Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Pakistan comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer le titre de séjour demandé ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation. Enfin, il a demandé au tribunal de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2300382 du 5 mai 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, M. B..., représenté par Me Tourbier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, contre renonciation de celui-ci au bénéfice de l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision lui refusant un titre de séjour est entachée d'insuffisance de motivation, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et médicale, qui explique ses difficultés scolaires ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Somme, qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 12 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2023 à 12 heures.
M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 5 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant pakistanais né le 8 juin 2004, qui déclare être entré en France le 9 juillet 2019, a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Par une demande déposée le 29 juin 2022, dans laquelle il se prévaut de sa qualité de jeune majeur confié à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 janvier 2023, le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 5 mai 2023, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 2023.
2. En premier lieu, la décision vise les textes dont elle fait application et mentionne les circonstances et les motifs faisant obstacle à ce qu'un titre de séjour soit délivré à M. B..., notamment l'absence de sérieux dans la poursuite de ses études. Si M. B... soutient que le préfet n'a pas fait mention de ses problèmes personnels et de sa situation médicale, il n'apparaît aucunement qu'il aurait fait état, dans sa demande de titre de séjour, de telles circonstances propres à influencer l'appréciation de l'administration préfectorale, de sorte qu'elle aurait dû en faire état pour justifier le sens de sa décision. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé cette décision de refus de séjour.
3. En deuxième lieu, aux termes de de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".
4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, le préfet ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
5. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B..., le préfet de la Somme a relevé que, d'après ses bulletins scolaires, il ne fait pas preuve de sérieux dans la poursuite de ses études et a été régulièrement mis en garde par les conseils de classe pour son manque d'investissement et ses résultats catastrophiques. L'arrêté contesté retient également que, célibataire et sans enfant, M. B... n'a aucune attache privée et familiale en France et est demeuré en contact avec toute sa famille proche résidant au Pakistan.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est inscrit dans un centre de formation le préparant aux épreuves du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en cuisine et accueilli dans un établissement de restauration dans le cadre d'un contrat d'apprentissage. Alors que ses évaluations pour le second semestre 2020-2021 mentionnent un manque de sérieux dans le travail, qui ne permet pas de pallier aux difficultés rencontrées, il résulte de ses évaluations pour le 1er semestre 2021-2022, le même manque d'implication, de sérieux et d'intérêt pour la formation. Ces mêmes évaluations font par ailleurs état, pour chacun des semestres concernés, d'absences injustifiées, respectivement à hauteur de 28 heures et 52 heures 30. Si, pour expliquer ses déficiences scolaires durant cette période, l'appelant soutient avoir rencontré des difficultés personnelles, en particulier d'ordre médical, il n'en justifie pas par la seule production de trois certificats médicaux, établis les 16 et 25 janvier 2023 par son médecin généraliste, postérieurement à l'arrêté contesté et à la période concernée par les évaluations précitées. Contrairement à ce qu'il soutient, M. B... ne justifie ainsi pas du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, tel qu'exigé par les dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, l'appelant, dont les parents et les quatre frères et sœurs résident au Pakistan, n'apporte pas d'éléments de nature à établir qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine, alors que le préfet produit à l'instance des éléments dont il ressort qu'il n'a pas interrompu tout lien avec sa famille. Dans ces conditions et même si la note sociale produite par l'intéressé mentionne son engagement dans son parcours d'insertion, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Somme aurait méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 6, alors même que le comportement de M. B... n'aurait jamais été constitutif d'une menace pour l'ordre public, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Somme aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ce moyen doit être écarté.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Tourbier.
Copie en sera délivrée au préfet de la Somme.
Délibéré après l'audience publique du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
Le président de la formation de jugement,
Signé : J-M. Guérin-Lebacq
Le greffier,
Signé : F. Cheppe
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
F. Cheppe
N°23DA01019 2