Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le maire de la commune de Marcq-en-Barœul a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'autre part, de condamner la commune de Marcq-en-Barœul à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral résultant des agissements constitutifs de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis.
Par un jugement n° 2101255 du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Vanacker, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le maire de la commune de Marcq-en-Barœul a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation des préjudices causés par le harcèlement moral qu'elle a subi ;
3°) de condamner la commune de Marcq-en-Barœul à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices causés par les actes de harcèlement moral commis à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Marcq-en-Barœul, le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- depuis 2017, elle est victime d'agissements de harcèlement moral de la part de ses collègues, en particulier de son supérieur hiérarchique direct ;
- la commune n'a pris aucune mesure pour la protéger de ces agissements, qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ainsi que de compromettre son avenir professionnel ;
- c'est donc à tort que le bénéfice de la protection fonctionnelle lui a été refusé ;
- compte tenu des agissements de harcèlement moral subis, elle est en droit d'obtenir une somme de 30 000 euros en réparation de ses préjudices.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2023, la commune de Marcq-en-Barœul, représentée par Me Guilmain, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel, qui ne comporte aucune critique du jugement et réitère les écritures de première instance, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 janvier 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Guilmain pour la commune de Marcq-en-Barœul.
Considérant ce qui suit :
1.Mme A... B... est fonctionnaire territoriale titulaire du grade d'agent social et exerce en qualité d'agent d'entretien au sein de la commune de Marcq-en-Barœul. Le 27 octobre 2020, par la voie de son conseil, Mme B... a sollicité du maire de Marcq-en-Barœul, d'une part, l'octroi de la protection fonctionnelle en invoquant être victime de faits de harcèlement moral et, d'autre part, le versement d'une indemnité réparant les préjudices qu'elle estimait en lien avec ces agissements. Par une décision du 18 décembre 2020, ses demandes ont été rejetées par le maire. Mme B... relève appel du jugement du 4 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et à la condamnation de la commune de Marcq-en-Barœul au versement d'une indemnité réparant ses préjudices consécutifs au harcèlement moral qu'elle estime avoir subi.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions d'annulation de la décision du 18 décembre 2020 refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle :
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ". L'article 11 de la même loi dispose que : " A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".
3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
4. En premier lieu, Mme B... se plaint avoir été victime, au cours de l'année 2017, alors qu'elle était affectée à l'école Marcel Pagnol, de propos dénigrants et insultants, pour certains à connotation sexuelle, de la part de deux de ses collègues. Au soutien de ses doléances, elle produit, comme elle l'avait déjà fait devant les premiers juges, deux attestations datées du 15 septembre 2022, établies par ses deux filles qui relatent que s'étant rendues le 21 janvier 2017 à l'école Marcel Pagnol à la fin de la journée de travail de leur mère, une collègue prénommée Elodie les aurait toutes deux insultées. Toutefois, à supposer que l'insulte rapportée dans leurs témoignages leur ait été réellement adressée, ce fait isolé, n'est pas suffisant pour faire présumer que Mme B... aurait fait régulièrement l'objet, durant l'année 2017, de propos visant à la rabaisser ou à la dénigrer. Au demeurant, il résulte des observations apportées par la commune, non contredites par l'appelante, que l'altercation ayant eu lieu le 21 janvier 2017 à la sortie de l'école, s'inscrivait dans un contexte de tension familiale, dès lors que le directeur de l'école Jules Ferry où elle était alors encore affectée avait été témoin, quelques jours auparavant, d'un différend opposant Mme B... avec l'ancien compagnon de l'une de ses filles.
5. En deuxième lieu, si Mme B... allègue avoir été victime des mêmes agissements constitués de propos dénigrants et insultants de la part de ses collègues alors qu'elle était affectée à l'école Nicky de Saint-Phalle depuis le mois de mai 2018, elle n'apporte aucun élément de nature à laisser présumer l'existence de tels faits.
6. En troisième lieu, durant cette même période où elle était employée dans cet établissement scolaire, Mme B... reproche à ses supérieurs hiérarchiques de l'avoir traitée de manière discriminatoire et de l'avoir soumise à des reproches constants et à des consignes contradictoires. D'une part, si Mme B..., fait valoir qu'il lui avait été interdit de déjeuner à la cantine de l'école durant la pause méridienne, il résulte de l'instruction, en particulier d'un courrier du 18 décembre 2019, que la possibilité de déjeuner au sein de l'établissement scolaire était réservée aux seuls agents exerçant une mission auprès des enfants. D'autre part, Mme B... n'apporte aucun élément tangible laissant présumer qu'elle aurait été victime de propos vexatoires concernant son aptitude physique à occuper son emploi ou visant à mettre en doute le bien-fondé de ses arrêts de travail, et pas davantage qu'elle aurait reçu des consignes contradictoires quant à l'accomplissement de ses tâches journalières.
7. En quatrième lieu, Mme B... fait état de ce que le 6 septembre 2019, alors qu'elle était affectée à la surveillance de la cantine scolaire Notre Dame de Lourdes, elle aurait été convoquée " séance tenante " par son supérieur hiérarchique direct à 14 h dans son bureau, n'avoir été reçue qu'à 14 h 30 et avoir ensuite fait l'objet d'un déluge de reproches. Toutefois, alors que cette affirmation n'est établie par aucune pièce probante, il ressort d'un courrier du 8 octobre 2019 qu'à la suite de cet entretien, au cours duquel elle s'était ouverte d'une difficulté de gestion des lessives, ce supérieur hiérarchique l'a autorisée à quitter son poste de garderie le soir à l'école Blaise Pascal, le temps nécessaire pour lui permettre de sécher et étendre le linge.
8. En cinquième lieu, Mme B... fait grief à son employeur, de n'avoir jamais pris en compte son état de santé et sa souffrance au travail. A cet égard, elle se prévaut en particulier de ce que sur la période du 1er septembre au 16 octobre 2020, son planning lui aurait imposé, en dépit de son âge et de son état de santé, lors de la pause méridienne de quarante-cinq minutes, de se rendre de l'école Notre Dame de Lourdes à l'école Blaise Pascal alors que le temps de trajet entre ces deux sites était de quarante minutes. Toutefois, la commune fait valoir, sans être contredite, que le temps de trajet en voiture ne prenait que six minutes. En outre, si elle reproche à la collectivité de n'avoir pas ordonné une enquête administrative sur sa situation, ni pris des mesures concrètes pour faire cesser les agissements de ses collègues, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents, qu'aucun des faits avancés, ne justifiait la mise en place de telles mesures. Au demeurant, si la commune ne conteste pas l'existence de problèmes relationnels, il résulte cependant de l'instruction, notamment de courriers en date du 17 avril 2018 et du 18 décembre 2019, que ses services se sont entretenus avec Mme B... à plusieurs reprises pour entendre ses doléances et lui proposer, à chaque fois, une nouvelle affectation. S'agissant de la prise en compte de son état de santé, il résulte de l'instruction, notamment de courriers en date du 26 avril 2018 et des 8 mars et 8 avril 2019, que dans la perspective de sa réintégration à la suite d'arrêts maladie, Mme B... a été informée qu'afin de tenir compte de sa pathologie, seules des tâches de surveillance de restauration, de lessive, de petit nettoyage et de garderie dans les écoles lui seraient confiés.
9. Il ressort de l'ensemble des pièces du dossier et de ce qui a été dit aux points 3 à 8 que les faits en cause ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une situation de harcèlement moral. Cette qualification ne saurait par ailleurs résulter des certificats médicaux de son médecin traitant, qui permettent seulement d'établir une souffrance morale et psychique en relation avec son vécu professionnel. Par suite, la décision du 18 décembre 2020 par laquelle le maire de Marcq-en-Barœul a rejeté la demande de Mme B... tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle, n'est entachée ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
10. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en l'absence de toute faute de la commune de Marcq-en-Barœul, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de cette collectivité à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de faits de harcèlement moral.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 avril 2023 attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes à fin d'annulation et d'indemnisation.
Sur les dépens :
12. A défaut de dépens dans la présente instance, la demande présentée à ce titre par Mme B... ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Marcq-en-Barœul, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B..., au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 500 euros, sur le fondement des mêmes dispositions, au titre des frais exposés par la commune de Marcq-en-Barœul.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à la commune de Marcq-en-Barœul la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Marcq-en-Barœul.
Délibéré après l'audience publique du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef, par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
No 23DA01009 2