Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016.
Par un jugement no 2004240 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2023, M. et Mme E... ainsi que la société civile immobilière (SCI) BV KUB, représentés par Me Wibaut, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils démontrent qu'ils ont mis en œuvre toutes diligences pour louer l'immeuble situé à Berck-sur-Mer ;
- c'est à tort que l'administration a estimé que la SCI B V KUB s'était réservée la jouissance de ce bien ;
- ils sont fondés à se prévaloir des énonciations du paragraphe n° 70 de la doctrine administrative BOI-RFPI-CHAMP-20-20 ainsi que de la réponse ministérielle au sénateur M. D... du 27 mai 1977 ;
- les travaux réalisés dans l'immeuble situé à Montreuil-sur-Mer sont des travaux d'entretien et de réparation déductibles des revenus fonciers en application de l'article 31 du code général des impôts ;
- ils sont fondés à se prévaloir des énonciations des paragraphes nos 10 et 50 de la doctrine administrative BOI-RFPI-BASE-20-30-10, et de la réponse ministérielle au député M. F... du 5 mai 1966 n° 18302.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société civile immobilière (SCI) B V Kub, dont M. et Mme E... sont associés et détiennent chacun un quart du capital, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de ses déclarations fiscales au titre des années 2015 à 2017, au terme duquel l'administration a remis en cause le caractère déductible des frais et charges relatifs à un immeuble situé au 12 rue du Docteur A... à Berck-sur-Mer au titre des années 2015 et 2016. Par une proposition de rectification du 9 juillet 2018, l'administration a tiré les conséquences de ce contrôle et a notifié aux époux E... des rectifications des revenus perçus au titre de ces deux années dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par ailleurs, par cette même proposition de rectification, l'administration fiscale a également remis en cause la déductibilité de travaux réalisés en 2015 et 2016 dans un immeuble situé au 2 rue du Grand Sermon à Montreuil-sur-Mer propriété du couple E..., donné pour partie en location à la société Vinophilie dont Mme E... est la gérante. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'un montant total, en droits et pénalités, de 11 357 euros au titre de l'année 2015, et de 11 299 euros, au titre de l'année 2016, ont été mises en recouvrement le 31 janvier 2019. Suite au rejet de leur réclamation, M. et Mme E... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille. Toutefois, par un jugement du 30 décembre 2022 dont les contribuables ainsi que la SCI B V Kub relèvent appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Sur l'immeuble situé 12 rue du Docteur A... à Berck-sur-Mer :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. D'une part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts, les associés des sociétés civiles immobilières " sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société ". D'autre part, aux termes de l'article 14 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : / 1° Les revenus des propriétés bâties, telles que maisons et usines (...) ". Aux termes de l'article 30 de ce code : " Sous réserve des dispositions de l'article 15-II, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles dont le propriétaire se réserve la jouissance est constitué par le montant du loyer qu'ils pourraient produire s'ils étaient donnés en location (...) ".
3. Pour évaluer le montant du loyer que pourrait produire un immeuble non affecté à l'habitation dont le propriétaire se réserve la jouissance, il y a lieu de se référer à la situation qui serait celle d'un propriétaire exploitant normalement cet immeuble par voie de location à un tiers. Le loyer fictif doit être évalué, à défaut d'autres éléments d'appréciation conduisant à le fixer à un niveau différent, au montant des frais et charges courants de la propriété, y compris les frais de gestion et d'amortissement.
4. A l'occasion du contrôle sur pièces dont a fait l'objet la SCI B V Kub au titre des années 2015 à 2017, l'administration fiscale a constaté que l'immeuble situé 12 rue du Docteur A... à Berck-sur-Mer acquis par cette société fin 2011, et composé d'un garage à usage commercial, d'un bureau et de pièces à vivre, était déclaré vacant depuis le 1er août 2013, et proposé à la vente depuis juillet 2015. L'administration a en conséquence estimé que la SCI B V Kub en avait conservé la jouissance et a remis en cause la déduction de frais et charges déclarée par la société en déduction des revenus fonciers perçus en application du II de l'article 15 du code général des impôts, pour un montant de 7 087 euros en 2015, de 6 505 euros en 2016 et de 6 250 euros en 2016.
5. En conséquence, à l'occasion de la proposition de rectification adressée aux époux E... le 9 juillet 2018, l'administration fiscale a rectifié les revenus fonciers déclarés par les contribuables au titre des années 2015 et 2016 à hauteur de leurs droits dans la société, pour un montant respectif de 3 544 euros et de 3 252 euros. Devant les premiers juges, l'administration fiscale a demandé que la base légale des articles 14 et 30 du code général des impôts soit substituée à celle du II de l'article 15 initialement retenue, le montant du loyer fictif devant être limité au montant des frais et charges et des intérêts d'emprunts déduits par la SCI, à défaut d'autres éléments d'appréciation. Le tribunal administratif de Lille a fait droit à cette demande.
6. Devant la cour, les requérants soutiennent uniquement que la SCI B V Kub ne peut être regardée comme s'étant réservée la jouissance de l'immeuble en cause. Toutefois, il résulte de l'instruction que, si la société preneuse de cet immeuble a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire à compter du 4 novembre 2014, pas le moindre élément n'est apporté au soutien des allégations des contribuables selon lesquelles le stockage du matériel dans l'immeuble jusqu'en 2015 aurait fait obstacle à sa remise en location. Par ailleurs, la simple production d'un projet de bail commercial établi en juin 2018 par l'intermédiaire d'une société de gérance, n'est pas de nature à démontrer que, ainsi que les contribuables le soutiennent, la SCI B V Kub aurait mis en gestion ce bien immobilier dès le mois d'avril 2015 mais que ce dernier n'a pu être de nouveau loué. Aussi, en l'absence d'éléments de nature à démontrer la réalité des démarches de cette société afin de mettre en location l'immeuble en cause en 2015 et 2016, la SCI B V Kub doit être regardée comme s'en étant réservée la jouissance.
7. Par suite, l'administration fiscale a pu à bon droit évaluer le loyer de l'immeuble aux montants 7 087 euros en 2015, de 6 505 euros en 2016 en application des articles 14 et 30 du code général des impôts, et rectifier les revenus fonciers de M. et Mme E... à hauteur de 3 544 euros en 2015 et de 3 252 euros en 2016 correspondant à leurs droits dans cette société, en application de l'article 8 du même code.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
8. En tout état de cause, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales du paragraphe n° 70 de la doctrine administrative BOI-RFPI-CHAMP-20-20 lequel n'a pas trait à l'application des 14 et 30 du code général des impôts constituant la base légale de la rectification mais à celle du II, relatif aux locaux d'habitation, de l'article 15 du même code.
Sur l'immeuble situé 2 rue du Grand Sermon à Montreuil-sur-Mer :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
9. D'une part, aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; / (...) / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) / b bis) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux professionnels et commerciaux destinés à protéger ces locaux des effets de l'amiante ou à faciliter l'accueil des handicapés, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; / (...) ".
10. Il appartient au contribuable qui entend, sur le fondement de ces dispositions, déduire de son revenu brut les dépenses qui constituent, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges en produisant des pièces justificatives, permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité des charges supportées.
11. D'autre part, il résulte de l'article 5 du bail commercial conclu le 11 février 2011 entre M. E... et la SARL Vinophilie que cette dernière a la charge de l'ensemble des réparations locatives et d'entretien à la seule exclusion des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil.
12. Il résulte de l'instruction que M. et Mme E... sont propriétaires d'un immeuble situé au 2 rue du Grand Sermon à Montreuil-sur-Mer, dont une partie constitue leur habitation principale, et dont l'autre partie, à usage commercial, est louée à la société à responsabilité (SARL) Vinophilie dont Mme E... est la gérante. A l'occasion du contrôle sur pièces dont les époux E... ont fait l'objet, l'administration fiscale a remis en cause le caractère déductible de travaux réalisés dans l'immeuble pour des montants de 25 656 euros en 2015 et de 20 705 euros en 2016.
13. En premier lieu, s'agissant des factures FC 474 et FC 475 du 8 juin 2015 d'un montant respectif de 1 260 euros et de 2 870 euros, 20150754 du 10 juillet 2015 d'un montant de 1 839,55 euros, FC 484 du 15 décembre 2015 d'un montant de 1 790 euros, FC 485 et FC 486 du 12 janvier 2016 d'un montant respectif de 1 720 euros et de 240 euros, D31-005878 du 10 février 2016 d'un montant de 818,02 euros, FC 492 du 20 mars 2016 d'un montant de 2 680 euros et FC 498 du 27 mai 2016 d'un montant de 3 460 euros, la seule adresse mentionnée sur ces documents est celle des époux E..., sans référence à l'enseigne commerciale exploitée par la SARL Vinophilie, et, lorsque cette enseigne y figure comme lieu de réalisation des travaux, cela résulte de l'ajout d'une mention manuscrite sur les factures.
14. Dans ces conditions, les contribuables ne démontrent pas que les travaux en cause ont été réalisés dans la partie de l'immeuble à usage commercial et non dans celle à usage d'habitation du couple E....
15. En deuxième lieu, s'agissant des factures 15060683 et 16041335 des 17 juin 2015 et 28 avril 2016 d'un montant respectif de 2 672,32 euros et de 5 324,93 euros, il résulte des mentions y figurant que l'objet des travaux était en particulier de séparer les installations électriques entre la partie de l'immeuble à usage d'habitation et celle à usage commercial. En l'absence de précisions suffisantes sur les travaux réalisés au bénéfice exclusif de la partie de l'immeuble louée à la SARL Vinophilie, c'est à bon droit que l'administration a refusé de prendre en compte les dépenses correspondantes.
16. En troisième lieu, s'agissant de la facture 15990089 du 11 août 2015 d'un montant de 7 698,95 euros relative au remplacement de faux-plafonds, en tout état de cause, dès lors que ces travaux ne peuvent être regardés comme de grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil, leur charge incombait non pas au propriétaire mais au preneur de la surface commerciale, et leur montant ne pouvait en conséquence être pris en compte en déduction des revenus fonciers perçus par M. et Mme E....
17. En dernier lieu, s'agissant de la facture 185 du 18 mars 2016 d'un montant de 2 809,01 euros, en tout état de cause, les travaux y figurant ne constituent pas des travaux de réparation ou d'entretien mais des travaux d'amélioration lesquels ne sont pas déductibles dès lors qu'ils n'entrent pas dans le champ du b bis) du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts.
18. Il résulte de ce qui précède que les époux E... n'apportent pas la preuve qui leur incombe du caractère déductible des travaux en cause au sens des dispositions de l'article 31 du code général des impôts.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
19. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes 10 et 50 de la doctrine administrative BOI-RFPI-BASE-20-30-10 ainsi que des réponses ministérielles au sénateur M. D... du 27 mai 1977 et au député M. F... du 5 mai 1966, dès lors qu'il n'y est pas fait une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont le présent arrêt fait application.
20. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel en ce qu'elle émane de la SCI B V Kub, que cette dernière ainsi que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge des époux E... au titre des années 2015 et 2016. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... ainsi que de la SCI B V Kub est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... E..., à la SCI B V Kub et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 15 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef
Et par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°23DA00382
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N°"Numéro"