine et paysagère identifiés aux documents graphiques en vertu du L. 151-19 du code de l'urbanisme doivent être conservés ", notamment les " éléments surfaciques : parcs de château et de manoir... " et qu'au sein des éléments surfaciques identifiés, " les nouvelles constructions principales sont interdites. Seules les annexes, les extensions, les réfections, et les changements de destination des constructions existantes sont autorisées. ".
18. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles en cause supportent une maison de maître entourée d'un vaste parc doté de grands arbres, bordé, du côté de la route de Martainville, par un mur de clôture bas en pierre surmonté de barreaudages en métal et agrémenté d'un portail en métal entouré de deux colonnes en pierre et, côté allée des charmilles, par des arbres de haut jet. Si M. A... fait valoir qu'il n'y a plus d'unité foncière entre les cinq parcelles depuis la vente en 2017 de deux d'entre elles, dont celle supportant la maison de maître, les auteurs du PLU ne sont pas tenus, lorsqu'ils déterminent le zonage du territoire et identifient les espaces à protéger, de respecter les limites d'une propriété, d'une parcelle ou d'une unité foncière. En tout état de cause, comme le souligne la communauté de communes, les parcelles identifiées comme " patrimoine bâti à protéger " ont, dans leur ensemble, un aspect homogène, sans que la scission de l'unité foncière ne soit matérialisée par une construction, un chemin, une végétation ou une rupture de présentation. En outre, la circonstance que les parcelles aient été classées en zone NB du précédent POS, dans laquelle des constructions ont déjà été édifiées et qui pouvait accueillir des constructions diffuses, ne fait pas obstacle à ce que les auteurs du nouveau PLUi aient adopté un parti pris plus protecteur. Eu égard à la qualité architecturale, urbaine et paysagère de la maison de maître et de son parc, c'est sans méconnaître l'article L.151-19 du code de l'urbanisme que les auteurs du PLU ont identifié les parcelles d'assiette du projet comme supportant un élément du " patrimoine bâti à protéger ".
19. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le devant de la maison de maître est occupé, au premier plan, par un jardin " à la Française " divisé en quatre espaces délimités par des allées, au deuxième plan, par une rangée d'arbres de haute tige implantés sur deux côtés à une distance relativement proche, au troisième plan, par un espace engazonné ponctué de bosquets, et au dernier plan et en bordure de la limite séparative de l'ensemble des parcelles, par des arbres de haute tige implantés sur trois côtés, dont deux donnant sur la route de Martainville et l'allée des charmilles. Le parc de la maison est ainsi constitué de plusieurs niveaux et types de végétation et présente un caractère remarquable que ne remettent pas en cause les photographies produites par M. A... attestant de ce que le jardin situé devant la maison est désormais cultivé sous la forme d'un potager. Il n'apparaît pas que des restrictions moindres au droit de construire que l'interdiction de toute construction nouvelle principale sur l'ensemble des parcelles du patrimoine bâti " à protéger " posée par l'article 2.6 du règlement du futur PLUi permettraient d'atteindre l'objectif poursuivi de préserver le parc qui entoure la maison de maître. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les restrictions au droit de construire apportées aux espaces à protéger identifiés par le PLU, et notamment à ses parcelles, méconnaissent les dispositions précitées de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L.153-12 du code de l'urbanisme :
20. Aux termes de l'article L.153-12 du code de l'urbanisme : " Un débat a lieu au sein de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et des conseils municipaux ou du conseil municipal sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables mentionné à l'article L. 151-5, au plus tard deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme. / Lorsque le plan local d'urbanisme est élaboré par un établissement public de coopération intercommunale, le débat prévu au premier alinéa du présent article au sein des conseils municipaux des communes membres est réputé tenu s'il n'a pas eu lieu au plus tard deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme ".
21. Il ressort des mentions figurant dans la délibération du 10 mars 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Inter Caux Vexin a arrêté le projet de PLUi sectoriel du territoire du " plateau de Martainville ", qu'un débat sur les orientations du PADD s'est tenu lors du conseil communautaire du 1er octobre 2018 et au sein de chacun des conseils municipaux des communes comprises dans le périmètre du PLUi. Le PADD précise qu'il a eu lieu à Fresne-le-Plan le 18 septembre 2018. M. A..., qui se borne à soutenir que la commune doit établir que ces débats ont eu lieu, n'apporte aucun élément de nature à contredire les indications fournies dans ces documents. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de sursis à statuer attaquée n'a pas été précédée d'un débat sur le PADD au sein du conseil communautaire et du conseil municipal de Fresne-le-Plan doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L.153-11 du code de l'urbanisme :
22. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ". Aux termes de l'article L. 424-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable. Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus (...) aux articles L. 153-11 (...). Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. ". Il résulte de ces dispositions que le sursis à statuer peut être prononcé lorsque les constructions, installations ou opérations soumises à autorisation seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du PADD.
23. Si le PADD prévu par l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme n'est pas directement opposable aux demandes d'autorisation de construire, il appartient à l'autorité saisie d'une telle demande de prendre en compte les orientations du PADD, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si la construction envisagée serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan et décider, le cas échéant, de surseoir à statuer sur la demande en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme.
24. D'une part, si le requérant soutient que le PLUi n'était pas suffisamment avancé, et que les orientations du PADD étaient trop vagues pour opposer valablement une décision de sursis à statuer, il résulte de ce qui a été dit au point 21 que le projet de PLUi avait été arrêté, après le débat sur le PADD, par une délibération du conseil communautaire le 10 mars 2020, plus de huit mois avant l'arrêté attaqué. En outre, il ressort du PADD que celui-ci fixe notamment comme objectif n° 4 d'" offrir un cadre de vie de qualité dans un environnement valorisé ", avec comme axe n° 1 de " ménager la qualité paysagère et patrimoniale du plateau de Martainville ". Il précise notamment sa volonté de conserver, préserver et valoriser " les éléments du patrimoine bâti caractéristiques du territoire ", " marqueurs de son identité normande et rurale " et " les ambiances urbaines et rurales remarquables ". Dès lors, le maire de Fresne-le-Plan pouvait prendre en compte les orientations du PADD et le projet de futur PLUi pour fonder sa décision de sursis à statuer.
25. D'autre part, dès lors que le projet de M. A... tend à la construction de trois maisons individuelles sur une unité foncière spécialement identifiée comme digne de protection et que les restrictions au droit de construire apportées aux espaces à protéger identifiés par le PLU ne méconnaissent pas les dispositions précitées de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, c'est à bon droit que le maire de Fresne-le-Plan a estimé que le projet en cause serait de nature à compromettre l'exécution du futur PLUi. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.153-11 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne la méconnaissance des articles L.421-6 et L.421-7 du code de l'urbanisme :
26. Aux termes de l'article L. 421-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions, aménagements, installations et travaux font l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à leur exécution ou imposer des prescriptions lorsque les conditions prévues à l'article L. 421-6 ne sont pas réunies. ". L'article L. 421-6 du même code dispose que : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. ".
27. Si le requérant fait valoir que le projet de division " n'est pas de nature à venir compromettre des travaux conformes aux dispositions du plan d'occupation des sols alors en vigueur à la date de la décision contestée ", la décision attaquée qui sursoit à statuer sur la demande de déclaration préalable et ne constitue ni une décision d'opposition à déclaration préalable, ni une décision de non-opposition assortie de prescriptions, n'a pas été prise au motif que le projet est contraire au POS alors en vigueur mais parce qu'il est en contradiction avec le projet de futur PLUi. Dès lors, le moyen doit donc être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L.410-1 du code de l'urbanisme :
28. Aux termes de l'article L.410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. (...) ". Le certificat d'urbanisme prévu à l'article L.410-1 du code de l'urbanisme n'a pas le caractère d'une autorisation concernant des " travaux, constructions ou installations " au sens des dispositions de l'article L.424-1 du code, relatives au sursis à statuer.
29. Il ressort des pièces du dossier que le certificat d'urbanisme positif accordé à M. A... le 28 septembre 2020 pour la parcelle cadastrée A 762 a été établi au vu des dispositions du POS et plus particulièrement du règlement de la zone NB dont elle relevait. Il prend soin de mentionner que, du fait de l'élaboration en cours d'un PLUi, il pourra être opposé un sursis à statuer aux demandes d'autorisation d'urbanisme en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme. Par suite, la circonstance que la commune de Fresne-le-Plan ait délivré à M. A..., près de deux mois avant l'arrêté attaqué, un certificat d'urbanisme déclarant réalisable la construction d'une maison d'habitation sur l'une des trois parcelles pour lesquelles il a déposé une déclaration préalable en vue de leur détachement pour la construction d'une habitation sur chaque lot, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté de sursis à statuer attaqué.
30. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
31. Compte tenu du rejet de la demande d'annulation présentée par M. A..., ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Fresne-le-Plan, qui n'est pas la partie perdante en première instance et en appel, le versement de la somme que M. A... demande à son profit et au profit de son épouse au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
33. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Fresne-le-plan sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais de procédure exposés par cette dernière en première instance et en appel.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100345 du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 3 : M. A... versera à la commune de Fresne-le-Plan la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la commune de Fresne-le-Plan.
Délibéré après l'audience publique du 6 juin 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.
La rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
N°22DA01432 2