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15/02/2024 | FRANCE | N°22DA02283

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 22DA02283


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 octobre 2022, 21 août 2023, 24 octobre 2023, 6 novembre 2023 et 1er décembre 2023, la société civile immobilière (SCI) Attindis, représentée par Me Jean Courrech, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le maire d'Attin a refusé l'extension du magasin Leclerc et le déplacement du point-retrait automobile dit " drive " Leclerc sur un terrain situé route départementale (RD) 939 au lieu-dit " la paix faite " ;



2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de se prononcer sur la ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 octobre 2022, 21 août 2023, 24 octobre 2023, 6 novembre 2023 et 1er décembre 2023, la société civile immobilière (SCI) Attindis, représentée par Me Jean Courrech, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le maire d'Attin a refusé l'extension du magasin Leclerc et le déplacement du point-retrait automobile dit " drive " Leclerc sur un terrain situé route départementale (RD) 939 au lieu-dit " la paix faite " ;

2°) d'enjoindre à la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) de se prononcer sur la demande dans les quatre mois suivant la notification de l'arrêt ;

3°) de condamner toute partie perdante à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que la CNAC a émis un avis défavorable au projet ;

- la zone de chalandise initialement délimitée sans inclure la commune d'Etaples est régulière, eu égard à son offre commerciale et notamment à la présence d'un autre centre commercial Leclerc ;

- le recours de la société Quincaillerie Etaploise Godin contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial du 4 avril 2022 est irrecevable ;

- le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) du pays maritime et rural du Montreuillois ;

- il respecte les critères et objectifs fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2023, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 juillet 2023, 6 octobre 2023 et 14 novembre 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Quincaillerie Etaploise Godin et la société à responsabilité limitée (SARL) Etablissements Descamps et fils, représentées par Me Marie-Anne Renaux :

1°) concluent au rejet de la requête ;

2°) demandent qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du pourvoi n° 474488 en cours d'examen par le conseil d'Etat ;

3°) demandent que soit mise à la charge de la SCI Attindis la somme de 5 000 euros à leur verser à chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur intervention est recevable, dans la mesure où elles ont régulièrement formé un recours administratif préalable obligatoire devant la CNAC ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 31 juillet 2023 et 26 octobre 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Campi, représentée par Me Stéphanie Encinas, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SCI Attindis à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 août 2023, la commune d'Attin, représentée par Me Raphaël Tachon, s'en remet à la justice s'agissant de la requête et demande la condamnation de toute partie perdante à lui verser la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire d'Attin était tenu de refuser le permis de construire dès lors que la CNAC avait émis un avis défavorable au projet ;

- la commune est favorable au projet ;

- il existait une briqueterie à l'endroit du projet.

Par un mémoire en intervention enregistré le 22 septembre 2023, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le projet ne contribue pas à la préservation et à la redynamisation du tissu commercial du centre-ville de Montreuil-sur-mer ;

- il s'intègre mal dans son environnement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;

- le décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Fanny Morisseau, représentant la SCI Attindis et de Me Raphaël Lopez-Longueville, représentant la SAS Quincaillerie Etaploise Godin et la SARL Etablissements Descamps et fils.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Attindis exploite depuis 1986 un centre commercial Edouard Leclerc dans la zone industrielle dite de " la paix faite " dans la commune d'Attin dans le département du Pas-de-Calais. D'une surface initiale de vente de 3 906 m², il a été porté en 2018 à 4 652 m2 et comporte actuellement un point-retrait automobile (" drive ") de 10 pistes de ravitaillement, un centre de contrôle technique, un primeur, un restaurant et une station-service et de lavage des véhicules. Le 23 décembre 2021, la SCI Attindis a déposé une demande de permis de construire valant autorisation commerciale en vue de l'extension de la surface de vente de 12 602 m2 supplémentaires, avec la création d'un espace culturel, de huit boutiques de commerces et services, de deux espaces d'exposition-vente, d'un magasin de bricolage/jardinage, d'une moyenne surface de jouets et d'un centre automobile, en plus du transfert du point-retrait à l'emplacement de l'actuel centre de contrôle technique. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Pas-de-Calais a émis un avis favorable le 31 mars 2022. Saisie de recours administratifs préalables obligatoires par la société par actions simplifiée (SAS) Quincaillerie Etaploise Godin, la société à responsabilité limitée (SARL) Etablissements Descamps et fils, la société Campi et le préfet du Pas-de-Calais, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a émis un avis défavorable au projet le 28 juillet 2022. Le 31 août 2022, le maire d'Attin a refusé le permis de construire valant autorisation commerciale sollicité. Par la présente requête, la SCI Attindis demande l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la qualité de la SAS Quincaillerie Etaploise Godin, de la SARL Etablissements Descamps et fils et du préfet du Pas-de-Calais :

2. La personne qui, en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, saisit la CNAC d'un recours administratif préalable obligatoire contestant l'avis favorable délivré par la CDAC sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale a la qualité de partie en défense à l'instance devant la cour administrative d'appel en ce qu'elle concerne la décision du maire en tant qu'elle refuse l'autorisation d'exploitation commerciale sollicitée.

3. Dès lors que la SAS Quincaillerie Etaploise Godin, la SARL Etablissements Descamps et fils et le préfet du Pas-de-Calais ont saisi, à l'instar de la société Campi, la CNAC d'un recours administratif préalable obligatoire contestant l'avis favorable délivré par CDAC sur le projet de la SCI Attindis soumis à autorisation d'exploitation commerciale, ils ont la qualité de parties à la présente instance et non d'intervenants.

En ce qui concerne la régularité de la saisine de la CNAC :

4. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire ".

5. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I. Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. (...). / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d'implantation du projet et le représentant de l'Etat dans le département ne sont pas tenus d'exercer ce recours préalable (...) ".

6. Aux termes de l'article L. 752-4 du même code : " Dans les communes de moins de 20 000 habitants, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme peut, lorsqu'il est saisi d'une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, proposer au conseil municipal ou à l'organe délibérant de cet établissement de saisir la commission départementale d'aménagement commercial afin qu'elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6. / (...) / En cas d'avis défavorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial, le permis de construire ne peut être délivré. / La commission départementale d'aménagement commercial se prononce dans un délai d'un mois. / En cas d'avis négatif, le promoteur peut saisir la Commission nationale d'aménagement commercial qui se prononce dans un délai d'un mois. (...) ". La commune d'Attin compte moins de 800 habitants.

7. Si la SCI Attindis soutient que la CNAC a commis une erreur de droit en considérant comme recevable le recours de la SAS Quincaillerie Etaploise Godin, ce recours a été également présenté par la SARL Etablissements Descamps et fils, la société Campi et le préfet du Pas-de-Calais qui avaient intérêt à agir. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de l'irrégularité de la saisine de la CNAC doit être écarté.

En ce qui concerne la délimitation de la zone de chalandise :

8. Aux termes de l'article R. 752-3 du code de commerce : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants ".

9. La société pétitionnaire a indiqué dans la notice d'impact du projet que " le temps de déplacement en voiture depuis les communes les plus éloignées du site est d'environ 20 minutes. Il constitue la zone d'emprise prioritaire de la clientèle usagère de la voiture et de la clientèle du magasin, en complément d'autres achats ou de motifs de déplacement. ". Alors que la commune d'Etaples se situe à neuf kilomètres du projet et à quinze minutes en voiture par la route départementale (RD) 939, elle l'a exclue de la zone de chalandise au motif qu'elle accueille déjà quatre supermarchés, dont un centre commercial Leclerc, et que ses habitants ont des habitudes de déplacement et de consommation ancrées vers les communes littorales. Cependant, elle ne fournit aucune justification probante à l'appui de ces dernières affirmations et n'indique ni la surface de vente ni les activités commerciales proposées par les grandes surfaces situées à Etaples.

10. Eu égard à l'ampleur du projet, prévu en continuité d'un hypermarché existant dont la surface de vente va être triplée et comporter une offre complète de commerces et services, affiliés au même groupe, dont la vente de produits de bricolage au fort pouvoir attractif, la CNAC n'a pas commis d'erreur d'appréciation en incluant Etaples, et donc le magasin concurrent de bricolage exploité par la SARL Descamps et fils, dans la zone de chalandise.

En ce qui concerne la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) :

11. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

12. D'une part, le document d'orientation et d'objectifs (DOO) du SCoT du pays maritime et rural du Montreuillois prescrit comme objectifs en son point 2.3.4, intitulé " favoriser le développement du commerce dans les centralités urbaines ", de " maintenir des villes et des bourgs actifs et vivants et donc attractifs, où il fait bon vivre " et en son point 2.3.5, intitulé " organiser le développement du commerce ", que " l'organisation du commerce doit contribuer à préserver la vitalité des centres des villes et bourgs qui constituent les pôles principaux du pays ". Il met en avant le renforcement de quatre pôles structurants, dont l'un autour des communes du Touquet et d'Etaples et l'autre autour de la commune de Montreuil-sur-mer, dont il prescrit en son point 2.3.1 de faire " un pôle pivot vecteur du lien entre littoral et avant-pays ".

13. Il ne ressort pas de ce document que la commune d'Attin serait l'une des communes pôles, ni qu'elle serait incluse dans l'aire de polarité de Montreuil, qui s'étend au sud et à l'ouest, alors qu'elle est située au nord de cette commune dont elle n'est pas limitrophe et dont elle est séparée par une bande boisée.

14. D'autre part, le DOO du SCoT définit, en son point 2.3.5, " les localisations préférentielles pour l'implantation des commerces, et notamment ceux faisant l'objet d'autorisation, en privilégiant les centres-villes et les enveloppes urbaines existantes ". Il insiste sur l'objectif de maintien des commerces en centre-ville et n'admet le développement en périphérie " des espaces d'activité ayant une vocation commerciale constatée " qu'" au sein des périmètres aménagés existants " " dans le cadre d'un gabarit cohérent avec les accès et avec la taille et la vocation de la commune dans [laquelle] il s'insère (commune non pôle = proximité) ".

15. En l'espèce, si le projet est situé en périphérie d'Attin, il ne respecte pas, de par son gabarit et eu égard à la population de moins de 800 habitants de la commune d'implantation, la structuration commerciale prescrite par le DOO du SCoT et ne saurait s'apparenter à un " commerce de proximité ". En outre, la surface de vente et la diversité des activités envisagées risquent de porter atteinte à la vitalité commerciale des centres-villes des communes de la zone d'influence. Si la société pétitionnaire se prévaut des avis favorables à la compatibilité du projet avec le SCoT émis par les instances consultées par la CDAC, ces avis purement consultatifs ne lient pas l'auteur de l'arrêté. Enfin, la circonstance que le projet satisferait à l'objectif de développement durable promu par ailleurs par le SCoT, de par l'installation de toitures végétalisées et de panneaux photovoltaïques, ne suffit pas à le faire regarder comme compatible avec le SCoT, dont il compromet d'autres objectifs majeurs et prioritaires.

16. Il résulte de ce qui précède que la SCI Attindis n'est pas fondée à soutenir que son projet est compatible avec les orientations et objectifs définis par le SCoT du pays maritime et rural du Montreuillois.

En ce qui concerne le respect des objectifs et des critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :

17. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur un dossier de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

S'agissant de l'aménagement du territoire :

18. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : /1° En matière d'aménagement du territoire : /a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; /b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; /c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; /d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; /e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) ".

19. En premier lieu, si la SCI Attindis soutient que son projet va permettre de répondre aux besoins de la population installée en zone rurale, la multiplication par près de trois de la surface de vente du centre commercial, en périphérie d'une ville de moins de 800 habitants, apparaît disproportionnée par rapport à la taille des communes rurales de la zone de chalandise, dont la densité de population est faible et a peu augmenté en dix ans.

20. En outre, si elle affirme que son projet va permettre de freiner l'évasion commerciale vers le littoral, elle ne le démontre pas par les seuls résultats d'un " sondage " effectué d'après les déclarations de sa clientèle.

21. Il ressort, en revanche, des pièces du dossier que la zone de chalandise est bien équipée en commerces alimentaires et non-alimentaires, notamment à Montreuil-sur-mer, qui fait partie du programme " Petites villes de demain " et du dispositif régional " redynamisons nos centres-villes et centres-bourgs ". Si le taux de vacance commerciale y est faible, sa situation, comme celle de la commune d'Etaples, sera nécessairement fragilisée par un projet de grande envergure, facilement accessible par la RD 939, qui propose une offre complète de commerces alimentaires et non alimentaires, avec de nombreuses places de stationnement et des espaces de détente et de convivialité. Ainsi, l'enseigne de bricolage/jardinerie envisagée est de nature à concurrencer directement un commerce relevant du même secteur, situé à moins de 500 mètres, l'augmentation des rayons " bio " et des produits locaux de l'hypermarché va concurrencer les commerces de proximité et enfin, les activités envisagées dans la galerie marchande sont des activités de proximité qui existent déjà dans les centres-villes de la zone de chalandise et avec lesquels la société pétitionnaire ne démontre pas la complémentarité.

22. Par suite, le projet ne contribue pas à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial des centres-villes de la commune d'implantation et des communes de la zone de chalandise et est de nature à avoir un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine, rurale et du littoral. A cet égard, la société ne saurait utilement se prévaloir de ce que la cour a estimé que son précédent projet d'extension ne portait pas atteinte à ces objectifs, alors que l'extension en cause était sans commune mesure avec le projet en litige.

23. En deuxième lieu, le projet, qui se développe partiellement sur des terrains sans construction, ne fait pas d'effort significatif en termes de compacité, puisque la surface de plancher des activités commerciales est multipliée par trois et augmente de 12 602 m2, tandis que le parc de stationnement comporte 200 places supplémentaires et est porté à 467 places. Le projet ne répond ainsi pas à l'objectif tendant à la consommation économe de l'espace, notamment en matière de stationnement.

24. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la desserte du projet se fera principalement par automobile. D'une part, en dépit des trottoirs et accotements sécurisés pour les piétons sur la RD 939 qui dessert le centre commercial, les quartiers les plus densément peuplés d'Attin sont situés à une distance de plus de 1,5 kilomètres. D'autre part, en dépit de la prévision d'un parc à vélo de cent places, il n'existe pas de réseau structuré de pistes cyclables allant jusqu'au centre commercial. En outre, la desserte en transports en commun, actuellement limitée à deux allers-retours par bus par jour, n'apparaît pas suffisante, alors que la société ne justifie pas avoir demandé et obtenu de l'exploitant des deux lignes de bus l'accroissement des rotations.

25. Le projet ne répond ainsi pas aux objectifs d'accessibilité par les transports collectifs et d'utilisation de modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone. A cet égard, la société pétitionnaire ne saurait utilement se prévaloir de ce que la cour a estimé que son précédent projet d'extension ne portait pas atteinte à ces objectifs, alors que, ainsi qu'il a été déjà dit, l'extension en cause était sans commune mesure avec le projet en litige.

26. Il résulte de ce qui précède que le projet compromet la réalisation des objectifs posés par l'article L. 752-6 du code de commerce en matière d'aménagement du territoire.

S'agissant du développement durable :

27. D'une part, aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : (...) ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; (...). / V.- L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme. / (...) / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent V ainsi que les projets considérés comme engendrant une artificialisation des sols au sens du premier alinéa du présent V ". Le décret du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d'octroi de l'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols précise en son article 9 qu'il s'applique " pour les demandes déposées à compter du 15 octobre 2022. ".

28. En premier lieu, si l'arrêté attaqué indique que le projet conduit à " l'artificialisation de 17 109 m2 de surfaces perméables ", c'est pour apprécier l'évolution de la proportion des sols imperméabilisés au sein du site d'implantation, conformément aux points à prendre en considération en vertu de l'article L. 752-6, 2°, a, précité. Cette mention ne traduit pas l'application du nouveau critère de prohibition de l'artificialisation des sols introduit par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dont le décret d'application, intervenu le 13 octobre 2022, précise qu'il ne concerne que les demandes postérieures au 15 octobre 2022.

29. Il ressort des pièces du dossier que le projet a prévu de recourir aux énergies renouvelables en procédant à l'installation d'une toiture végétalisée sur plus de 4 000 m2 et de panneaux photovoltaïques sur plus de 5 000 m2, dans des proportions d'ailleurs supérieures à celles fixées par l'article L. 111-18-1 du code de l'urbanisme. Il a également intégré deux bassins de rétention des eaux pluviales, prévu 467 places de stationnement en revêtement perméable et la plantation de 204 arbres de haute tige pour porter les espaces verts à 49% du terrain d'assiette du projet.

30. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet prend place, pour partie, sur des terrains sans construction, boisés sur environ 5 000 m2 et intégrés dans une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type II, qui ne peuvent s'apparenter à une fiche industrielle, dès lors que l'exploitation d'une briqueterie à cet endroit remonte aux années 1950, que la société n'a produit aucune étude établissant le caractère déjà artificialisé du sol, et qu'elle a demandé une dérogation à l'interdiction d'artificialisation des sols. Même si le projet met en place un dispositif satisfaisant de réduction de la consommation énergétique des bâtiments et si l'administration l'a dispensé d'étude d'impact, il ne contribue pas à la préservation de l'environnement alors que la proportion d'espaces perméables sur l'emprise foncière diminue de 11 %, pour n'atteindre que 54 %.

31. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'extension du centre commercial est envisagée dans un environnement rural et pavillonnaire, sur un espace partiellement non construit jouxtant un espace boisé. En dépit de la végétalisation de la toiture et de l'ajout d'un bardage à claire voie pour habiller les façades, l'architecture monobloc des bâtiments donne au projet un aspect massif qui le rend visible des environs et notamment de la RD 939 et supprime toute perspective sur les espaces boisés et les champs environnants. Les arbres implantés en limite Nord du site en bordure de RD939 n'occulteront pas le site qui sera dominé, à l'entrée, par l'important parc de stationnement extérieur partiellement encerclé par les bâtiments. Dès lors, la reconstruction d'un point-retrait plus esthétique que le bâtiment vétuste existant ne peut suffire à faire regarder le projet comme satisfaisant à l'objectif d'intégration architecturale et paysagère.

32. Il résulte de ce qui précède que le projet compromet la réalisation des objectifs posés par l'article L. 752-6 du code de commerce en matière de développement durable.

33. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SCI Attindis n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le maire d'Attin a refusé de délivrer le permis de construire valant autorisation commerciale sollicité. Ses conclusions tendant à ce que la cour enjoigne à la CNAC de se prononcer à nouveau sur sa demande doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés au litige :

34. Partie perdante à l'instance, la SCI Attindis ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

35. Il y a en revanche lieu de mettre à sa charge, sur le même fondement, la somme de 2 000 euros à verser à chacune des trois sociétés défenderesses, à savoir la SAS Quincaillerie Etaploise Godin, la société à responsabilité limitée Etablissements Descamps et fils et la société Campi.

36. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir les conclusions présentées par la commune d'Attin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI Attindis est rejetée.

Article 2 : La SCI Attindis versera la somme de 2 000 euros à la SAS Quincaillerie Etaploise Godin, la somme de 2 000 euros à la société à responsabilité limitée Etablissements Descamps et fils et la somme de 2 000 euros à la société Campi en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune d'Attin présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) Attindis, à la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), à la société par actions simplifiée (SAS) Quincaillerie Etaploise Godin, à la société à responsabilité limitée (SARL) Etablissements Descamps et fils, à la société par actions simplifiée (SAS) Campi, à la commune d'Attin, et au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 1er février 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA02283 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02283
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP WABLE TRUNECEK TACHON AUBRON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;22da02283 ?
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