La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2024 | FRANCE | N°23DA00152

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 02 mai 2024, 23DA00152


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Rouen, par deux demandes distinctes, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2016, 2017 et 2018.



Par un jugement nos 2101077, 2101079 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint les deux instances, a rejeté ces demandes.





Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Rouen, par deux demandes distinctes, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2016, 2017 et 2018.

Par un jugement nos 2101077, 2101079 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint les deux instances, a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 janvier 2023 et 5 avril 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Yonan-Mercadier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige ainsi que des majorations correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration n'est pas fondée à remettre en cause le caractère déductible des pensions alimentaires versées au père de M. A... dès lors qu'ils justifient de son état de besoin ;

- les sommes versées par la société MDI Technologies, qualifiées de revenus distribués au sens c. de l'article 111 du code général des impôts par l'administration fiscale, constituaient des remboursements de frais professionnels ;

- le virement du 23 novembre 2017 d'un montant de 61 350 euros sur leur compte bancaire résultait d'un prêt de la société qui a été remboursé le 27 novembre suivant ;

- les majorations mises à leur charge ne sont pas fondées en l'absence de manquement délibéré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2023, et un mémoire non-communiqué, enregistré le 9 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. A la suite d'un examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme A... portant sur les années 2016 à 2018, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 27 novembre 2019, d'une part, a remis en cause le caractère déductible de la pension alimentaire que les contribuables ont déclaré verser au père de M. A... au titre des années contrôlées, et, d'autre part, a estimé que M. A... avait perçu des revenus distribués au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts de la part de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) MDI Technologies, dont M. A... était le gérant et l'unique associé, pour un montant de 116 169 euros en 2017 et de 110 757 euros en 2018. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'un montant, en droits et pénalités, de 2 313 euros au titre de l'année 2016, de 102 282 euros au titre de l'année 2017 et de 45 812 euros au titre de l'année 2018 ont été mises en recouvrement les 30 juin et 30 septembre 2020. Leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme A... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen par deux demandes distinctes. Par un jugement du 22 novembre 2022 dont les contribuables relèvent appel, le tribunal administratif de Rouen, après avoir joint les deux demandes, les a rejetées.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les déductions opérées sur le fondement du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts :

2. En vertu des dispositions du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, peuvent, notamment, être déduites du revenu net annuel, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, les " pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 (...) du code civil ". Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent les aliments à leur père et mère et autres ascendants qui sont dans le besoin ". Enfin, l'article 208 du même code dispose que " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et de la fortune de celui qui les doit ".

3. Il résulte de ces dispositions que si les contribuables sont autorisés à déduire du montant total de leurs revenus, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, les versements qu'ils font à leurs ascendants privés de ressources, il incombe au contribuable qui a pratiqué ou demandé à pratiquer une telle déduction d'apporter la preuve de l'importance des aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes de ses ascendants. En outre, il y a lieu, pour apprécier l'état de besoin de ces derniers, de prendre en compte non seulement leurs ressources et le niveau des charges courantes auxquelles ils doivent faire face, mais aussi le patrimoine dont ils disposent. Il convient aussi de tenir compte des conditions de vie des intéressés, liées notamment à leur âge, à leur situation familiale et à leur état de santé.

4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A... ont procédé, dans leurs déclarations de revenus au titre des années 2016 et 2017, à des déductions d'un montant de 6 900 euros et de 5 160 euros sur le fondement du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts en raison de versements effectués au bénéfice du père de M. A.... Si les contribuables soutiennent que ces sommes sont proportionnées à leurs propres revenus et que père de M. A... dispose de faibles ressources, ils n'établissent pas, par la seule production d'un extrait d'un compte bancaire détenu par le père de M. A... du mois de décembre 2020, et donc postérieur aux années vérifiées, l'état de besoin de ce dernier au cours des années en litige. C'est dès lors à bon droit que l'administration, en l'absence d'éléments permettant d'établir la nature de pension alimentaire de ces versements au sens des dispositions citées précédemment du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, a remis en cause la déduction, des revenus imposables de M. et Mme A..., des sommes versées au père du contribuable.

En ce qui concerne les revenus distribués au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts :

5. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. /(...) ". Il résulte de l'instruction que M. et Mme A... se sont abstenus de répondre à la proposition de rectification du 27 novembre 2019 dans le délai de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales. Par suite, les requérants supportent, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions en litige.

6. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : /(...)/ c. Les rémunérations et avantages occultes ; /(...)/ ". Aux termes de l'article 81 du même code : " Sont affranchis de l'impôt : 1° Les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet (...) ". Il appartient aux contribuables qui entendent bénéficier de ces dispositions à raison de sommes que leur a versées leur employeur de justifier que ces sommes ont couvert des frais qu'ils ont réellement exposés, ainsi que l'exigeaient leurs fonctions au sein de l'entreprise, dans l'intérêt de cette dernière.

7. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des opérations de contrôle, l'administration fiscale a constaté que la SASU MDI Technologies avait versé sur les comptes bancaires de M. et Mme A..., les sommes totales de 173 419 euros en 2017 et de 164 994 euros en 2018 alors que M. A... avait déclaré comme revenus versés par cette société les sommes de 57 250 euros en 2017 et de 54 237 euros en 2018. En l'absence de justification des contribuables quant à la nature professionnelle de ces versements, l'administration fiscale a estimé que les sommes de 116 169 euros pour l'année 2017 et de 110 757 euros pour l'année 2018, constituaient des revenus et avantages occultes au sens du c. de l'article 111 du code général des impôts dont avait bénéficiés M. A....

8. En premier lieu, les contribuables contestent cette qualification et soutiennent que les versements réalisés par la SASU MDI Technologies constituent des remboursements de frais professionnels. Toutefois, outre le fait que certaines des pièces produites par M. et Mme A... ne sont pas rédigées en langue française, que d'autres ne correspondent pas à des dépenses en euros, que beaucoup d'entre elles ne mentionnent pas M. A... comme auteur des règlements, et que d'autres ne présentent à l'évidence pas un caractère professionnel, aucune explication n'est apportée pour justifier que ces dépenses, principalement engagées à l'étranger et en particulier au Sénégal, l'ont été dans l'intérêt de la société MDI Technologies, alors, au demeurant qu'ainsi que le fait valoir l'administration, aucun un lien n'est établi entre les sommes mentionnées dans ces pièces et les virements opérés sur les comptes bancaires des contribuables.

9. M. et Mme A... produisent pour la première fois devant la cour des ordres de mission établis par la société MDI Technologies au bénéfice de M. A..., datés des 18 avril 2015, 3 janvier 2016, 11 janvier 2017 et 11 février 2018, ayant tous comme objet " Projet BJA Renault Clo 4 installation et mise en service de 5 ilots robotisés Kuka " et prévoyant une " indemnité de mission sur base forfaitaire sans justificatif " à hauteur de 15 euros par jour et par repas, de 980 euros mensuel pour le transport, de 154 euros par jour calendaire pour l'hébergement et de 1 350 euros par mois pour la location de voiture. A ce titre, les contribuables soutiennent que, sur le montant total des sommes versées par la société MDI Technologies, les sommes de 64 731 euros en 2017 et de 48 664 euros en 2018 l'ont été au titre de ces indemnités de mission. Toutefois, outre le fait que M. et Mme A... ne se sont prévalus de ces documents à aucun moment de la procédure de contrôle, , aucun lien n'est établi avec les versements effectués sur le compte bancaire de M. A..., lesquels ne comportent aucune précision quant à leur objet. Au demeurant, les contribuables ne justifient pas davantage que, quand bien même ces indemnités auraient été versées sur une base forfaitaire et sans justificatif, elles auraient été utilisées conformément à leur objet et dans l'intérêt de la société MDI Technologies. Par suite, les requérants n'établissent pas que les sommes alléguées de 64 731 euros et de 48 664 euros seraient affranchies d'impôt en application de l'article 81 du code général des impôts.

10. En second lieu, si M. et Mme A... soutiennent que la somme de 61 350 euros versée sur leur compte bancaire le 23 novembre 2017 par la société MDI Technologies résulte d'un prêt consenti par cette dernière lequel a été remboursé le 27 novembre suivant, d'une part, aucune convention ou contrat de prêt n'est produit, et, d'autre part, l'opération au débit du compte bancaire des contribuables réalisée le 27 novembre 2017 d'un montant de 63 000 euros résulte de l'émission d'un chèque bancaire dont ni l'objet, ni le bénéficiaire ne sont établis.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... n'apportent pas la preuve qui leur incombe et du caractère exagéré des impositions supplémentaires mises à leur charge en conséquence des rectifications opérées sur ce point.

Sur les pénalités :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

13. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rehaussements notifiés à M. et Mme A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et se rapportant aux revenus réputés distribués au titre des années 2017 et 2018, l'administration fait valoir que les sommes versées, en 2017 et en 2018, par la SASU MDI Technologies, dont M. A... était le dirigeant et l'unique associé, qualifiées de revenus distribués, représentaient plus du double des revenus déclarés par M. A... pour chacune des deux années en cause. Ce faisant, eu égard à l'importance des sommes en cause et au caractère répété des agissements de M. A..., l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt, justifiant l'application de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.

14. En second lieu, aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue. /(...)/ ".

15. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a appliqué la majoration de 10 % prévue au I. de l'article 1748 A du code général des impôts aux rectifications résultant de la remise en cause du caractère déductible des pensions alimentaires au père de M. A... déclarées par les contribuables. A ce titre, M. et Mme A... se prévalent de l'absence de caractère délibéré de l'erreur déclarative commise. Toutefois, le prononcé de la majoration de 10 % prévue, en cas d'omission ou d'inexactitude déclarative, par les dispositions du I de l'article 1758 A du code général des impôts, n'est pas subordonné à la démonstration, par l'administration, d'une intention délibérée d'éluder l'impôt ou de la mauvaise foi du contribuable. Le moyen doit dès lors, et en tout état de cause, être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2016, 2017 et 2018. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 11 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Bertrand Baillard, premier-conseiller,

- M. D... B..., premier-conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de la formation

de jugement,

Signé : F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef

Et par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

2

N°23DA00152

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00152
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Pin
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : YONAN-MERCADIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;23da00152 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award