Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme (SA) Nancimmo a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016.
Par un jugement no 2003217 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2022 et le 23 juin 2023, la SA Nancimmo, représentée par Me Roumazeille, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la provision déduite de son résultat imposable au titre de l'exercice en 2016 répond aux conditions de déductibilité du 5° de l'article 39-1 du code général des impôts ;
- elle justifie de la nécessité des travaux à réaliser ainsi que du retard de leur réalisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me Roumazeille pour la SA Nancimmo, M. B..., son représentant, étant présent.
Une note en délibéré présentée pour la SA Nancimmo a été enregistrée le 30 mars 2024.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société anonyme (SA) Nancimmo, qui a pour activité l'acquisition et la gestion de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 21 janvier 2019, l'administration lui a notifié une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2016 résultant en particulier de la remise en cause d'une provision pour charges inscrite en comptabilité, pour un montant de 440 000 euros, dans la perspective de travaux de gros entretien sur un ensemble immobilier à vocation commerciale dont elle était crédit-preneuse et qui était sous-loué à la société Décathlon. L'imposition supplémentaire ayant été mise en recouvrement, à la suite du rejet de sa réclamation, la société Nancimmo a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 28 septembre 2022 dont la SA Nancimmo relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : /(...)/ 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise.
4. Il résulte de l'instruction que la société Nancimmo est crédit-preneuse d'un ensemble immobilier composé de surfaces commerciale et de parking situé à Houdemont qu'elle sous-loue à la société Décathlon France. A la suite de la réalisation de travaux d'extension réceptionnés en 2006, consistant en l'augmentation de la surface commerciale ainsi qu'en la création d'un parking souterrain, des désordres sont apparus et plus particulièrement des fuites d'eau pluviale ainsi que des fissures en sous-face de certaines dalles au niveau du parking sous-terrain.
5. La SA Nancimmo a inscrit en comptabilité et a déduit de son résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2016, une provision d'un montant de 440 000 euros en prévision des travaux pour remédier à ces désordres.
6. Toutefois, en premier lieu, à la date de la clôture de cet exercice 2016, la SA Nancimmo ne disposait que de trois devis, qui n'avaient pas été établis à sa demande, qui étaient imprécis sur la nature exacte des travaux concernés et dont les montants variaient, dans des proportions considérables, de 50 000 euros à 440 000 euros.
7. En deuxième lieu, les rapports établis avant la clôture de cet exercice 2016 précisaient que les désordres constatés ne présentaient pas de danger ou ne posaient pas de problème de sécurité à court terme, ce qui a conduit l'assureur dommages-ouvrages de la société Décathlon France à ne pas admettre le caractère décennal de ces désordres, dans un courrier adressé à la SA Nancimmo le 22 décembre 2016.
8. En troisième lieu, si l'absence de programmation des travaux à la clôture de l'exercice 2016 ne faisait pas par elle-même obstacle à l'inscription de cette provision en comptabilité, il ne résulte pas de l'instruction qu'à cette date, la SA Nancimmo envisageait de réaliser à ses frais les travaux en cause, ni même qu'elle en aurait eu l'obligation légale.
9. En quatrième lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour justifier de l'inscription comptable de la provision en litige en 2016, ni de pièces et éléments issus de cette procédure judiciaire engagée postérieurement, ni du fait qu'elle a versé à la société Decathlon France, en septembre 2021, une somme de 575 000 euros dans le cadre d'un accord conclu avec cette dernière pour la réalisation de travaux sur le parking.
10. Dans ces conditions, il n'est pas démontré par les éléments et pièces produits à l'instance avant la clôture de l'instruction que, à la date à laquelle elle a été inscrite en comptabilité, la provision en litige remplissait les conditions rappelées aux points 2 et 3. C'est donc à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction de la somme de 440 000 euros du résultat de la SA Nancimmo au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016.
Sur l'interprétation de la loi fiscale :
11. A supposer même qu'en mentionnant les paragraphes 40 à 60 de la doctrine administrative BOI-BIC-PROV-20-10-20 et le paragraphe 280 de la doctrine BOI-BIC-CHG-20-20-20, la société Nancimmo soit regardée comme se prévalant des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, en tout état de cause, ces doctrines ne font pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle faite par le présent arrêt.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Nancimmo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
13. Par voie de conséquence, les conclusions de la la SA Nancimmo tendant à l'octroi d'intérêts moratoires et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA Nancimmo est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Nancimmo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : M. A...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef
Et par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°22DA02478
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