La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2024 | FRANCE | N°22DA01867

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 28 mars 2024, 22DA01867


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme sportive professionnelle (SASP) Union Sportive Boulogne Côte d'Opale (USBCO) a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations primitives de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement no 2000298 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Proc

dure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, et un mémoire non-communiqué, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme sportive professionnelle (SASP) Union Sportive Boulogne Côte d'Opale (USBCO) a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations primitives de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 2000298 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, et un mémoire non-communiqué, enregistré le 31 janvier 2023, la SASP USBCO, représentée par Me Storme, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction des cotisations primitives de taxe sur les salaires en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire au terme des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé l'administration fiscale, l'USBCO est un club amateur ;

- les subventions reçues au titre de sa participation à la coupe de France présentent un caractère exceptionnel et ne doivent donc pas être prises en compte pour le calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires ;

- elle est fondée à se prévaloir à ce titre des paragraphes n°s 160 et 163 de la doctrine administrative BOI-TPS-TS-30-30, ainsi que du courrier adressé par le ministre du budget au président de la Fédération française de football le 15 février 1995 ;

- l'indemnité de formation de solidarité, qui entre dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne peut être incluse au numérateur du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires ;

- il y lieu d'exclure du rapport d'assujettissement pour l'année 2015 la somme de 67 950,43 euros ;

- elle est fondée à se prévaloir du paragraphe n° 300 de la doctrine administrative BOI-TPS-TS-20-30 s'agissant de la taxe sur les salaires due au titre de l'exercice 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires sont irrecevables ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance, en date du 24 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société anonyme sportive professionnelle (SASP) Union Sportive Boulogne Côte d'Opale (USBCO), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2017, à l'issue de laquelle, par deux propositions de rectification du 22 juin 2018, l'administration fiscale lui a notifié des cotisations primaires de taxe sur les salaires au titre des années 2015, 2016 et 2017, pour un montant total, en droits et pénalités, de 102 283 euros, lequel a été mis en recouvrement le 14 décembre 2018. La SASP USBCO relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe sur les salaires ainsi mises à sa charge.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. /(...)/ ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, qui transposent l'article 2, paragraphe 1 sous a) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes dont le versement est en lien direct avec des prestations individualisées en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent.

4. D'autre part, aux termes de l'article 231 du code général des impôts : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires (...) à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. / (...) ".

5. Aux termes de l'article 51 de l'annexe III au même code : " / (...) / 3. L'assiette de la taxe est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble des rémunérations (...) le rapport existant, au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. / (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que l'assiette de la taxe sur les salaires due par les assujettis partiels à la taxe sur la valeur ajoutée s'obtient en appliquant au montant total des rémunérations le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Ce rapport est déterminé en faisant figurer, au numérateur, le chiffre d'affaires qui n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et qui, en conséquence, est constitué des recettes correspondant à des opérations exonérées ou situées hors du champ d'application de cette taxe, et, au dénominateur, la totalité des recettes correspondant à des opérations imposables ou exonérées ou situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que les dotations versées par la Fédération française de football à la société USBCO entre 2014 et 2016 au titre de sa participation à la coupe de France, qui correspondent à des indemnités de déplacement et à des dotations en cas de victoire, ne constituent pas la contrepartie de prestations individualisées réalisées au profit de la partie versante. Par suite, elles sont situées en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée.

8. Il en va de même des indemnités de formation et de la contribution de solidarité qui ont été versées à la SASP USBCO en 2014, 2015 et 2016 en application du règlement du statut et du transfert des joueurs de la Fédération internationale de football, lesquelles ont pour vocation de soutenir les clubs sportifs qui interviennent dans la formation des jeunes joueurs de football.

9. Par ailleurs, il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article 231 du code général des impôts que les subventions exceptionnelles ne sont pas exclues des recettes devant être prises en compte pour le calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires.

10. Dans ces conditions, c'est à bon droit que, pour fixer le montant de la taxe sur les salaires dont elle était redevable, l'administration fiscale a porté ces dotations et indemnités au numérateur du rapport déterminant l'assiette de cette taxe.

11. En deuxième lieu, si la SASP USBCO soutient que, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, son activité est celle d'un club amateur et non pas semi-professionnel, cette qualification est en tout état de cause sans incidence sur l'assujettissement de cette société, pour l'application de la loi fiscale, à la taxe sur les salaires.

12. En troisième lieu, la SASP USBCO soutient que l'administration a porté à tort, au numérateur déterminant l'assiette de la taxe sur les salaires de l'année 2016, la somme de 67 950,43 euros dès lors qu'elle correspond à une subvention attribuée par la Fédération française de football au titre de l'année 2014.

13. Toutefois, outre le fait que la SASP USBCO n'apporte aucune précision sur l'objet et la nature de cette recette, elle ne conteste pas l'avoir perçue en 2015. Dès lors, cette somme constituant une recette de l'année 2015, c'est à bon droit que l'administration l'a prise en compte, en application de l'article 231 du code général des impôts, pour déterminer l'assiette de la taxe sur les salaires de l'année 2016.

Sur le bénéfice de la doctrine administrative :

14. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".

15. En premier lieu, la SASP USBCO, sans d'ailleurs se prévaloir explicitement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, invoque les paragraphes n°s 160 et 163 de la doctrine administrative BOI-TPS-TS-20-30 relatifs à la non prise en compte des subventions exceptionnelles pour le calcul du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires, ainsi que le paragraphe n° 300 de la même doctrine relatif à l'anomalie manifeste pouvant résulter d'une variation importante des conditions d'activités d'une entreprise.

16. Toutefois, d'une part, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif sans que cela soit contesté en appel, en l'absence d'assujettissement préalable de la SASP USBCO à la taxe sur les salaires au titre des années 2015 à 2017, les cotisations de cette taxe mises à sa charge au terme des opérations de vérification constituent des impositions primitives et non pas des rehaussements d'impositions antérieures au sens du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Ce premier alinéa ne peut donc utilement être invoqué.

17. D'autre part, en déclarant un coefficient d'assujettissement de 0 % seulement au titre de l'année 2015 et en s'abstenant de déposer une déclaration au titre des années 2016 et 2017, la SASP USBCO ne peut pas être regardée comme ayant fait application de l'interprétation du texte fiscal donnée par la doctrine dont elle se prévaut, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, et ce alors que l'application de cette doctrine ne pourrait conduire à la placer hors du champ de la taxe sur les salaires ou à l'exonérer de son paiement, mais uniquement à modifier le coefficient d'assujettissement appliqué par l'administration. Ce deuxième alinéa ne peut donc utilement être invoqué.

18. En deuxième lieu, en tout état de cause, la SASP USBCO ne peut davantage se prévaloir du paragraphe n° 50 de la doctrine administrative BOI-TVA-DED-10-20 qui est relative non à la taxe sur les salaires mais à la taxe sur la valeur ajoutée.

19. En troisième lieu, si la SASP USBCO invoque des courriers du ministre du budget au président de la Ligue de football professionnel des 21 avril 1995 et 3 février 2005, ces courriers relatifs à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des indemnités de résiliation des contrats de travail, des indemnités de transferts entre clubs et des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions de football ne concernent pas la détermination du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires.

20. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre, que la SASP USBCO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'octroi d'intérêts moratoires et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SASP USBCO est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société USBCO et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

2

N°22DA01867

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01867
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : STORME FABIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-28;22da01867 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award