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28/03/2024 | FRANCE | N°22DA01847

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 28 mars 2024, 22DA01847


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013.



Par un jugement n° 1900007 du 23 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 2

4 août 2022 et un mémoire, enregistré le 26 janvier 2023, M. C..., représenté par Me Deloffre, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1900007 du 23 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 août 2022 et un mémoire, enregistré le 26 janvier 2023, M. C..., représenté par Me Deloffre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas eu la libre disposition, au sens des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts et de l'article 544 du code civil, du sac contenant 10,4 kg de résine de cannabis de sorte qu'il doit lui être accordé une réduction, en base, de 31 824 euros de l'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l'année 2013 ;

- l'évaluation par l'administration de la valeur vénale des produits stupéfiants est exagérée ; le prix unitaire au tarif de gros de résine de cannabis pour une qualité moyenne s'élevant à 1,50 euro, la valeur de la totalité des produits stupéfiants en cause doit être fixée à 34 647 euros ;

- compte tenu du fait qu'une autre personne a également eu la libre disposition de ces biens, la base du revenu imposable doit être répartie entre eux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 1er février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 14 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. C... a été reconnu coupable, par un jugement du 16 octobre 2014 passé en force de chose jugée, du tribunal de grande instance de Beauvais statuant en matière correctionnelle, des chefs de transport, détention et acquisition illicites de stupéfiants relatifs à trois lots de résine de cannabis, d'un poids respectif de 98 grammes, 12,6 kilogrammes et 10,4 kilogrammes. L'administration, après avoir eu accès aux pièces de la procédure pénale par l'exercice du droit de communication prévu aux articles L. 81, L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, a informé de M. C..., par une proposition de rectification du 24 octobre 2016, qu'elle entendait imposer, sur le fondement de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, la somme de 70 680 euros. En conséquence, M. C... a été assujetti, au titre de l'année 2013, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, majorées des intérêts de retard et d'une pénalité de 80 % sur le fondement de l'article 1758 du même code. M. C... relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'un bien objet d'une des infractions mentionnées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des biens mentionnés au premier alinéa, de la déclaration des revenus ayant permis leur acquisition ou de l'acquisition desdits biens à crédit. 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal ; (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que, par le jugement du 16 octobre 2014, cité au point 1, le tribunal de grande instance de Beauvais a déclaré M. C... coupable des faits de transport, détention et acquisition illicites de stupéfiants, sur le fondement des dispositions du premier alinéa de l'article 222-37 du code pénal. Se fondant sur les dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, l'administration a réintégré au revenu imposable de l'intéressé la valeur des biens objet de ces infractions, consistant en trois lots de résine de cannabis d'un poids de 98 g, 12,6 kg et 10,4 kg et que le service a évalué, en retenant un prix de 3,06 euros par gramme, à la somme totale de 70 680 euros.

En ce qui concerne la libre disposition des biens :

4. Le régime d'imposition prévu par les dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts ne vise pas à imposer les profits issus de la revente ou du transport de produits illicites, mais à taxer le revenu imposable qui, correspondant à la valeur vénale des biens visés par ces dispositions, est présumé avoir été perçu par les personnes qui les détiennent et sont coupables des infractions mentionnées par ces dispositions. Il appartient alors au contribuable de combattre cette présomption, en établissant par exemple qu'il n'a pas eu en réalité la disposition des biens ou des sommes d'argent en cause.

5. M. C... soutient qu'il n'était pas propriétaire, au sens de l'article 544 du code civil, des 10,4 kg de résine de cannabis contenus dans un sac de sport retrouvé sur un terrain ne lui appartenant pas, de sorte qu'il ne peut pas être regardé comme en ayant eu la libre disposition au sens de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts.

6. Il résulte toutefois des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, rappelées au point 2, éclairées par les travaux préparatoires, que la libre disposition, au sens de cet article, si elle exclut la personne qui n'a eu que la garde temporaire des biens objets de l'une des infractions visées au 2 de ce même article, n'est pas limitée, contrairement à ce que soutient M. C..., à la personne juridiquement propriétaire de ces biens.

7. Il résulte des constatations de fait mentionnées dans le jugement du 16 octobre 2014 du tribunal de grande instance de Beauvais et qui s'imposent au juge de l'impôt, que M. C... a détenu, au sens de l'article 222-37 du code pénal, le sac contenant 10,4 kg de résine de cannabis entre le 1er et le 5 juillet 2013. L'administration a également relevé, à partir des éléments issus de la procédure pénale, que l'empreinte génétique de M. C..., qui n'a fourni aucune explication crédible à ce sujet, a été retrouvée sur ce sac, lequel contenait en outre le ticket d'un paiement effectué au moyen de la carte bancaire établie au nom de sa compagne. Au demeurant, il résulte de l'exploitation des retranscriptions des écoutes téléphoniques entre M. C... et sa compagne, que cette dernière a reproché à l'intéressé le manque de crédibilité de ses déclarations au sujet de ce sac dont il prétendait tout ignorer. Dans ces conditions, la double circonstance avancée par M. C..., que ce sac a été découvert sur un terrain ne lui appartenant pas et que la résine de cannabis qui s'y trouvait ne présentait pas de similitude avec celle des autres lots pour lesquels il a également été condamné pour des faits de faits de transport, détention et acquisition non autorisés de stupéfiants, ne permet pas, à elle seule, de faire obstacle à ce qu'il soit regardé comme en ayant eu la libre disposition, ni, dès lors, de combattre utilement la présomption posée à l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts.

En ce qui concerne la répartition du revenu imposable :

8. Il résulte des dispositions du dernier alinéa du 1 de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts citées ci-dessus que, lorsque le contribuable établit que plusieurs personnes ont eu la libre disposition des biens ou de la somme, visés au premier et quatrième alinéas de cet article, la base du revenu imposable doit, en principe, être répartie par parts égales entre ces personnes. Le contribuable comme l'administration peuvent toutefois apporter par tout moyen la preuve que les circonstances de l'espèce imposent une répartition différente.

9. M. C... persiste à soutenir en appel qu'il ne pouvait pas être regardé comme ayant eu la libre disposition exclusive de la quantité de 12,6 kg de résine de cannabis, dès lors qu'une autre personne a été condamnée, par le même jugement du 16 octobre 2014 du tribunal correctionnel de Beauvais, des chefs de détention et transport non autorisés de stupéfiants à raison de ce lot de résine de cannabis, et que l'administration aurait dû, en application du dernier alinéa du 1 de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, répartir la base du revenu imposable proportionnellement entre les deux bénéficiaires.

10. Il résulte toutefois des constatations de fait issues de la procédure pénale que l'autre personne condamnée par ce jugement à raison des faits de détention et transport illicites de 12,6 kg de résine de cannabis, est un proche de M. C... que ce dernier a contacté après la découverte par les services de la gendarmerie, à l'occasion d'un contrôle d'identité, de la présence de 98 g de résine de cannabis dans son véhicule, et auquel il a demandé, devant l'imminence d'une perquisition de son logement, de venir retirer dans son appartement un sac contenant 12,6 kg de résine de cannabis et de prendre la fuite en l'emmenant. Il résulte de ces mêmes éléments que, peu de temps après cet échange, les militaires de la gendarmerie ont interpellé cette personne au domicile de M. C..., alors que, munie de ce sac, elle tentait de s'enfuir par le balcon de cet appartement. Il résulte de l'enchaînement de ces circonstances que l'autre personne condamnée pour les faits de détention et transport illicites de 12,6 kg de résine de cannabis, qui a agi sur les instructions de M. C..., n'a eu que de la garde temporaire de ces biens et ne saurait, dès lors, être regardé, pour les motifs énoncés au point 6, comme en ayant eu la libre disposition au sens des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts.

En ce qui concerne la valeur vénale des biens :

11. Pour évaluer la valeur vénale des produits stupéfiants dont M. C... avait la libre disposition, l'administration s'est référée aux déclarations de l'intéressé, lequel, au cours de sa garde à vue, a précisé avoir acquis la plaque de 98 g de résine de cannabis pour la somme de 300 euros, soit un prix de 3,06 euros le gramme, et en a déduit, compte tenu de la quantité de 23,098 kg de résine de cannabis à la libre disposition de l'intéressé, une valeur totale de 70 680 euros. Il résulte en outre d'un rapport établi en mars 2013 par les services de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) que la valeur marchande du gramme de résine de cannabis, vendu en semi-gros, ce qui correspond aux quantités intermédiaires de stupéfiants payées à des professionnels qui prennent une part sur la valeur marchande des stupéfiants, s'établissait alors entre 3 et 4 euros, avec un prix médian de 3,5 euros. La valeur vénale retenue par l'administration correspond ainsi à la valeur basse du prix du marché de semi-gros.

12. M. C... soutient que, compte tenu de la quantité de résine de cannabis en cause, s'élevant au total à 23,098 kg, l'administration aurait dû déterminer la valeur vénale de ces stupéfiants en retenant le tarif de gros de résine de cannabis, lequel, selon l'étude de la DCPJ citée précédemment, oscille entre 1,5 et 2,5 euros le gramme. Toutefois, il résulte de cette même étude que le prix de gros ainsi déterminé concerne le " prix payé à des professionnels de l'import-export " et M. C... ne soutient pas, ainsi que l'administration l'indique, relever de cette catégorie de professionnels. Cette même étude précise en revanche que le prix de semi-gros, en matière de résine de cannabis, s'applique aux transactions qui portent sur des conditionnements, comme en l'espèce, sous forme de plaquettes de 50 ou 100 g ou de " savonnettes " de 250 g.

13. Il suit de là que M. C..., qui ne fournit aucune précision quant à la qualité prétendue de la résine de cannabis saisie, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des bases d'imposition retenues par le service, lequel a pu légalement se fonder, pour déterminer la valeur vénale des biens saisis, sur les propres déclarations de l'intéressé, elles-mêmes corroborées par la valeur basse du prix du marché de semi-gros alors applicable.

14. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°22DA01847


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01847
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DELOFFRE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-28;22da01847 ?
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