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07/05/2024 | FRANCE | N°24DA00152

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 07 mai 2024, 24DA00152


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :



- d'annuler la décision par laquelle le maire de Hermes a implicitement rejeté sa demande du 23 février 2021 tendant au raccordement au réseau public de distribution d'électricité des parcelles cadastrées section A n°s 62 et 63 dont il est propriétaire sur le territoire de la commune, ainsi que la décision expresse du 25 juin 2021 rejetant son recours gracieux ;

- d'enjoindre, s

ous astreinte, au maire de Hermes, de ne plus s'opposer à sa demande de raccordement, de procéder à son...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

- d'annuler la décision par laquelle le maire de Hermes a implicitement rejeté sa demande du 23 février 2021 tendant au raccordement au réseau public de distribution d'électricité des parcelles cadastrées section A n°s 62 et 63 dont il est propriétaire sur le territoire de la commune, ainsi que la décision expresse du 25 juin 2021 rejetant son recours gracieux ;

- d'enjoindre, sous astreinte, au maire de Hermes, de ne plus s'opposer à sa demande de raccordement, de procéder à son réexamen et de délivrer un avis favorable de raccordement auprès du concessionnaire du réseau électrique.

Par un jugement n° 2102924 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions attaquées et enjoint à la commune de Hermes de procéder au réexamen de la demande de raccordement au réseau public de distribution d'électricité de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 janvier 2024 et des mémoires enregistrés le 1er février 2024 et le 16 avril 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Hermes, représentée par la SCP Jean-François Leprêtre, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 14 novembre 2023.

Elle soutient que :

- sa décision du 5 janvier 2021 est motivée en fait et en droit, conformément aux dispositions de l'article L.211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le refus est justifié, au titre de l'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales, par la préservation de la sécurité publique en raison de l'inconstructibilité des parcelles situées en zone rouge du PPRi ;

- il est légalement fondé sur les dispositions de l'article L.111-12 du code de l'urbanisme dans la mesure où aucune construction n'a été régulièrement autorisée sur les parcelles ;

- le refus est justifié par le caractère agricole des parcelles qui ne peuvent recevoir que des constructions et installations à caractère agricole, alors que M. A... n'est pas exploitant agricole et ne justifie pas de la vocation agricole de l'activité qu'il envisage ;

- le refus est justifié par l'inconstructibilité des parcelles tenant à leur situation dans une ZNIEFF de type 1 et à leur proximité de l'entrée de l'agglomération, d'un sentier naturel et d'un site Natura 2000 ;

- le refus est justifié dans la mesure où l'intéressé ne précise pas l'activité envisagée et ne demande pas un raccordement provisoire ;

- sa demande revêt un caractère frauduleux dans la mesure où il appartient à la communauté des gens du voyage et envisage de raccorder au réseau électrique une caravane et/ou une habitation légère de loisirs non autorisées par le règlement du PLU applicable à la zone agricole ;

- le maire peut valablement s'opposer au raccordement définitif au réseau de distribution d'électricité de caravanes mobiles stationnant irrégulièrement soit au regard des articles R.443-1 et suivants du code de l'urbanisme, soit au regard du zonage agricole des parcelles ;

- le refus est justifié par le caractère insuffisant de la demande de M. A... non assortie de l'étude de la société Enedis établissant la faisabilité du raccordement des parcelles concernées ;

- le refus est justifié par l'éloignement de la parcelle et la nécessité de travaux publics ;

- ses moyens d'appel paraissent manifestement sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet de la demande de M. A....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 mars et 8 avril 2024, M. B... A..., représenté par Me Marion Bensadoun, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la commune de Hermes et à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à M. A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions du maire portant refus de raccordement sont insuffisamment motivées ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme dès lors qu'aucune construction irrégulière n'a été édifiée sur les parcelles qui sont des terrains nus ;

- aucun motif ne justifie le refus de raccordement ;

- il sollicite le raccordement électrique pour électrifier les clôtures et le portail de son terrain et construire un poulailler.

M. B... A... a été admis au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 7 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'énergie ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est propriétaire de deux parcelles cadastrées section A n°s 62 et 63 situées sur le territoire de la commune de Hermes et classées en zone agricole du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune approuvé le 30 octobre 2019. Par un courrier du 23 février 2021, il a demandé au maire de procéder au raccordement de ses deux parcelles au réseau public de distribution d'électricité " pour une activité [ne] nécessitant pas une construction ". Sa demande étant restée vaine, il a formé un recours gracieux qui a été rejeté par une décision expresse du 25 juin 2021. Par un jugement n° 2102924 du 14 novembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision implicite de refus confirmée sur recours gracieux et enjoint au maire de Hermes de procéder au réexamen de la demande de raccordement au réseau public de distribution d'électricité de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. La commune de Hermes interjette appel de ce jugement et demande à la cour d'en prononcer également le sursis à exécution.

Sur la demande de sursis à exécution :

2. Aux termes de l'article R.811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".

3. En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.

4. Pour refuser le raccordement électrique des deux parcelles de M. A..., le maire de Hermes a fait valoir dans sa décision du 25 juin 2021 leur situation en zone agricole du PLU de la commune, dans une zone à dominante humide, dans un grand espace naturel sensible et en zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1. Il a également rappelé la liste limitative de constructions autorisées par le règlement du PLU sur les terrains situés en zone agricole et les dispositions de l'article L.111-12 du code de l'urbanisme qui, si elles ne concernent pas les branchements provisoires pour des installations provisoires, permet au maire de s'opposer au branchement définitif aux réseaux d'une construction ou d'une caravane installée en méconnaissance des règles d'urbanisme. Il a enfin relevé que le pétitionnaire ne justifiait ni d'une utilisation agricole du terrain ni d'une installation provisoire licite sur les parcelles.

5. Pour annuler, à la demande de M. A..., la décision du 25 juin 2021 ainsi que la décision implicite de refus initiale, le tribunal administratif a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme et écarté la demande de substitution de motif formée par la commune et tenant au caractère frauduleux de la demande de M. A....

6. Aux termes de l'article L.111-12 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions. ".

7. Si la commune de Hermes soutient que c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme et écarté sa demande de substitution de motif tenant au caractère frauduleux de la demande de M. A..., elle ne fait pas état de circonstances nouvelles qui remettraient en cause l'annulation prononcée par le tribunal.

8. En outre, si la commune demande que d'autres motifs soient substitués à celui annulé par le tribunal, elle n'établit pas, premièrement, que les parcelles seraient situées dans une zone d'aléa modéré à fort du plan de prévention des risques d'inondation justifiant le refus de raccordement en application de l'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales, deuxièmement, que M. A... envisagerait d'y stationner irrégulièrement des caravanes, alors que l'intéressé fait valoir en appel avoir besoin des raccordements sollicités pour l'électrification des clôtures et du portail de son terrain et l'installation d'un poulailler, troisièmement, que l'autorisation de raccordement est subordonnée à la production préalable, en l'occurrence manquante, d'une étude de faisabilité de la part du gestionnaire de réseau, quatrièmement, que le raccordement serait rendu compliqué par l'éloignement de la parcelle et nécessiterait la réalisation de travaux publics de la part des services communaux. Enfin, la commune ne peut utilement faire état de l'infraction que constituerait, en méconnaissance de l'article L.480-4 du code de l'urbanisme, le stationnement irrégulier de caravanes sur les parcelles de M. A..., alors que cette situation ne s'étant pas produite ne peut servir de base aux décisions attaquées.

9. Il suit de là que les motifs invoqués par la commune ne paraissent pas sérieux et ne sont pas de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, l'annulation des décisions administratives en litige. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n°2102924 du tribunal administratif d'Amiens du 14 novembre 2023.

Sur les frais liés au litige :

10. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bensadoun de la somme de 1 000 euros, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Hermes est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Marion Bensadoun une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Hermes et à Me Marion Bensadoun.

Délibéré après l'audience publique du 18 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°24DA00152 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00152
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BENSADOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;24da00152 ?
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