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22/02/2024 | FRANCE | N°23DA00590

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 22 février 2024, 23DA00590


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire pendant un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compt

er de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire pendant un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2300340 du 24 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé l'arrêté du 12 janvier 2023 du préfet du Nord, d'autre part, enjoint au préfet du Nord de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, par ailleurs, mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, enfin, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2023, le préfet du Nord, représenté par la SELARL Centaure Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- le premier juge a retenu à tort que M. A..., qui, selon les données du fichier Eurodac, était connu des autorités hongroises et allemandes en tant que demandeur d'asile, n'avait pu sans erreur de droit faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et non d'une décision de remise à ces autorités, alors que l'intéressé, qui n'a aucunement fait état des demandes d'asiles formées par lui auprès de ces autorités, ne recherche, en réalité, pas la protection de celles-ci, ni d'ailleurs des autorités françaises, mais seulement à faire échec à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2023, M. A..., représenté par Me Clément, conclut au rejet de la requête, au maintien de l'injonction de réexamen prononcée par le premier juge, en assortissant celle-ci d'une astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, à ce que la somme de 1 500 euros hors taxes soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le premier juge a retenu à juste titre que le préfet du Nord n'avait pu, sans erreur de droit, lui faire obligation de quitter le territoire français, alors qu'il était demandeur d'asile pour avoir saisi les autorités hongroises et allemandes d'une demande de protection internationale, les déclarations qu'il a pu tenir au cours de la rétention administrative dont il a fait l'objet ne pouvant suffire à remettre en cause cette situation de demandeur d'asile qui était la sienne, ni à établir la réalité du comportement frauduleux qui lui est prêté ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen suffisamment approfondi et attentif de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- l'annulation des décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et portant interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an doit être maintenue par voie de conséquence.

Par une décision du 20 avril 2023, M. A... a été maintenu de plein droit à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 19 février 1978 à Rouiba (Algérie), est entré en France au cours du mois de juin 2022, selon ses déclarations. Il a été interpellé le 11 janvier 2023 dans le cadre d'un contrôle d'identité effectué sur la voie publique, qui a révélé la situation irrégulière de son séjour sur le territoire français. Par un arrêté du 12 janvier 2023, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 24 janvier 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille en tant que, sur la demande de M. A..., d'une part, il a annulé son arrêté du 12 janvier 2023, d'autre part, il lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, enfin, il a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 572-1 du même code : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / (...) ".

3. Les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dès lors, lorsqu'en application des stipulations des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles de l'un de ces Etats, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais dans celui des dispositions précitées de l'article L. 572-1 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de réadmission et non une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 611-1.

4. Ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, il ressort des pièces du dossier et n'est au demeurant pas contesté par le préfet du Nord, qu'une consultation du fichier Eurodac effectuée, à la demande de M. A..., le 19 janvier 2023, durant la rétention administrative dont il a fait l'objet, a révélé que l'intéressé était connu, en tant que demandeur d'asile, des autorités hongroises et allemandes, qui avaient relevé ses empreintes digitales, respectivement, le 15 février 2016 et le 3 janvier 2022. Or, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, ni n'est même allégué, que les autorités allemandes, qui ont délivré à M. A..., le 3 février 2022, une attestation de demande d'asile, s'étaient prononcées sur la demande de l'intéressé avant que le préfet du Nord, qui a seulement saisi ces autorités le 20 janvier 2023 d'une demande de reprise en charge de M. A..., décide, par l'arrêté du 12 janvier 2023 en litige, de faire obligation à celui-ci de quitter le territoire français.

5. Si, au cours de l'audition qui a suivi son interpellation, M. A... n'a pas fait état du dépôt de cette demande d'asile auprès des autorités allemandes, mais a indiqué, au contraire, n'avoir formé aucune demande d'asile auprès d'un autre Etat membre de l'Union européenne que la France, cette circonstance n'était pas de nature à faire obstacle à l'application des stipulations et dispositions analysées au point 3.

6. Dès lors, en prononçant à l'encontre de M. A... l'obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que, demandeur d'asile, M. A... pouvait seulement faire l'objet d'une décision de réadmission, telle que prévue par l'article L. 572-1 du même code, le préfet du Nord a commis une erreur de droit.

7. Par suite, le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que le premier juge a retenu à tort ce motif pour annuler cette décision, ainsi, par voie de conséquence, que les autres décisions contenues dans son arrêté du 12 janvier 2023.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille, d'une part, a annulé son arrêté du 12 janvier 2023, d'autre part, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par le premier juge.

9. Enfin, M. A... ayant été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Clément, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par le préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Clément, avocat de M. A..., la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord, ainsi qu'à M. B... A... et à Me Clément.

Délibéré après l'audience publique du 8 février 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. HeinisLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

1

2

No23DA00590


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00590
Date de la décision : 22/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-22;23da00590 ?
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