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14/03/2024 | FRANCE | N°22DA01857

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 14 mars 2024, 22DA01857


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Maison de la photographie et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la ville de Lille a décidé d'octroyer une subvention d'un montant de 2 750 000 euros à l'association Lille 3000 pour la période 2020-2022.



Par un jugement n° 2000644 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Proc

dure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 29 août 2022, l'association Maison de la pho...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Maison de la photographie et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de la ville de Lille a décidé d'octroyer une subvention d'un montant de 2 750 000 euros à l'association Lille 3000 pour la période 2020-2022.

Par un jugement n° 2000644 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 août 2022, l'association Maison de la photographie et M. C..., représentés par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter, Audrey d'Halluin et associés, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cette délibération ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Lille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'association Maison de la photographie justifie d'un intérêt pour agir du fait de son activité et de la circonstance que l'essentiel du budget communal destiné aux activités culturelles en lien avec la photographie a été alloué à une seule association, et ce à son détriment ;

- compte tenu de l'importance du montant de cette subvention au regard de celles allouées aux autres structures culturelles et du fait que son octroi par anticipation est constitutif d'un détournement de pouvoir, la qualité de contribuable local de M. C... constitue un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- les membres du conseil municipal n'ont pas bénéficié d'une information suffisante préalablement à l'adoption de la délibération contestée ;

- la délibération attaquée conduit à un mauvais usage des deniers publics en méconnaissance des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la subvention contestée, compte tenu de son montant et des conditions dans lesquelles elle a été octroyée, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la délibération attaquée entraîne une rupture d'égalité devant la loi et une violation de la liberté associative ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2023, la commune de Lille, représentée par Me Bodart, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association Maison de la photographie et M. C... sont dépourvus d'intérêt pour agir ;

- l'association ne précise pas l'identité de son président ni ne justifie que celui-ci a été autorisé à agir conformément à ses statuts ;

- l'association, du fait de son placement en liquidation judiciaire, ne peut agir que pour les seuls besoins de sa liquidation ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 1er décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Chavda, représentant l'association Maison de la photographie et M. C..., et Me Lachal, représentant la commune de Lille.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. L'association Lille 3000, dont l'objet est de " préparer et d'organiser des manifestations artistiques et culturelles de haut niveau destinées à un large public " en particulier sur le territoire de la ville de Lille et de la métropole lilloise, a sollicité de la commune de Lille, pour l'année 2020, une subvention de 1 700 000 euros pour un programme d'activités comprenant plusieurs manifestations artistiques et une subvention de 1 050 000 euros pour sa saison culturelle. Par une délibération du 19 décembre 2019 portant sur les subventions octroyées aux opérateurs culturels, le conseil municipal de Lille a approuvé le versement à l'association Lille 3000 d'une subvention d'un montant global de 2 750 000 euros.

2. L'association Maison de la photographie et M. C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler cette délibération en tant qu'elle accorde le versement de cette subvention à l'association Lille 3000. Par un jugement du 29 juillet 2022, dont l'association Maison de la photographie et M. C... relèvent appel, ce tribunal a rejeté leur demande comme irrecevable pour défaut d'intérêt pour agir.

Sur la recevabilité de la requête :

3. Indépendamment des actions indemnitaires qui peuvent être engagées contre la personne publique, les recours relatifs à une subvention, qu'ils aient en particulier pour objet la décision même de l'octroyer, quelle qu'en soit la forme, les conditions mises à son octroi par cette décision ou par la convention conclue en application de l'article 10 de la loi du 12 avril 2000, ou encore les décisions de la personne publique auxquelles elle est susceptible de donner lieu, notamment les décisions par lesquelles la personne publique modifie le montant ou les conditions d'octroi de la subvention, cesse de la verser ou demande le remboursement des sommes déjà versées, ne peuvent être portés que devant le juge de l'excès de pouvoir, par le bénéficiaire de la subvention ou par des tiers qui disposent d'un intérêt leur donnant qualité à agir.

En ce qui concerne l'intérêt à agir de l'association Maison de la photographie :

4. Selon l'article 2 de ses statuts, l'association Maison de la photographie a pour objet " la valorisation de la photographie et de la pratique de la photographie sous toutes ses formes sur le territoire du Nord-Pas de Calais, la valorisation, en France et à l'étranger, par la photographie, du territoire du Nord-Pas de Calais et de ses artistes ainsi que la promotion d'artistes et de jeunes photographes de tous horizons ".

5. S'il résulte de ses statuts que l'association Maison de la photographie poursuit, ainsi qu'elle le relève, un objet culturel, au demeurant limité à la photographie, et intervient notamment sur le territoire de la ville de Lille, de telles circonstances ne lui confèrent pas un intérêt suffisant, compte tenu de son champ d'action décrit au point précédent, pour agir contre la délibération par laquelle le conseil municipal de Lille a consenti une subvention à une autre association en vue d'organiser des manifestations artistiques et culturelles, fussent-elles pour certaines d'entre elles en lien, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, avec l'objet de l'association requérante.

6. Si l'association Maison de la photographie se prévaut également de l'importance du montant de la subvention octroyée par la commune de Lille à l'association Lille 3000 et soutient à cet égard, à le supposer même avéré, que la majeure partie des subventions communales destinées aux activités culturelles en lien avec la photographie a été allouée à une seule association, aucune stipulation de ses statuts ne lui donne pour objet de défendre les finances locales.

7. La circonstance que l'association Maison de la photographie a, par le passé, bénéficié de subventions de la commune de Lille n'est pas davantage de nature à lui donner un intérêt lui donnant qualité pour attaquer la délibération en litige.

8. Il résulte de ce qui précède, alors au surplus que l'association requérante n'a pas justifié de la qualité pour agir de son président en dépit d'une fin de non-recevoir opposée en ce sens, que l'association Maison de la photographie ne justifie pas d'un intérêt pour demander l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Lille a approuvé le versement à l'association Lille 3000 d'une subvention de 2 750 000 euros.

En ce qui concerne l'intérêt à agir de M. C... :

9. Lorsque la délibération d'un conseil municipal emporte une perte de recettes ou des dépenses supplémentaires, le contribuable de cette commune n'est recevable à en demander l'annulation pour excès de pouvoir que si les conséquences directes de cette délibération sur les finances communales sont d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt pour agir.

10. Pour établir son intérêt à demander, en qualité de contribuable de la commune de Lille, l'annulation de la délibération du 19 décembre 2019, M. C... se prévaut du montant de la subvention accordée à l'association Lille 3000 et de son importance au regard du montant des subventions accordées par la commune de Lille pour l'année 2020 à d'autres structures intervenant dans le domaine culturel.

11. Toutefois, si M. C... relève que le montant de la subvention litigieuse correspond à environ 28 % du montant total des subventions attribuées par la commune de Lille aux opérateurs culturels pour l'année 2020, il ne précise pas la part que cette subvention a représenté dans le budget communal de cette année, ni parmi les dépenses d'investissement, ni même parmi le montant total des subventions accordées par la commune à des associations, tous domaines d'intervention confondus.

12. Dans ces conditions, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, M. C... n'établit pas que les conséquences directes de la délibération litigieuse sur les finances communales seraient d'une importance suffisante pour lui conférer un intérêt à agir en sa qualité de contribuable local. Est sans incidence sur cette qualité de contribuable local le fait que la subvention en cause a été accordée pour l'année à venir et quelques mois avant la tenue prévue des élections municipales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Maison de la photographie et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Lille, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Lille sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Maison de la photographie et de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Maison de la photographie, à M. B... C... et à la commune de Lille.

Délibéré après l'audience du 22 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au préfet du Nord, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°22DA01857


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01857
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BODART

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;22da01857 ?
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