La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°23DA00310

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 11 avril 2024, 23DA00310


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Greenfluid a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prescrire la restitution, à concurrence de la somme de 40 296 euros, d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'exercice clos en 2019.



Par un jugement n° 2103619 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistré le 20 février

2023, la SAS Greenfluid, représentée par la SELARL Franck Demailly, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Greenfluid a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prescrire la restitution, à concurrence de la somme de 40 296 euros, d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'exercice clos en 2019.

Par un jugement n° 2103619 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 20 février 2023, la SAS Greenfluid, représentée par la SELARL Franck Demailly, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prescrire la restitution demandée, le cas échéant, après avoir décidé, avant dire-droit, une expertise ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- eu égard aux compétences qu'il a acquises, en raison de sa grande expérience, dans le domaine des lubrifiants spéciaux, son directeur général, qui a pris une part active dans la direction des travaux de recherche ayant fait l'objet de la demande de crédit d'impôt recherche qu'elle a formée, a été regardé à tort comme insuffisamment qualifié pour mener ces travaux ; le paragraphe n° 70 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 conforte son analyse sur ce point ;

- elle justifie que les autres personnels ayant participé directement à ces travaux de recherche satisfont à la condition de qualification requise pour permettre de les regarder comme des techniciens de recherche éligibles ;

- l'ensemble des quatre opérations de recherche sur lesquelles portait sa demande de crédit d'impôt et qu'elle a conduites en partenariat avec la société GEF Industrie, autre entité du groupe auquel elle appartient, ce dont il n'a pas été tenu compte, était éligible à cet avantage ;

- si la cour ne s'estimait pas suffisamment informée sur l'éligibilité des travaux en cause au crédit d'impôt recherche, il lui appartiendrait de décider, avant dire-droit, une expertise aux fins de l'éclairer sur cette éligibilité, en tenant compte de l'accomplissement conjoint de ces travaux avec la société GEF Industrie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il résulte notamment de l'avis émis par la direction régionale académique à la recherche et à l'innovation (DRARI) qu'aucun des quatre projets présentés par la SAS Greenfluid au titre de l'année 2019 n'était éligible au crédit d'impôt recherche ;

- quand bien même la cour regarderait tout ou partie de ces projets comme éligibles à cet avantage, l'ensemble des dépenses de personnel associées à ceux-ci ne pourrait être pris en compte, comme se rapportant à des heures de travail accomplies par des salariés n'ayant pas la qualification attendue de personnels de recherche ; la SAS Greenfluid n'est pas fondée à se prévaloir, à cet égard, des énonciations du paragraphe n° 70 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 ;

- dès lors notamment que les dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts ne prévoient pas l'éligibilité au crédit d'impôt recherche de travaux réalisés de manière conjointe par deux entreprises, l'expertise demandée par la SAS Greenfluid ne serait pas utile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Greenfluid, qui a été créée en 2013 et dont le siège est situé à Villers-Bretonneux (Somme), est spécialisée dans le développement et la commercialisation de solvants, dégraissants, lubrifiants, aérosols et produits d'usinage, de même que de protection antirouille pour les industriels des secteurs pétroliers, agro-alimentaires ou mécaniques. A raison des actions mises en œuvre par elle en matière de recherche et développement, cette société s'est prévalue, au titre de l'année 2019, d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 42 337 euros, dont elle a demandé, par voie de réclamation, la restitution anticipée à concurrence d'une somme de 40 296 euros, le reliquat de 2 041 euros ayant été imputé sur sa cotisation de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos le 30 juin 2020.

2. Avant de se prononcer sur cette réclamation, l'administration a consulté, pour ce qui concerne l'éligibilité technique des quatre projets de recherche concernés, la direction régionale académique à la recherche et à l'innovation (DRARI), qui a estimé que ces projets n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt recherche et que certains des personnels qui y étaient associés n'étaient pas qualifiés pour mener des travaux de recherche. En se fondant notamment sur cet avis technique, l'administration a, par une décision du 1er septembre 2021, rejeté la réclamation de la SAS Greenfluid. Cette dernière a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prescrire la restitution, à concurrence de la somme de 40 296 euros, du crédit d'impôt recherche revendiqué par elle au titre au titre de l'exercice clos en 2019. La SAS Greenfluid relève appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur le droit au bénéfice du crédit d'impôt sollicité :

3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en 2019 : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 septdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / ' II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou d'installations pilotes. (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) / c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements mentionnées au a et de 50 % des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b (...)'/ j) Les dépenses de veille technologique exposées lors de la réalisation d'opérations de recherche, dans la limite de 60 000 € par an. / (...) / VI. - Un décret fixe les conditions d'application du présent article. Il en adapte les dispositions aux cas d'exercices de durée inégale ou ne coïncidant pas avec l'année civile. ".

4. Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code, dans sa rédaction applicable : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. ".

5. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

En ce qui concerne l'éligibilité des projets de recherche en cause :

6. Il résulte de l'instruction que, suivant les conclusions que lui avait transmises l'expert de la DRARI, l'administration a estimé qu'aucune des quatre opérations de recherche invoquées par la SAS Greenfluid pour justifier le crédit d'impôt recherche dont elle se prévaut au titre de son exercice clos en 2019 n'était éligible à ce crédit, que la société ne justifiait pas de dépenses d'amortissement de matériels appropriés aux travaux de recherche mis en œuvre par elle et qu'elle n'établissait pas avoir mis en œuvre une veille technologique distincte des opérations invoquées.

S'agissant de l'opération de recherche n° 1 :

7. Dans le dossier de demande de crédit d'impôt recherche qu'elle a soumis à l'appréciation du service, la SAS Greenfluid a présenté à l'éligibilité de cet avantage fiscal une opération n° 1 consistant à identifier des substances susceptibles d'être substituées à un composé cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR) entrant dans la composition de certains des produits commercialisés par elle et à résoudre, par l'expérimentation, les difficultés techniques liées à cette substitution. L'administration, au vu notamment de l'avis défavorable émis par l'expert de la DRARI, dont la société appelante ne critique pas utilement la pertinence en faisant observer que cet expert exerce des fonctions d'enseignant chercheur dans les domaines des nanosciences et de l'électronique organique, a estimé que cette opération n'était pas éligible au crédit d'impôt recherche, aux motifs que les deux personnes ayant pris part à celle-ci ne pouvaient être regardées comme justifiant de qualifications permettant de les assimiler à des ingénieurs de recherche, qu'il n'existait pas d'adéquation entre le temps de travail déclaré pour ces salariés et les actions menées pour les besoins de cette opération, enfin, que cette dernière ne consistait pas en une démarche de recherche.

8. Il résulte de l'instruction, notamment du dossier de demande présenté par la SAS Greenfluid et du rapport établi par l'expert de la DRARI, que bien qu'ayant dressé un état suffisamment complet des connaissances scientifiques relatives à la problématique de la substitution des substances CMR et, en particulier, de l'additif anti-usure et anti-corrosion en cause, la société n'est pas parvenue à dégager des publications étudiées un retour d'expérience se rapportant à un essai de substitution de ce composé par une autre substance. Les salariés ayant pris part à cette opération ont, dans ces conditions, identifié, en faisant appel à leurs connaissances, des substances disponibles sur le marché et qui leur apparaissaient comporter des propriétés voisines du composé à substituer, mais sans disposer de donnée quant à leur bonne incorporation dans les six produits concernés, ni quant à l'absence d'altération notable des propriétés de ceux-ci. Ces salariés ont ainsi sélectionné trois substances possibles et ont établi, en y incorporant celles-ci, de nouvelles formulations des produits concernés, avant de les envoyer pour essai à des clients, ce qui a permis d'aboutir à la définition, pour chacun, en tenant compte des coûts induits, d'une formulation utilisable, mais propre aux produits commercialisés par la SAS Greenfluid. Cette opération a ainsi essentiellement consisté en un travail de laborantin, après exploitation, par les salariés qui y ont pris part, des connaissances acquises par eux sur le marché des lubrifiants et de leurs composés. Elle a, en outre, été menée de manière empirique, en ayant recours à des essais successifs, dont certains n'ont d'ailleurs pas été réalisés par la SAS Greenfluid elle-même. Dès lors, quand bien même l'administration aurait invoqué à tort l'absence d'adéquation entre le temps de travail déclaré pour cette opération et les actions menées, ainsi que l'insuffisante qualification des personnels qui y ont pris part, elle a retenu à juste titre que cette opération ne s'inscrivait pas dans une réelle démarche de recherche, consistant à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance et, par suite, qu'elle n'était pas éligible au crédit d'impôt recherche.

S'agissant de l'opération de recherche n° 2 :

9. La SAS Greenfluid a présenté, dans son dossier de demande de crédit d'impôt recherche, une opération n° 2, consistant en la création, par l'expérimentation, d'une base technique de connaissances des solubles destinée à compléter les fiches techniques et de sécurité établies par les fournisseurs, afin de pouvoir disposer d'un référentiel propre plus exhaustif, plus pertinent et à même de mieux la guider dans ses choix de tel ou tel réactif en fonction des usages projetés par ses clients. L'administration, au vu notamment de l'avis défavorable émis par l'expert de la DRARI, a estimé que cette opération n'était pas éligible au crédit d'impôt recherche, au motif qu'elle n'avait généré aucune nouveauté, innovation ou nouveau développement et que ses résultats n'avaient fait l'objet d'aucune dissémination à l'attention de la communauté scientifique.

10. Il résulte de l'instruction, notamment du dossier de demande présenté par la SAS Greenfluid et du rapport établi par l'expert de la DRARI, que, bien qu'étant parvenue, en mobilisant six salariés pour ce faire, à établir un référentiel plus proche de ses besoins, la société n'a, ce faisant, ouvert aucun verrou technologique, mais a simplement formalisé les constats tirés de l'expérience acquise par les salariés de la SAS Greenfluid et par les clients de celle-ci, par nature de matériaux usinés et d'opération, en tenant compte de données communiquées par les fournisseurs, ainsi que de paramètres extérieurs identifiés et en les validant, le cas échéant, grâce à un test Reichert. La SAS Greenfluid n'a, en outre, pas publié ce référentiel, alors que celui-ci est susceptible d'être utile à la communauté scientifique. Dès lors, c'est à juste titre que l'administration a retenu que cette opération n'avait généré aucune innovation réelle, ni aucun nouveau développement, qu'elle n'avait pas donné lieu à une publication à destination de la communauté scientifique et qu'elle n'était, par suite, pas éligible au crédit d'impôt recherche.

S'agissant de l'opération de recherche n° 3 :

11. Le dossier de demande de crédit d'impôt recherche présenté par la SAS Greenfluid comportait aussi une opération n° 3 consistant en une expérimentation de nouvelles formulations visant à atteindre des viscosités théoriquement incertaines. Cette opération a été suscitée par des clients de la SAS Greenfluid qui, disposant de solutions additivées de lubrification déjà existantes, avaient manifesté le besoin d'une évolution de leurs viscosités en vue d'une application particulière. L'administration, au vu notamment de l'avis défavorable émis par l'expert de la DRARI, a estimé que cette opération n'était pas éligible au crédit d'impôt recherche, aux motifs que les actions conduites dans ce cadre procédaient d'une démarche de type essai-erreur à partir de cas concrets soumis par des clients et non d'un procédé prédictible de viscosité reposant sur une modélisation, que les intervenants mobilisés pour cette opération ne justifiaient pas des compétences requises pour conduire un programme de recherche dans ce domaine particulièrement pointu, qu'il existait une inadéquation entre les actions mises en œuvre et les volumes horaires associés et que le rôle joué par la SAS Greenfluid dans cette opération ne répondait pas aux critères d'éligibilité requis.

12. Il résulte de l'instruction, notamment du dossier de demande présenté par la SAS Greenfluid et du rapport établi par l'expert de la DRARI, qu'après avoir dressé un bon état de l'art en ce qui concerne les calculs de viscosité et avoir bien défini les verrous scientifiques à lever, les trois salariés ayant pris part à cette opération sont parvenus, en ayant recours à des expérimentations itératives, à obtenir, dans chacun des cas précis soumis par les clients, des viscosités spécifiques par mélange de fluides présentant des propriétés de viscosité différentes, mais que ces essais n'ont pas conduit à la mise au point, à l'issue d'une démarche scientifique, qui aurait rendu nécessaire l'engagement, pour des quotités horaires plus importantes, de personnels disposant d'un niveau de qualification supérieur et de moyens techniques supplémentaires, d'un procédé prédictible de viscosité. Dans ces conditions, quand bien même l'administration aurait invoqué à tort l'absence d'adéquation entre le temps de travail déclaré pour cette opération et les actions menées, ainsi que l'insuffisante qualification des personnels qui y ont pris part au regard de l'étendue de la question soujacente, elle a retenu à juste titre que cette opération, qui ne procédait pas de la mise en œuvre de la démarche de recherche qu'aurait appelée la problématique posée, mais d'une approche essentiellement expérimentale limitée à trois cas concrets, n'était pas éligible au crédit d'impôt recherche.

S'agissant de l'opération de recherche n° 4 :

13. Enfin, dans le dossier de demande de crédit d'impôt recherche qu'elle a présenté au titre de l'exercice clos en 2019, la SAS Greenfluid a exposé avoir mis en œuvre une opération n° 4 concernant la recherche et le développement d'une formulation de lubrifiant semi-synthétique sans chlore, sans bore et sans soufre pour l'usinage et la rectification de tous métaux permettant de résoudre les aléas liés au moussage, d'obtenir une stabilité de PH et d'éviter l'apparition de taches sur l'aluminium aéronautique. L'administration, après avoir estimé, au vu notamment de l'avis défavorable émis par l'expert de la DRARI, qu'une telle étude nécessitait des compétences en spectroscopie et en chimie analytique que ne possédaient pas les personnels employés par la SAS Greenfluid, ainsi que l'engagement d'une collaboration avec une entité spécialisée dans ce type d'analyses, ce qui n'a pas été le cas, a retenu que les actions effectivement mises en œuvre pas la SAS Greenfluid dans le cadre de cette opération avaient seulement consisté à répertorier les difficultés rencontrées et à définir la problématique posée, ce qui ne pouvait pas être considéré comme une opération de recherche éligible au crédit d'impôt recherche.

14. Il résulte de l'instruction, notamment du dossier de demande présenté par la SAS Greenfluid et du rapport établi par l'expert de la DRARI, que la SAS Greenfluid a proposé au cours de l'année 2019, à ses clients, industriels se livrant à l'usinage et à la rectification de métaux tels que les fontes, les aciers, les aluminiums aéronautiques, les métaux cuivreux, l'Inconel ou encore le titane, un nouveau produit lubrifiant semi-synthétique sans chlore, sans bore et sans soufre. Si les performances de ce nouveau produit ont été soulignées, les clients de la SAS Greenfluid lui ont rapporté avoir été confrontés, dans le cadre de l'utilisation de ce lubrifiant et de façon récurrente, à des difficultés, tenant à une insuffisante stabilité du PH avec dégagement d'odeurs désagréables, au moussage du produit jusqu'à provoquer des débordements des bacs ou à l'apparition aléatoire de taches sur des aluminiums aéronautiques, qui remettaient en cause la fiabilité des résultats des tests préalables à la mise en commercialisation de ce nouveau lubrifiant. La SAS Greenfluid a, dans ces conditions, entrepris de lever ces doutes et de rendre compte des dérives de performances de ce produit. Pour ce faire, les sept salariés ayant pris part à cette opération ont d'abord réalisé une synthèse exhaustive des difficultés rapportées par les sept clients concernés de la SAS Greenfluid, qui a fait apparaître que chacun était confronté, avec une acuité différente, à ces difficultés. Face à cette situation et dès lors que des tests menés en interne n'ont pu donner d'explication à ces différences, il est apparu nécessaire de recourir à des partenaires extérieurs capables d'effectuer, de façon indépendante, de nouveaux tests sur le lubrifiant en cause, mais qui n'ont pas été sollicités dans le cadre de l'opération.

15. Ainsi, l'opération mise en œuvre par la SAS Greenfluid a essentiellement consisté en un inventaire des difficultés rencontrées par les clients suite à l'utilisation du lubrifiant dont s'agit, sans pouvoir aboutir à identifier des causes de ces phénomènes, ni envisager des solutions, dont la détermination aurait rendu nécessaire la mise en œuvre, en partenariat avec des laboratoires de métrologie et d'analyse chimique, d'analyses des surfaces et éléments contaminés, ainsi que l'engagement de personnels d'un niveau de compétence indisponible en interne et non mobilisés dans le cadre de l'opération en cause. Dans ces conditions, l'administration a retenu à juste titre que cette opération, qui ne procédait pas de la mise en œuvre de la démarche de recherche qu'aurait appelée la problématique posée, mais qui avait essentiellement consisté à préciser cette problématique, n'était pas éligible au crédit d'impôt recherche.

16. Dès lors que, comme il a été dit aux points précédents, l'administration était fondée à estimer que les opérations présentées par la SAS Greenfluid dans son dossier de demande de crédit d'impôt recherche n'étaient, eu égard à leur nature, à leur objet, ainsi qu'aux conditions de leur réalisation, pas éligibles à ce crédit d'impôt et que l'insuffisante qualification des personnels qui y ont pris part, de même que l'inadéquation entre, d'une part, les qualifications des membres des équipes ayant pris part à ces opérations et le volume horaire mis en œuvre dans le cadre de celles-ci et, d'autre part, les objectifs poursuivis n'ont été retenues qu'à titre surabondant, la critique, par la SAS Greenfluid, de l'absence de prise en compte des dépenses afférentes à la participation, à ces opérations, de son directeur général et de certains autres membres de son personnel est sans portée et il ne résulte pas de l'instruction qu'une prise en compte de l'intervention de la société GEF Industrie, autre entité du groupe auquel appartient la SAS Greenfluid, dans le cadre d'un partenariat entre ces deux entreprises, aurait pu conduire à une appréciation différente sur l'éligibilité de ces opérations.

17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, laquelle ne présenterait pas un caractère utile, que la SAS Greenfluid n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

18. Par voie de conséquence, les conclusions que la SAS Greenfluid présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Greenfluid est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Greenfluid et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. A...Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

2

N° 23DA00310


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00310
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DEMAILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;23da00310 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award