Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 août 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 2207803 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 17 août 2022 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros hors taxes, à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision prononçant son expulsion, qui est insuffisamment motivée, méconnaît les dispositions des articles L. 211-2 et L.211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il appartient au préfet de démontrer qu'il a été mis à même de présenter ses observations orales et écrites, en application du principe général des droits de la défense et des dispositions de l'article L. 632-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public susceptible de justifier son expulsion sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juin 2023.
Par une ordonnance du 25 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 16 octobre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né en 2001, déclare être entré en France le 1er août 2015 sous couvert d'un visa de court séjour. Devenu majeur, il a été mis en possession d'un titre de séjour " étudiant " valable du 7 octobre 2019 au 31 septembre 2020. Le 3 août 2022, la commission d'expulsion a émis un avis défavorable à son expulsion du territoire français. Par un arrêté du 17 août 2022, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté cite les dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les faits commis par M. B..., ainsi que les condamnations pénales dont il a fait l'objet et précise, qu'en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés et du risque de récidive, la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue une menace grave et persistante pour l'ordre public. Le même arrêté relève, par ailleurs, les principaux éléments propres à la situation personnelle et familiale de M. B... pris en compte par le préfet et l'absence de perspective de réussite de son projet d'intégration à l'issue de son incarcération, compte tenu de son comportement en détention. Cet arrêté comporte ainsi un exposé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour prendre la décision de l'expulser et est, par suite, suffisamment motivé.
3. En deuxième lieu, il résulte clairement des dispositions des articles 1 à 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 que celle-ci n'est applicable qu'aux décisions de retour qui sont prises par les Etats membres au motif que les étrangers sont en situation de séjour irrégulier. En revanche, la directive n'a pas vocation à régir les procédures d'éloignement qui reposent sur des motifs distincts, notamment la menace à l'ordre public. Les mesures d'expulsion prévues par les dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas pour objet de tirer les conséquences de l'irrégularité du séjour des ressortissants de pays tiers mais de prévenir les risques que comporte pour l'ordre public la présence d'un étranger sur le territoire national. En tout état de cause, en admettant même que la situation de M. B... puisse être regardée comme régie par le droit de l'Union européenne et que le principe du droit pour toute personne d'être entendue préalablement à l'intervention d'une décision administrative qui lui est défavorable, principe général du droit de l'Union européenne, lui soit applicable, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été entendu, le 3 août 2022, par la commission d'expulsion, devant laquelle, en présence d'un représentant du préfet du Pas-de-Calais, il a pu faire valoir avec l'assistance d'un avocat tous les éléments contre la mesure d'expulsion envisagée à son encontre et dont l'avis a été transmis au préfet. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ait été privé de la possibilité de faire valoir, oralement ou par écrit, ses observations en défense. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ".
5. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a, une première fois, le 25 septembre 2020, été condamné par la présidente du tribunal judiciaire d'Arras à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire total durant deux ans pour des faits d'acquisition, de détention et de vente de produits stupéfiants, puis a fait l'objet d'une condamnation à une peine de 35 heures de travaux d'intérêt général prononcée par le tribunal correctionnel d'Arras le 23 mars 2021 pour usage illicite de stupéfiants avant d'être de nouveau poursuivi puis condamné, le 7 janvier 2022, par le tribunal judiciaire d'Arras, à une peine de douze mois d'emprisonnement pour rébellion, en récidive, détention, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, en récidive, et pour avoir refusé de remettre aux autorités judiciaires des éléments permettant d'éviter la commission de l'infraction. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, alors qu'il était en détention, que M. B... a écopé d'une peine d'emprisonnement de sept mois, prononcée par le tribunal judiciaire d'Arras pour avoir, en récidive, divulgué, sur un réseau social, depuis sa cellule, des informations personnelles permettant d'identifier ou de localiser une personne dépositaire de l'autorité publique et exposant cette personne ou les membres de sa famille, à un risque direct d'atteinte à la personne ou aux biens qu'il ne pouvait ignorer ainsi que d'avoir illicitement détenu un téléphone portable. Compte tenu de la nature de ces actes, de leur caractère récent et répété sur une courte période, et de leur gravité croissante, ainsi que de la fragilité des gages de réinsertion professionnelle et sociale présentés par M. B... qui a fait l'objet d'une condamnation pour des faits commis, en récidive, alors même qu'il se trouvait incarcéré, le préfet du Pas-de-Calais, qui s'est fondé sur la persistance de son comportement délinquant et l'absence de perspective de son projet d'intégration, n'a pas, en dépit de l'avis défavorable émis par la commission d'expulsion, entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation en considérant que sa présence constituait une menace grave à l'ordre public.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. B... fait valoir sa présence sur le territoire français depuis l'âge de quatorze ans, aux côtés de sa mère, titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler, et de ses deux frères, qui poursuivent avec sérieux et assiduité leur scolarité. Si M. B... peut se prévaloir de la présence en France de sa fratrie et de sa mère dont le titre de séjour expirait le 2 décembre 2021, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu de liens dans son pays d'origine où demeure son père, aucun élément ne permettant d'établir qu'il aurait rompu tout lien avec celui-ci. Par ailleurs, s'il justifie avoir obtenu de bons résultats scolaires au collège et au lycée, ces éléments ne suffisent pas à attester de sa bonne intégration dans la société, compte tenu de ses récentes condamnations prononcées durant une période rapprochée entre 2020 et 2022, ni davantage à garantir la réussite de son projet de réinsertion à l'issue de son incarcération. Dans ces conditions, en édictant une mesure d'expulsion du territoire français, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En dernier lieu, compte tenu de l'ensemble des éléments mentionnés aux points 6 à 8, le préfet du Pas-de-Calais, qui a procédé à un examen sérieux de la situation de l'intéressé, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant l'expulsion de M. B... du territoire français.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Sophie Danset-Vergoten.
Copie en sera délivrée au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M-P. Viard
Le greffier,
Signé : F. Cheppe
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
F. Cheppe
No 23DA01401 2