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21/05/2024 | FRANCE | N°23DA01622

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 21 mai 2024, 23DA01622


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de neuf mois au visa de l

'article 2.2 de l'accord franco-gabonais sur la gestion des flux migratoires ou une carte d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de neuf mois au visa de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais sur la gestion des flux migratoires ou une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ".

Par un jugement n° 2209303 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Allene Ondo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour de neuf mois au visa de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais sur la gestion des flux migratoires ou une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil et sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une motivation insuffisante, tant en fait qu'en droit ainsi que d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais du 5 juillet 2007 ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'à la date de son édiction il doit être regardé comme titulaire de son diplôme d'ingénieur ;

- il pouvait prétendre à un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale, par voie d'exception de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2023, le préfet du Nord, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2024 à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992, publiée par le décret n° 2003-963 du 3 octobre 2003 ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement du 5 juillet 2007 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant gabonais né le 23 mai 1993, est entré en France le 16 octobre 2015 muni d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " étudiant " valable du 5 octobre 2015 au 15 octobre 2016. A compter de cette dernière date, il a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", l'autorisant à séjourner durant un an, et ensuite renouvelée jusqu'au 14 octobre 2021. Le 24 juin 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ". Par un arrêté du 12 septembre 2022, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision contestée vise les textes dont elle fait application et mentionne les motifs faisant obstacle à ce qu'un titre de séjour soit délivré à M. B..., notamment la circonstance que, ne pouvant justifier d'un diplôme équivalent au grade de master, il ne remplit pas la condition requise par l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ". Dès lors, le préfet a suffisamment motivé sa décision.

3. En second lieu, aux termes de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais du 5 juillet 2007, entré en vigueur le 1er septembre 2008 et complétant la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992 : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de neuf mois renouvelable une fois est délivrée au ressortissant gabonais qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à la licence professionnelle ou à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et, le cas échéant, à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération au moins égale à une fois et demie la rémunération mensuelle minimale en vigueur en France. A l'issue de la période de validité de l'autorisation provisoire de séjour, l'intéressé pourvu d'un emploi ou titulaire d'une promesse d'embauche, satisfaisant aux conditions ci-dessus, est autorisé à séjourner en France pour l'exercice de son activité professionnelle, sans que soit prise en considération la situation de l'emploi ". Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret, soit avoir été titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent-chercheur " délivrée sur le fondement de l'article L. 421-14 et avoir achevé ses travaux de recherche, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : / 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur ; / 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches ".

4. Ainsi qu'il a été dit au point 2 s'agissant des motifs du refus de délivrance du titre de séjour, le préfet du Nord s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, comme l'a relevé le tribunal, en prévoyant une durée d'autorisation provisoire de séjour de neuf mois au lieu de douze mois ainsi que son caractère renouvelable, l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais précité déroge à ces dispositions. S'agissant d'un point traité par cette convention, le préfet ne pouvait ainsi fonder sa décision de refus de titre de séjour sur les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ayant constaté que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais, le tribunal a décidé, par le jugement attaqué, de substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision contestée, motivée par l'absence d'obtention par le requérant d'un diplôme au moins équivalent au grade de master.

5. M. B..., qui ne conteste pas la substitution de base légale opérée par les premiers juges, soutient qu'il remplissait, à la date de l'arrêté contesté, soit le 12 septembre 2022, les conditions posées par les stipulations de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais. Toutefois, il est constant qu'inscrit en master mention " Spécialité Système d'Information et Génie Industriel " par la voie de l'apprentissage au titre de l'année universitaire 2021-2022 au sein de l'EPF Engineering School, M. B... n'avait pas encore obtenu son diplôme d'ingénieur à la date du refus de séjour, faute d'avoir obtenu le niveau B2 en anglais. S'il se prévaut de ce que, ayant déjà obtenu la validation de ce niveau B2 à la date de la décision contestée, il devait être regardé comme détenteur de son diplôme d'ingénieur, l'attestation établie le 20 septembre 2022 par le directeur général de l'EPF Engineering School se borne à mentionner qu'il a " validé à ce jour l'ensemble des conditions permettant la délivrance de son diplôme d'ingénieur " sans préciser la date d'obtention du niveau B2 en anglais. Au demeurant, ce document attestant de la validation des conditions permettant la délivrance du diplôme n'est pas de nature à contredire l'attestation établie le 30 septembre 2022 par le directeur général de l'établissement, dont il ressort que le jury, seul chargé de délivrer le diplôme sanctionnant l'accomplissement de l'ensemble du cycle d'apprentissage conduisant au titre d'ingénieur, a accordé ce diplôme au requérant par une décision du 28 septembre 2022, postérieurement à la décision de refus de séjour. Enfin, l'appelant ne saurait reprocher à l'administration préfectorale de ne pas lui avoir demandé de fournir son diplôme dès lors qu'il ressort d'un courriel daté du 13 octobre 2021, produit par l'intéressé lui-même, que les services préfectoraux l'avaient invité à leur communiquer ce document. Par suite, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. B... au motif qu'il ne justifiait pas être titulaire d'un diplôme équivalent au grade de master, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur de droit, ni davantage entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'appelant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour.

7. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5, que l'appelant ne remplissant pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet l'a obligé à quitter le territoire français.

8. En dernier lieu, en se bornant à réitérer le moyen tiré de ce que son éloignement vers le Gabon est subordonné à la délivrance d'un visa par les autorités de ce pays, M. B... n'établit pas que la décision en litige a des conséquences d'une particulière gravité sur sa situation personnelle.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Allene Ondo.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

Le président de la formation de jugement,

Signé : J-M. Guérin-Lebacq

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef, par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 23DA01622 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01622
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Guerin-Lebacq
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;23da01622 ?
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