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21/05/2024 | FRANCE | N°23DA01431

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 21 mai 2024, 23DA01431


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 février 2023 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans.



Par un jugement n° 2300484 du 9 mai 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 13 février 2023 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans.

Par un jugement n° 2300484 du 9 mai 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2023 et le 29 mars 2024, M. B..., représenté par Me Detrez-Cambrai, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2023 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil et sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté du 13 février 2023 a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée à la préfète de l'Oise qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2023 à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 18 mai 1988 qui déclare être entré en France à l'âge de onze ans, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 13 février 2023, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination en cas d'exécution de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant trois ans. M. B... relève appel du jugement du 9 mai 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a notamment été incarcéré du 3 août 2021 au 24 octobre 2022, a fait l'objet de multiples condamnations entre 2016 et 2022. Il a ainsi été condamné, le 23 juin 2016, à une peine de cent jours d'emprisonnement pour refus, par le conducteur d'un véhicule, de se soumettre aux vérifications tendant à établir l'état alcoolique en récidive, outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et menace de mort et d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes dépositaires de l'autorité publique en récidive. Il a ensuite fait l'objet de condamnations, par un jugement du 10 mai 2019, à une peine d'un mois d'emprisonnement pour délit de fuite après un accident par conducteur de véhicule terrestre puis, par un jugement du 28 décembre 2020, à une peine de six mois d'emprisonnement pour délit de fuite après un accident par véhicule terrestre en récidive et récidive de conduite sous l'empire d'un état alcoolique. En outre, par un jugement du 25 septembre 2020, M. B... a été condamné à quatre mois d'emprisonnement pour violence sur une personne étant ou ayant été conjoint puis, par deux arrêts correctionnels des 22 décembre 2021 et 14 janvier 2022, il a été condamné à six mois d'emprisonnement pour harcèlement de personne étant ou ayant été conjoint, suivi d'incapacité n'excédant pas huit jours, et pour dégradation des conditions de vie altérant la santé et menace de mort réitérée. Ces faits délictueux et répétés commis par l'intéressé, constitutifs notamment d'atteintes portées sur des personnes dépositaires de l'autorité publique et sur son ex-conjointe, présentent un caractère de gravité significatif et encore récent à la date de la décision contestée. Par suite, en dépit de ce que l'intéressé n'aurait plus adopté de comportements délictueux depuis la commission des faits pour lesquels il a été condamné en dernier lieu, et de ce qu'il pourrait se réinsérer professionnellement compte tenu de son certificat de formation générale en peinture et de son certificat de capacité en tant que salarié du bâtiment, la préfète de l'Oise a pu, sans entacher son arrêté d'illégalité, estimer que la présence en France de M. B... constituait une menace pour l'ordre public et lui refuser, en conséquence, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de 1'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré sur le territoire français en 2000 alors qu'il était encore mineur, est père de deux enfants françaises nées respectivement en 2014 et 2018 d'une première union avec une ressortissante française. S'il se prévaut de ce que le juge aux affaires familiales a rétabli, par un jugement du 15 mars 2022, un droit de visite auprès de ses deux enfants, il ressort du calendrier établi par le service espace rencontre de l'association France Victimes 60, que les visites organisées dans un lieu neutre et pour une durée n'excédant pas une heure à intervalle d'une semaine à quinze jours, n'ont été mises en place qu'à compter du 1er février 2023, soit moins de quinze jours avant la décision contestée. Par suite, l'attestation de l'association précitée selon laquelle M. B... a honoré ses premières visites, pas plus que les quelques photographies et tickets d'achats ponctuels ne suffisent à justifier de sa contribution durable, régulière et effective à l'éducation et à l'entretien de ses deux enfants. De même, s'il allègue vivre maritalement avec une ressortissante française rencontrée le 24 mai 2021, sa relation était encore récente et son union n'a été officialisée que le 4 octobre 2023, soit postérieurement à la décision contestée. Dans ces conditions, compte tenu notamment de la menace actuelle que représente pour l'ordre public la présence sur le territoire français de M. B..., condamné à de multiples reprises et en dernier lieu par un arrêt correctionnel du 14 janvier 2022, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elle poursuit. Dès lors, cette décision n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. D'autre part, si l'appelant se prévaut de l'intérêt supérieur de ses deux filles mineures, celles-ci vivent auprès de leur mère et il ressort de ce qui a été dit au point précédent qu'il ne démontre pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant doit être écarté.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Detrez-Cambrai.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

Le président de la formation de jugement,

Signé : J-M. Guérin-Lebacq

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef, par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 23DA01431 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01431
Date de la décision : 21/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Guerin-Lebacq
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : FAKIH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-21;23da01431 ?
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