La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2024 | FRANCE | N°23DA00032

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 13 juin 2024, 23DA00032


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Sodipan Table a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2019 et 2020 à raison d'un établissement industriel situé à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime).



Par un jugement n° 2103655-2103556 du 8 novembre 2022, le tribunal a

dministratif de Rouen a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Sodipan Table a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2019 et 2020 à raison d'un établissement industriel situé à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime).

Par un jugement n° 2103655-2103556 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, la SAS Sodipan Table, représentée par Me Bussac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de taux plancher spécifique prévu par les dispositions, d'interprétation stricte, de l'article 1518 B du code général des impôts pour les opérations de fusion ou de transmission universelle de patrimoine entre des sociétés non fiscalement intégrées, c'est à tort que l'administration a fait application de la règle de fixité de la valeur locative des terrains et constructions et non de la règle de la valeur plancher de 80 % prévue par les dispositions du cinquième alinéa de cet article ;

- l'immobilisation n° 391, libellée " Froid ", d'un montant de 349 627 euros doit être qualifiée de bien d'équipement spécialisé au sens du 11° de l'article 1382 du code général des impôts et doit, à ce titre, être exclue des bases foncières.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la cour est incompétence pour connaître des conclusions relatives aux cotisations de taxe foncière ;

- les moyens soulevés par la SAS Sodipan Table ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par un traité de fusion du 7 novembre 2014 prenant effet au 5 janvier 2015, la société par actions simplifiée (SAS) SCA Tissue France a absorbé la SAS Sodipan. En vertu de ce traité, les terrains et bâtiments exploités par la SAS Sodipan à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) ont été transmis à la SAS SCA Tissue France. Par un acte sous seing privé enregistré le 16 décembre 2016, la SAS SCA Tissue France a apporté à la SAS Sodipan Table, créée à cet effet, l'ensemble des actifs et passifs de sa branche d'activités " produits de table ". La SAS Sodipan Table, qui a été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises installations industrielles à raison des installations industrielles de Saint-Etienne-du-Rouvray qui étaient au nombre des actifs ainsi apportés, a sollicité, par deux réclamations présentées le 29 décembre 2020, la réduction des cotisations mises à sa charge au titre de ces impositions pour les années 2019 et 2020. Par un jugement du 8 novembre 2022, dont la SAS Sodipan Table relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté, après les avoir jointes, les demandes de décharge qu'elle avait formées devant lui à la suite du rejet de ses réclamations.

Sur la compétence de la cour pour connaître des conclusions relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre des années 2019 et 2020 :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; (...) Par dérogation aux dispositions qui précèdent, en cas de connexité avec un litige susceptible d'appel, les décisions portant sur les actions mentionnées au 8° peuvent elles-mêmes faire l'objet d'un appel. Il en va de même pour les décisions statuant sur les recours en matière de taxe foncière lorsqu'elles statuent également sur des conclusions relatives à cotisation foncière des entreprises, à la demande du même contribuable, et que les deux impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année ".

3. Aux termes de l'article 1467 A du code général des impôts : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ".

4. Il résulte des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative que les litiges concernant la contribution économique territoriale sont susceptibles d'un appel devant la cour administrative d'appel. Il en va de même des litiges concernant la cotisation foncière des entreprises, qui est une partie de la contribution économique territoriale. Il résulte encore de ces dispositions que si le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les litiges concernant la taxe foncière, les jugements relatifs à cette taxe peuvent toutefois faire l'objet d'un appel devant la cour administrative d'appel lorsque le premier juge a statué par un seul jugement, d'une part, sur des conclusions relatives à la taxe foncière, d'autre part, sur des conclusions relatives à la cotisation foncière des entreprises à la demande du même contribuable, et que ces impositions reposent, en tout ou partie, sur la valeur des mêmes biens appréciée la même année.

5. Le tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué, statué sur les conclusions de la SAS Sodipan Table relatives, d'une part, à la taxe foncière sur les propriétés bâties et, d'autre part, à la cotisation foncière des entreprises pour les mêmes années 2019 et 2020 et pour la même commune de Saint-Etienne-du-Rouvray. Toutefois, la valeur locative des biens sur lesquels reposent ces impositions n'est pas appréciée la même année. Il suit de là, pour les motifs énoncés au point 4, que la cour n'est pas compétente pour connaître du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions de la requête relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle la SAS Sodipan Table a été assujettie au titre des années 2019 et 2020 dès lors que le tribunal administratif a statué sur ces conclusions en premier et dernier ressort. Par suite, il y a lieu de transmettre ces conclusions au Conseil d'Etat.

Sur les conclusions à fin de réduction de la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2019 et 2020 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1518 B du code général des impôts : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux seules immobilisations corporelles directement concernées par l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession, dont la valeur locative a été retenue au titre de l'année précédant l'opération. (...) / [5ème alinéa] Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération. / [6ème alinéa] Il en est de même pour les transmissions universelles du patrimoine mentionnées à l'article 1844-5 du code civil et réalisées à compter du 1er janvier 2010, pour la valeur locative des seules immobilisations corporelles directement concernées par ces opérations. (...) / [11ème alinéa] Par exception aux cinquième et sixième alinéas, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011 et mentionnées au premier alinéa ou au sixième alinéa, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure à : / [12ème alinéa] 1° 100 % de son montant avant l'opération lorsque, directement ou indirectement, l'entreprise cessionnaire ou bénéficiaire de l'apport contrôle l'entreprise cédante, apportée ou scindée ou est contrôlée par elle, ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise ; / [13ème alinéa] 2° 90 % de son montant avant l'opération pour les opérations autres que celles mentionnées au 1° entre sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 223 A ou de l'article 223 A bis ; (...) / Le présent article s'applique distinctement aux deux catégories d'immobilisations suivantes : terrains et constructions ".

7. Il résulte des dispositions des onzième et douzième alinéas de l'article 1518 B du code général des impôts précité que, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 2011, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements ne peut être inférieure à son montant avant l'opération lorsque, directement ou indirectement, l'entreprise cessionnaire ou bénéficiaire de l'apport contrôle l'entreprise cédante, apportée ou scindée, ou est contrôlée par elle, ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise.

8. Pour l'application de ces dispositions, les cessions s'entendent, au sens donné à ce terme par le droit civil et le droit des sociétés, de tous les transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire, effectués à titre gratuit ou à titre onéreux, y compris ceux qui, réalisés dans le cadre d'opérations de restructuration, portent sur l'universalité du patrimoine du cédant.

9. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, dont ces dispositions sont issues, que le législateur a entendu prémunir les finances des collectivités territoriales contre la réduction des bases d'imposition permise par la transmission d'immobilisations corporelles, en prévoyant, pour prévenir l'optimisation fiscale susceptible d'en découler, le maintien de la valeur locative des immobilisations transmises lorsque cette transmission est réalisée entre entreprises qui ne sont pas indépendantes entre elles à raison du contrôle exercé par l'une sur l'autre ou sur les deux par une tierce entreprise. La notion de contrôle mentionnée au douzième alinéa de l'article 1518 B du code général des impôts précité doit s'entendre comme désignant le contrôle déterminé au regard des critères fixés par l'article L. 233-3 du code de commerce, y compris ceux qu'énonce le III de cet article, aux termes duquel " deux ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérées comme en contrôlant conjointement une autre lorsqu'elles déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale ". Par suite, ces dispositions sont applicables, non seulement dans l'hypothèse d'un contrôle exclusif de l'entreprise cédante ou cessionnaire par l'autre entreprise partie à l'opération, ou de ces deux entreprises par une même troisième entreprise, mais également dans l'hypothèse où le contrôle ainsi exercé l'est de manière conjointe avec une autre entreprise. Il appartient à l'administration qui se prévaut de l'existence d'un contrôle exercé conjointement par plusieurs entreprises d'en démontrer l'existence, en établissant qu'elles agissent de concert et déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale par l'entreprise contrôlée.

10. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que l'opération de fusion-absorption, qui a emporté transfert du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante, est au nombre des cessions visées aux onzième et douzième alinéas de l'article 1518 B du code général des impôts, lesquelles ne se trouvent pas à s'appliquer, contrairement à ce que soutient la SAS Sodipan Table, aux seules opérations d'apports partiels d'actifs.

11. En vertu du traité de fusion du 7 novembre 2014, l'ensemble des actifs de la SAS Sodipan ont été transmis à la SAS SCA Tissues France. En outre, il est constant qu'à la date de cette fusion, intervenue le 5 janvier 2015, la SAS SCA Tissues France exerçait le contrôle exclusif de la SAS Sodipan, dans les conditions exposées au point 9.

12. Il suit de là que l'administration était fondée à appliquer aux installations industrielles de Saint-Etienne-du-Rouvray qui ont été transmises par la SAS Sodipan à la SAS SCA Tissues France, puis transmises par cette dernière à la SAS Sodipan Table, les dispositions des onzième et douzième alinéas de l'article 1518 B du code général des impôts.

13. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du seul libellé " Froid " de l'immobilisation n° 391 dont se prévaut la société requérante et de sa valeur comptable, qu'il s'agirait d'un bien d'équipement spécialisé au sens du 11° de l'article 1382 du code général des impôts.

14. Il résulte de tout ce qui précède que SAS Sodipan Table n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de SAS Sodipan Table est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Sodipan Table et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

2

N°23DA00032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00032
Date de la décision : 13/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-13;23da00032 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award