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23/05/2024 | FRANCE | N°23DA01481

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 23 mai 2024, 23DA01481


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Terralia Normandie a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 février 2022 par lequel le maire d'Etretat a refusé de lui délivrer un permis de construire et d'enjoindre au maire d'Etretat de lui délivrer le permis de construire sollicité.



Par un jugement n° 2202818 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 10 février 2022, a enjoint à la commune

d'Etretat de délivrer à la SARL Terralia Normandie le permis de construire sollicité dans un délai de de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Terralia Normandie a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 février 2022 par lequel le maire d'Etretat a refusé de lui délivrer un permis de construire et d'enjoindre au maire d'Etretat de lui délivrer le permis de construire sollicité.

Par un jugement n° 2202818 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 10 février 2022, a enjoint à la commune d'Etretat de délivrer à la SARL Terralia Normandie le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, le cas échéant assorti de prescriptions permettant de prendre en compte le risque d'inondation, et a mis à la charge de la commune d'Etretat la somme de 1 500 euros à verser à la société en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2023, la commune d'Etretat, représentée par Me Benoît Le Velly, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 mai 2023 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 10 février 2022 et lui a enjoint la délivrance du permis de construire sollicité ;

2°) de rejeter la demande de la SARL Terralia Normandie tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 février 2022 ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Terralia Normandie la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en tant qu'il enjoint la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'assortissant de prescriptions ;

- considérant le risque d'inondation avéré et le risque d'atteinte à la sécurité publique, le maire ne pouvait que refuser le permis et non le délivrer en l'assortissant de prescriptions ;

- deux autres motifs peuvent, le cas échéant, être substitués, le premier tenant au risque de submersion marine et le second à l'atteinte portée par le projet aux lieux avoisinants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2023, la SARL Terralia Normandie, représentée par Me David Gillig, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'Etretat de la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés tant en ce qui concerne la régularité que le bien-fondé du jugement.

Par un mémoire en intervention enregistré le 12 février 2024, la société civile immobilière (SCI) Helios, la SCI J.A.V.E, la SARL Maison Gersdorff, Mme C... N..., M. Y... O..., M. R... AC..., Mme C... AC..., Mme K... D..., Mme F... U..., M. B... Z..., Mme A... Z..., M. X... S..., Mme AA... W..., M. R... AB..., Mme T... G..., M. R... V..., Mme H... V..., Mme F... AE... E..., Mme I... L..., Mme Q... M..., M. J... P..., Mme AD... P..., la SCI Foxteam, l'association des amis d'Etretat, représentés par Me Eric Benjamin, déclarent intervenir au soutien de la commune d'Etretat aux fins d'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 mai 2023, concluent au rejet de la demande de la société Terralia d'annulation de l'arrêté du 10 février 2022 et demandent, en outre, l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel la commune d'Etretat a accordé le permis de construire sollicité à la société Terralia.

Ils soutiennent que :

- leur intervention est recevable ; ils ont un intérêt suffisant à agir, en tant que propriétaires de biens situés à proximité immédiate de la parcelle ou disposant d'une vue sur elle et parce que l'objet social de l'association des amis d'Etretat vise à la défense de la sauvegarde de la qualité de la vie à Etretat et du site d'Etretat ;

- le dossier, même complété par la société Terralia, ne permet pas à la commune de s'assurer de la conformité du projet par rapport aux risques d'inondation et de nappe sub-affleurante ; les prescriptions dont la commune a dû assortir le permis de construire délivré à la société en exécution du jugement du tribunal administratif démontrent que le projet n'est pas suffisamment défini et impliquera des modifications substantielles ;

- le projet prend place sur un terrain menacé par un risque de submersion marine, situé en zone inondable, au sein d'une commune dont la station d'épuration n'est pas conforme.

Par une ordonnance du 9 avril 2024, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Benoît Le Velly, représentant la commune d'Etretat.

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande du 14 septembre 2021, complétée le 23 décembre 2021, la société à responsabilité limitée (SARL) Terralia Normandie a sollicité le permis de construire un bâtiment d'habitation collective comportant 21 logements en R + 2 + combles aménagés sur un terrain situé entre le 7 et le 9 de la rue Dorus à Etretat. Par un arrêté du 10 février 2022, le maire d'Etretat a refusé de faire droit à sa demande, et a, par une décision datée du 16 mai 2021, rejeté son recours gracieux. Par la présente requête, la commune d'Etretat interjette appel du jugement n° 2202818 du 25 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen, à la demande de la société Terralia, a annulé l'arrêté du 10 février 2022, enjoint à la commune de délivrer à la société le permis de construire sollicité en l'assortissant, le cas échéant, de prescriptions permettant de prendre en compte le risque inondation, et mis à la charge de la commune la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Sur la recevabilité de l'intervention de la SCI Helios et autres :

2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. (...) ". Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...). ". Aux termes de l'article R. 600-4 du même code : " Les requêtes dirigées contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété (...) ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction. Ces règles sont également applicables à l'appréciation de l'intérêt de personnes, autres que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association, à intervenir volontairement à l'appui d'une requête dirigée contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol.

4. Les circonstances, invoquées par les 20 intervenants, qu'ils habitent dans la commune d'Etretat et sont propriétaires de maisons situées à proximité du projet en litige ou disposant d'une vue sur la parcelle d'assiette du terrain, ne suffisent pas, par elles-mêmes, à faire regarder le projet - pour lequel le maire a refusé, par un arrêté du 10 février 2022, de délivrer un permis de construire à la société pétitionnaire - comme de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leurs biens.

5. Toutefois, M. et Mme Z..., Mme F... U... et Mme K... D..., qui résident dans la même rue que celle où le projet doit être implanté, respectivement aux numéros 5, 7 et 8 justifient de leur qualité de voisins immédiats de la parcelle d'assiette du projet située entre le 7 et le 9 de la rue Dorus. En outre, l'association des propriétaires et des amis d'Etretat devenue association des amis d'Etretat a pour objet social de " concourir à la sauvegarde de la qualité de la vie à Etretat et dans sa région " et d'" assurer la représentation et la défense des intérêts collectifs de ses membres vis-à-vis des (...) collectivités locales. ". Dans ces conditions, le projet de construction envisagé par la société Terralia doit être regardé comme de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance des propriétés des trois intervenants précités et à porter atteinte aux intérêts défendus par l'association. Ils ont donc intérêt à ce que le jugement du tribunal administratif de Rouen annulant le refus de permis de construire opposé à la société pétitionnaire et enjoignant au maire de procéder à la délivrance du permis soit annulé et à ce que le refus de permis de construire soit maintenu.

6. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de l'intervention au regard des autres personnes mentionnées dans le mémoire présenté collectivement, il y a lieu d'admettre l'intervention en tant qu'elle vient au soutien des conclusions de la requête de la commune d'Etretat qui tendent au maintien de l'arrêté du maire du 10 février 2022.

7. En revanche, aucune conclusion n'ayant été formée par l'une ou l'autre des parties contre l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel, en exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen, le maire d'Etretat a accordé le permis de construire sollicité à la société Terralia, il n'y a pas lieu d'admettre l'intervention de la SCI Helios et autres en tant qu'elle tend à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

8. La commune reproche au tribunal administratif de Rouen d'avoir prononcé à son encontre une injonction non autorisée, en lui ordonnant de délivrer à la SARL Terralia un permis de construire et de l'assortir de prescriptions permettant de prendre en compte le risque d'inondation.

9. Toutefois, lorsque, eu égard aux motifs de la décision juridictionnelle censurant les motifs retenus ou invoqués par l'autorité compétente, le permis de construire ne peut être délivré que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales permettant d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, les dispositions de l'article L. 911-1 précité ne font nullement obstacle à ce que, après lui avoir prescrit de prendre une mesure d'exécution dans un sens déterminé, en l'occurrence la délivrance de l'autorisation sollicitée, le juge laisse à l'autorité compétente le soin de définir les prescriptions spéciales nécessaires.

10. Par suite, la commune d'Etretat n'est pas fondée à soutenir qu'en lui ordonnant de délivrer à la SARL Terralia un permis de construire et de l'assortir de prescriptions permettant de prendre en compte le risque d'inondation, le tribunal administratif de Rouen aurait entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

11. Pour refuser de faire droit à la demande de permis de construire déposée par la SARL Terralia Normandie, le maire d'Etretat a considéré que les pièces du dossier de demande de permis de construire ne prenaient pas en compte une gestion centennale ni ne démontraient la possibilité d'une gestion des eaux pluviales à la parcelle, ni la capacité du sol à pouvoir infiltrer. Il en a déduit que le projet était de nature à porter atteinte à la sécurité publique en application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

12. Pour annuler l'arrêté du 10 février 2022 refusant le permis de construire, le tribunal administratif de Rouen a considéré que le maire d'Etretat avait méconnu les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en fondant son refus sur le motif tiré du risque d'inondation, sans avoir recherché s'il pouvait assortir une autorisation d'urbanisme de prescriptions spéciales.

13. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

14. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité du projet aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

15. Il ressort des pièces du dossier et notamment du porter à connaissance du 21 octobre 2014 par le sous-préfet du Havre des risques littoraux sur la commune d'Etretat que le terrain d'assiette du projet est exposé à un risque de submersion marine et se situe à cheval sur deux classes de hauteur d'eau, de moins de 50 cm et entre 0,50 et 1 mètre. Ce porter à connaissance indique que " sur le plan pratique, tout projet nouveau ou extension importante située (...) en ZI [zone inondable] par plus de 0,50 cm d'eau sera interdit. Les autres seront autorisés avec prescriptions ". Il ressort, en outre, de la note et de la cartographie établies le 14 octobre 2021 par le service urbanisme de la communauté urbaine Le Havre Seine métropole sur la demande de permis de construire que le terrain d'assiette du projet se situe dans une zone de ruissellement, à risque de nappe sub-affleurante et à risque d'inondation, même si aucune inondation, notamment celle historique de 1975, n'y a été recensée. S'agissant du risque d'inondation, le service a relevé que " la côte de plancher rez-de-chaussée doit être supérieure au point bas de la rue Dorus, que les éléments paysagers ayant un rôle de protection et d'infiltration doivent être maintenus et entretenus, que l'aménagement du terrain ne doit pas remettre en cause l'écoulement naturel des eaux de ruissellement (de la rue Dorus vers la parcelle B 1095) " et que " la parcelle devra être aménagée en prenant en compte l'éventualité d'une saturation du réseau dans l'évacuation des eaux de ruissellement de la rue Dorus ". S'agissant de la gestion des eaux pluviales du projet, le service a notamment relevé qu'il s'agissait d'un " projet urbain d'ampleur importante ", qui, sans gestion des eaux pluviales, aurait un impact potentiellement important sur les ouvrages et constructions situés en aval. Il ajoute que, si le projet est accordé, " au vu des enjeux, une gestion centennale à la parcelle doit être réalisée " et " des tests de perméabilités [réalisés en conditions humides] doivent démontrer au préalable la capacité du sol à pouvoir infiltrer ". Relevant que " le coefficient d'imperméabilisation semble sous-évalué ", il souligne qu'" une note hydraulique doit être produite par un bureau d'étude spécialisé démontrant la faisabilité d'une gestion à la parcelle et la non aggravation du risque inondation pour les parcelles limitrophes ".

16. Si par un courriel du 16 décembre 2021, le chargé de projets " gestion des eaux pluviales " de la communauté urbaine Le Havre Seine métropole a indiqué que les nouveaux éléments apportés à son projet par la société pétitionnaire " indiquent une optimisation du terrain en termes de gestion des eaux pluviales et de prise en compte d'un risque d'inondation ", il préconise qu'" afin d'anticiper un débordement de la voie, un point bas pourra être créé entre la rue Dorus et le chemin piéton, permettant au ruissellement de rejoindre les noues. Une autorisation de rejet sera à obtenir auprès des propriétaires de la parcelle en aval. ". Le même jour, la société de géomètres-experts qui a mis à jour la notice et le plan de l'avant-projet sommaire note que les positions et dimensions des noues, l'infiltration ou l'exutoire seront adaptés " en fonction de l'infiltrométrie réelle du terrain ".

17. Les éléments décrits ci-dessus démontrent qu'à la date de l'arrêté attaqué, d'une part, la société pétitionnaire n'avait pas produit l'étude de sol G2 et la note hydraulique seules à mêmes de déterminer la perméabilité et l'infiltration du sol et la faisabilité d'une " gestion des eaux de pluie à la parcelle ", conformément aux dispositions de l'article UR4 du plan local d'urbanisme d'Etretat, et la non-aggravation du risque d'inondation pour les parcelles limitrophes, d'autre part, elle ne justifiait pas avoir obtenu une autorisation des propriétaires de la parcelle cadastrée B 1095 pour le rejet des eaux pluviales. A cet égard, les intervenants font état d'un courrier du 14 septembre 2023 par lequel le syndic de la copropriété installée sur la parcelle B 1095 s'étonne de ne pas avoir été informé de la prévision par la SARL Terralia d'un débit de fuite sur cette parcelle " en cas de fortes précipitations entraînant un débordement des eaux pluviales " et indique que " la copropriété n'accepte en aucun cas cette servitude imposée unilatéralement " et se réserve de faire valoir ses droits en la matière afin de défendre ses intérêts. Ils établissent, par ailleurs, la non-conformité des performances de la station de traitement des eaux usées d'Etretat en 2021 et en 2022, ainsi que cela résulte de la fiche éditée le 23 juin 2023 par la direction départementale des territoires et de la mer de la Seine-Maritime, qui énonce notamment que " le système de collecte ne se conforme à aucun des trois critères relatifs au temps de pluie ".

18. Dans ces conditions, compte tenu des informations lacunaires données par la société pétitionnaire à la commune sur sa maîtrise des risques d'inondation sur le terrain d'assiette de son projet et sur les terrains limitrophes et de la nécessité, le cas échéant, de modifier substantiellement le projet pour une mise en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires, la commune d'Etretat est fondée à soutenir qu'elle n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en n'accordant pas à la SARL Terralia le permis sollicité assorti de prescriptions spéciales mais en refusant de lui délivrer ce permis.

19. Ainsi, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 10 février 2022 par lequel le maire d'Etretat a refusé de délivrer à la SARL Terralia le permis de construire sollicité.

20. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Terralia tant en première instance qu'en appel à l'encontre de cette décision.

En ce qui concerne l'autre moyen invoqué par la SARL Terralia en première instance :

21. A l'appui de sa demande d'annulation du refus de permis, la SARL Terralia contestait également le motif tiré de ce que " les pièces du dossier ne prennent pas en compte une gestion centennale et ne démontrent pas la possibilité d'une gestion des eaux pluviales à la parcelle et la capacité du sol à pouvoir s'infiltrer ".

22. S'il ressort de l'avant-projet sommaire du 14 septembre 2021 que la société pétitionnaire a " pris l'hypothèse d'une pluie centennale sur la station météorologique du cap de la Hève " et a " supposé que le sol a une capacité infiltration restreinte ", il résulte de ce qui a été dit précédemment que les informations qu'elle a fournies sur la gestion des eaux pluviales étaient lacunaires et ne permettaient pas de d'assurer de sa maîtrise des risques d'inondation sur le terrain d'assiette de son projet et sur les terrains limitrophes. Le moyen tiré de l'illégalité de ce motif doit donc être écarté comme non fondé.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Etretat est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 10 février 2022 portant refus du permis de construire sollicité par la société Terralia et lui a enjoint la délivrance dudit permis de construire.

Sur les frais liés au litige :

24. Partie perdante à l'instance, la SARL Terralia ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

25. Il y a lieu, en revanche, de condamner la SARL Terralia à verser à la commune d'Etretat la somme de 2 000 euros sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la SCI Helios et autres est admise en tant qu'elle vient au soutien des conclusions de la requête de la commune d'Etretat qui tendent au maintien de l'arrêté du maire du 10 février 2022. Elle est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2023 du maire d'Etretat.

Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement du 25 mai 2023 du tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 3 : La demande de la SARL Terralia est rejetée.

Article 4 : La SARL Terralia versera à la commune d'Etretat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la SARL Terralia présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Etretat, à la SARL Terralia et à la SCI Helios.

Délibéré après l'audience publique du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°23DA01481 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01481
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL EKIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23da01481 ?
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