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07/05/2024 | FRANCE | N°24DA00151

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 07 mai 2024, 24DA00151


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2303344 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.





Pro

cédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Antoine...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2303344 du 28 décembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- elle a présenté des documents d'identité dont l'authenticité n'a pas été valablement remise en cause ; la décision portant refus de titre est donc entachée d'erreur de droit ;

- la décision portant refus de séjour méconnait l'autorité de la chose jugée et est constitutive d'un détournement de pouvoir ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte atteinte à sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2024, le préfet de la Somme conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 29 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mars 2024 à 12 heures.

Par une décision du 4 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Douai, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les observations de Me Basili, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement du 28 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté du 19 septembre 2023 :

2. L'arrêté en litige vise les textes dont il fait application et notamment l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il comporte également les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, le préfet qui n'était tenu reprendre que les éléments de fait justifiant sa décision et non l'ensemble de la situation de Mme A..., fait état de ce que l'intéressée n'a pas été en mesure de produire de documents établissant son identité et ne démontre pas détenir " des attaches solides en France ". Dans ces conditions, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'arrêté du 19 septembre 2023 ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'autorité de la chose jugée et le détournement de procédure :

3. Par un jugement du 25 mai 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 9 février 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé à Mme A..., ressortissante guinéenne, un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. Le préfet de la Somme a fait appel de ce jugement qui n'était donc pas définitif et par un arrêt n° 23DA01108 du même jour que le présent arrêt, la cour a annulé ce jugement. Mme A... ne saurait donc se prévaloir de l'autorité de chose jugée s'attachant aux motifs du jugement d'annulation du 25 mai 2023. De même, le détournement de procédure allégué n'est pas établi dans la mesure où, parallèlement au réexamen enjoint par le tribunal, le préfet a fait appel du jugement du 25 mai 2023.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L.423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

4. D'une part, aux termes de cet article : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. /Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française.".

5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil. " et aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. "

7. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

8. Mme A... a été confiée à l'aide sociale à l'enfance le 15 janvier 2019. Il ressort du fichier Visabio que les empreintes de Mme A... ont été enregistrées à l'appui d'une demande de visa présentée le 8 mai 2018 auprès des autorités consulaires portugaises au Sénégal. A l'appui de cette demande, était produit un passeport guinéen au nom de Mme B... A... faisant état de sa naissance le 7 septembre 1999. Ces données du fichier Visabio sont présumées exactes dès lors que Mme A... ne produit notamment pas le document de voyage au vu duquel l'autorité consulaire a renseigné cette base de données. Elles permettent donc de renverser la présomption d'authenticité des actes d'état-civil étrangers produits à l'appui de la demande de titre de Mme A.... Au surplus, l'extrait d'acte de naissance du 12 octobre 2021 comme le jugement supplétif du 17 septembre 2021 produits par Mme A... qui font état de sa naissance le 7 septembre 2004, comportent des omissions par rapport aux dispositions du code civil guinéen, comme le soutient le préfet sans être contredit sur ce point. La copie intégrale d'acte de naissance délivré le 25 septembre 2023, au cours de la première instance, comporte une faute d'orthographe et ne permet donc pas de présumer de son caractère authentique. Enfin, si Mme A... produit en appel un nouvel extrait d'acte de naissance délivré le 12 octobre 2021, ce document qui constitue une transcription du jugement supplétif ne permet pas d'établir l'authenticité de ce jugement, ni de démontrer l'inexactitude des données enregistrées dans le fichier Visabio. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le préfet a pu remettre en cause l'authenticité des pièces produites par Mme A.... Dans ces conditions, celle-ci ne peut donc pas justifier avoir fait sa demande de titre dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire et avoir été confiée à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans. Mme A... n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet de la Somme a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'atteinte à la vie privée et familiale :

9. Mme A... est entrée en France en janvier 2019 selon ses déclarations. Si elle a obtenu son baccalauréat technologique en juin 2023 avec la mention assez bien et est inscrite en école d'infirmières pour l'année 2023-2024, elle ne produit aucun autre élément témoignant de l'intensité de son insertion sociale en France. Par ailleurs, l'intéressée ne démontre pas qu'elle serait isolée dans son pays, les actes d'état-civil guinéens produits l'ayant été sur demande de sa mère auprès des autorités de ce pays. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée, le préfet de la Somme n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 décembre 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2023. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Antoine Tourbier.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 18 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°24DA00151 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00151
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;24da00151 ?
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