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25/01/2024 | FRANCE | N°23DA00238

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 25 janvier 2024, 23DA00238


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer, en droits et pénalités, à titre principal la décharge et à titre subsidiaire la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 à 2016.



Par un jugement n° 2002904 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure devant la

cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 février 2023 et le 2 janvier 2024, M. C..., représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer, en droits et pénalités, à titre principal la décharge et à titre subsidiaire la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 à 2016.

Par un jugement n° 2002904 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 février 2023 et le 2 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Delattre, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, en droits et pénalités, la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux en litige ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer une réduction de ces cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux et de réformer ce jugement ;

4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, le jugement attaqué, qui ne comporte aucune réponse expresse à son moyen tiré du caractère exagéré des recettes reconstituées par le service vérificateur au regard des conditions réelles d'exploitation de l'établissement de la SARL Alka, dont il est le gérant et l'associé, est irrégulier comme insuffisamment motivé ;

- les propositions de rectification qui lui ont été adressées dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure de rectification contradictoire le 19 décembre 2017 et le 8 mars 2018 et auxquelles il n'est pas établi qu'étaient jointes les copies des propositions de rectification adressées les mêmes jours à la SARL Alka, étaient insuffisamment motivées au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; cette irrégularité substantielle de la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard entraîne la décharge, en droits et pénalités, de l'intégralité des cotisations d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux en litige ;

- l'administration n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce que les sommes qu'elle a regardées comme correspondant à des revenus distribués, entre ses mains, par la SARL Alka ont effectivement été désinvesties par cette société et, en se bornant à se prévaloir de la présomption attachée à la qualité de maître de l'affaire, alors qu'il n'est pas un associé majoritaire, que ces sommes ont été appréhendées par lui ;

- à titre subsidiaire, la reconstitution, par le service vérificateur, des recettes taxables de la SARL Alka a conduit à déterminer un niveau de chiffre d'affaires excessif au regard de l'activité réelle de l'établissement, telle qu'elle ressort notamment de la carte des produits proposés à la vente et du livre de recettes produit au vérificateur ; en particulier, cette reconstitution ne tient pas compte d'un prix réaliste pour la vente seule de boissons non alcoolisées, toutes les ventes de ces boissons ayant été considérées comme nécessairement incluses dans un menu ; en outre, la dose de 2 cl retenue pour la vente de raki au verre est manifestement inférieure aux usages de la profession et à ce que retient le site de la sécurité routière pour la vente d'alcools distillés à 40°, à savoir 3 cl ; la méthode alternative de reconstitution qu'il propose permet d'aboutir, pour ce qui concerne les trois exercices en cause, à des chiffres d'affaires moins élevés et plus cohérents que ceux retenus par le service pour reconstituer les recettes taxables de la SARL Alka et, moyennent la prise en compte d'un taux représentatif des pertes et de la consommation du personnel au moins égal à 10 %, rapporté au taux de 5 % retenu par l'administration, les bénéfices imposables de l'établissement ;

- ainsi que vient de le juger la cour européenne des droits de l'homme, par une décision du 7 décembre 2023 n°26604/16 / Waldner c/France, la majoration d'assiette de 25 %, prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts a été appliquée par l'administration, pour la détermination des bases des cotisations d'impôt sur le revenu en litige, en méconnaissance de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'administration n'a pas suffisamment motivé, au regard des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, sa décision de faire application, aux impositions et prélèvements sociaux en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts ;

- cette majoration, appliquée aux cotisations d'impôt sur le revenu et prélèvements sociaux en litige, n'est pas fondée, faute pour l'administration d'apporter la preuve, qui lui incombe en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention d'éluder l'impôt qu'elle lui prête.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2023, et par un mémoire, enregistré le 5 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les propositions de rectification adressées à M. C... le 19 décembre 2017 et le 8 mars 2018, qui, par elles-mêmes, contiennent les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir les impositions et prélèvements sociaux en litige et qui, comme leurs mentions et celles des avis de réception postaux correspondants le précisent d'ailleurs expressément, étaient accompagnées d'une copie des propositions de rectification adressées le même jour à la SARL Alka, auxquelles elles renvoient, étaient suffisamment motivées au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; à supposer même que, comme l'allègue M. C..., les copies annoncées aient été omises, en dépit de ces mentions explicites, l'intéressé n'a accompli aucune diligence pour se les procurer ;

- M. C..., qui n'a formulé aucune observation en contestation des rehaussements qui lui ont été régulièrement notifiés le 19 décembre 2017 et le 8 mars 2018, supporte, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions et prélèvements sociaux en litige ;

- l'administration était fondée à écarter, comme irrégulière, insincère et dépourvue de caractère probant, la comptabilité de la SARL Alka et à procéder à une reconstitution des recettes taxables ainsi que des résultats imposables de son établissement ;

- la reconstitution opérée par le service tient compte des produits achetés et proposés à la vente par la SARL Alka, de même que des tarifs pratiqués dans son établissement ; en l'absence de caisse enregistreuse et eu égard au caractère reconstitué du livre de recettes produit au vérificateur, au demeurant affecté de nombreuses incohérences, le service ne disposait d'aucun élément fiable lui permettant, à partir des recettes et dépenses journalières réelles par produit, de déterminer un prix moyen différencié pour les boissons vendues seules et avec un menu ; en outre, la dose de 2 cl retenue pour la vente de raki, qui est un alcool distillé à 45°, est conforme aux pratiques de la profession de la restauration en ce qui concerne la vente des alcools forts ; pour ces motifs, la reconstitution proposée, à titre alternatif, par M. C... à partir du livre de recettes produit par la SARL Alka et qui aboutit d'ailleurs à des chiffres d'affaires supérieurs à ceux retenus par le service, n'est pas pertinente ;

- M. C..., qui se borne à faire état d'un pourcentage de pertes très important sur des produits tels que la viande de kebab, n'apporte aucun élément concret de nature à étayer son allégation ;

- dès lors qu'une partie seulement des factures d'achat de bière et de vin ont été produites par la SARL Alka pour ce qui concerne l'exercice clos en 2015 et qu'aucune de ces factures n'a été fournie pour ce qui concerne l'exercice clos en 2016, les recettes tirées des ventes de ces produits n'ont été que partiellement reconstituées sur la vente de ces produits, pourtant proposés à la clientèle de l'établissement au cours de la période vérifiée, de sorte que la reconstitution opérée par l'administration s'avère favorable à la SARL Alka ;

- M. C..., qui détenait 50 % des parts de la SARL Alka, dont il était l'unique gérant, exerçait, à ce titre, la gestion administrative, commerciale et financière de la société, qu'il était habilité à représenter et à engager auprès des tiers, et il doit donc être regardé comme le seul maître de l'affaire au cours des années d'imposition en litige ; en cette qualité, il est réputé avoir appréhendé l'ensemble des recettes reconstituées pour la SARL Alka, qui ont la nature de revenus distribués imposés à bon droit entre ses mains sur le fondement des 1° et 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; en tant que de besoin, il est sollicité, pour ce qui concerne les éléments des résultats reconstitués qui ne correspondent pas à un bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés, de substituer aux dispositions du 2° du 1 de l'article 109 de ce code celles du c de l'article 111 du même code ;

- le moyen tiré de l'inconventionnalité de la majoration d'assiette de 25 %, prévue au 2° du 7. de l'article 158 du code général des impôts, appliquée pour la détermination des bases des cotisations d'impôt sur le revenu en litige, au regard des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé ; M. C... ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir d'une décision par laquelle la cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée sur la conventionnalité d'une majoration distincte et dont les conditions d'application sont spécifiques et différentes de celle en litige ; le moyen de M. C... ne pourrait davantage prospérer sur le terrain de la constitutionnalité de la majoration critiquée, faute pour l'intéressé de l'avoir présenté dans le cadre d'un mémoire distinct ;

- l'administration a suffisamment motivé, au regard de l'exigence posée par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, sa décision de faire application, aux impositions et prélèvements sociaux en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts ;

- eu égard aux importantes minorations de recettes mises en évidence par le service à l'issue de la reconstitution des recettes de l'établissement, lesquelles ont été permises par des pratiques comptables irrégulières et conscientes de M. C..., gérant de la SARL Alka, le caractère délibéré des manquements ayant permis à l'intéressé, qui n'a déclaré aucun revenu au titre des années en litige, de soustraire à l'impôt l'intégralité des revenus distribués perçus de son activité, a été retenu à bon droit et la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, a été appliquée à bon droit aux suppléments d'impôt sur les sociétés et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel qui y est annexé ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Alka exploite, à Hazebrouck (Nord), un fonds de commerce de restauration rapide sous l'enseigne " Le Pacha ". Elle a pour gérant statutaire, depuis juin 2012, M. A... C..., qui détient la moitié de ses parts sociales. Cette société a fait l'objet, à la fin de l'année 2017, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016. Le vérificateur ayant estimé que la comptabilité de l'entreprise présentait de nombreuses et substantielles anomalies qui lui sont apparues de nature à en altérer le caractère probant, il a procédé à une reconstitution des chiffres d'affaires taxables et des résultats imposables de l'établissement. Il en a résulté des rehaussements en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, qui ont été portés à la connaissance de la SARL Alka par deux propositions de rectification adressées le 19 décembre 2017, pour ce qui concerne l'exercice clos en 2014 ainsi que la période correspondante, et le 8 mars 2018 pour ce qui concerne les exercices clos en 2015 et en 2016 ainsi que les périodes correspondantes.

2. Parallèlement, l'administration a estimé que M. C..., qu'elle a regardé comme le seul maître de l'affaire, avait appréhendé, comme revenus distribués imposables entre ses mains sur le fondement des 1° et 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les recettes ainsi reconstituées. Elle a fait connaître cette analyse à l'intéressé par deux propositions de rectification qui lui ont été adressées le 19 décembre 2017 pour ce qui concerne l'année 2014 et le 8 mars 2018 pour ce qui concerne les années 2015 et 2016. M. C... n'ayant déclaré aucun revenu au titre de ces années et n'ayant formulé aucune observation sur ces notifications, les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rectifications notifiées ont été mises en recouvrement le 30 juin 2018, à hauteur des montants respectifs de 37 373 euros et 25 773 euros, en droits et pénalités. Sa réclamation ayant été rejetée, M. C... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer, en droits et pénalités, à titre principal la décharge et à titre subsidiaire la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 à 2016. M. C... relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort des motifs du jugement dont M. C... a relevé appel que le tribunal administratif a, par les motifs énoncés au point 15 de ce jugement, apporté une réponse expresse et suffisante au moyen tiré, par le requérant, du caractère exagéré, au regard des conditions réelles d'exploitation de l'établissement de la SARL Alka, des chiffres d'affaires reconstitués par l'administration, en retenant que la méthode alternative proposée par M. C..., qui, notamment, ne tenait pas compte des recettes tirées de la vente des produits non mentionnés dans les cahiers des recettes, ne permettait pas de déterminer les chiffres d'affaires et résultats imposables réalisés au cours des exercices en litige avec davantage de précision que celle retenue par le service. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier comme entaché, sur ce point, d'une insuffisante motivation manque en fait.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En vertu des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, applicables lorsque, comme en l'espèce, la procédure de rectification contradictoire a été mise en œuvre, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

5. Les propositions de rectification adressées le 19 décembre 2017 et le 8 mars 2018 à M. C... font mention des années ainsi que de l'impôt et des contributions concernés par les rehaussements qu'elles ont chacune pour objet de notifier. En outre, ces propositions de rectification exposent que, dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la SARL Alka, il a été constaté que la comptabilité de l'établissement de restauration rapide exploitée par celle-ci était affectée d'anomalies de nature à la rendre irrégulière, insincère et non probante, ce qui justifie que le service vérificateur l'écarte et procède à une reconstitution des recettes taxables ainsi que des résultats imposables de l'établissement. Les mêmes documents renvoient, en ce qui concerne le détail des anomalies comptables relevées ainsi que l'objet et la nature des rectifications envisagées à l'égard de la SARL Alka, aux deux propositions de rectification se rapportant à l'année considérée et notifiées le même jour au représentant de cette société, en précisant qu'une copie en est jointe. En outre, les propositions de rectification notifiées à M. C... exposent les raisons pour lesquelles l'administration l'a regardé comme étant, au cours des années d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire et, en conséquence, celles pour lesquelles il est réputé avoir appréhendé en tant que revenus distribués, d'une part, les sommes correspondant aux bénéfices reconstitués de la SARL Alka soumises à l'impôt sur les sociétés et que l'administration regarde comme imposables entre ses mains sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et, d'autre part, les sommes regardées comme distribuées quoique n'ayant pas été soumises à l'impôt sur les sociétés que l'administration a entendu imposer sur le fondement du 2° du 1 de ce même article 109. Enfin, les propositions de rectification adressées à M. C... exposent les fondements légaux et les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration a entendu fonder les prélèvements sociaux qu'elle entend mettre à sa charge.

6. Si M. C... conteste qu'une copie des propositions de rectification adressées à la SARL Alka était jointe à celles qui lui ont été adressées le même jour, de sorte qu'il n'a pas été mis à même de comprendre le mode de calcul des sommes que l'administration se proposait de soumettre entre ses mains à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, ni de formuler d'utiles observations pour les contester, il n'avance, au soutien de ses dénégations, aucun indice de nature à faire naître un doute suffisamment sérieux sur ce point, alors que les deux propositions de rectification qui lui ont été personnellement adressées comportent un renvoi exprès à celles notifiées à la SARL Alka et que les avis de réception postaux correspondant aux plis adressés à M. C..., produits par le ministre, mentionnent également la présence de cette copie de la notification " 3924 " en pièce jointe aux propositions de rectification " 2120 " adressées à M. C.... A cet égard, le fait, invoqué par ce dernier, que le nombre de pages mentionné sur la page de garde de chacune des propositions de rectification qui lui ont été adressées ne tient pas compte de ces documents joints en annexe ne peut pas constituer un indice pertinent, dès lors que cette manière de faire correspond à la pratique habituelle de l'administration.

7. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que les originaux des propositions de rectification adressées à la SARL Alka ont été adressés le même jour à M. C..., en sa qualité de gérant de cette société, et l'intéressé ne soutient pas ne pas en avoir été simultanément rendu destinataire. Il suit de là que le moyen tiré, par M. C..., de l'insuffisante motivation des propositions de rectification qui lui ont été notifiées doit être écarté.

Sur le bien-fondé des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux :

En ce qui concerne l'appréhension de revenus distribués :

S'agissant des sommes retenues pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés :

8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) ".

9. Il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve que le contribuable a effectivement disposé des sommes regardées par elle comme distribuées par une société. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. L'invocation de cette présomption pour établir l'appréhension des sommes en cause ne dispense cependant pas l'administration, avant de pouvoir imposer celles-ci sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, d'établir, au préalable, que ces sommes correspondent, pour la société versante, à un désinvestissement.

10. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige procèdent, ainsi qu'il a été dit précédemment, de l'inclusion dans les revenus imposables de M. C..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de sommes correspondant à un rehaussement des bénéfices de la SARL Alka au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, et regardées comme des revenus distribués par cette société à M. C..., que l'administration a regardé comme le seul maître de l'affaire.

Quant à la condition de désinvestissement :

11. Les rehaussements notifiés à la SARL Alka résultent, ainsi qu'il a été dit, de la reconstitution de son chiffre d'affaires taxable à laquelle le vérificateur a procédé, en se fondant sur les relevés d'achats communiqués par les principaux fournisseurs de cette société et les relevés de recettes fournis par celle-ci à l'expert-comptable, après correction des anomalies que ceux-ci présentaient. Cette méthode a conduit le vérificateur à constater l'insuffisance du chiffre d'affaires déclaré par la SARL Alka au titre des exercice clos en 2014, 2015 et 2016 et à établir des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée. En outre, la reconstitution des résultats imposables de la société a tiré les conséquences de cette opération, en déduisant des montants des achats revendus, tels que reconstitués par le service, un abattement forfaitaire de 5 % pour tenir compte des pertes, des offerts et de la consommation du personnel.

12. Dans cette situation dans laquelle, d'une part, la reconstitution des recettes taxables et des résultats avant impôt tirés de l'activité de la SARL Alka a conduit le service à mettre en évidence une minoration importante des recettes portées par l'entreprise sur ses déclarations de chiffre d'affaires, d'autre part, le service a écarté comme insuffisamment sincère et probante la comptabilité de l'établissement et, enfin, en l'absence, au vu des constatations dont le service a rendu compte dans les propositions de rectification adressées à la société, d'indice en ce sens, les bénéfices ainsi reconstitués ne peuvent pas être regardés comme ayant été mis en réserve ou incorporés au capital mais doivent être regardés comme ayant été désinvestis, d'autant que M. C... n'a déclaré aucun revenu au titre des années d'imposition en litige et ne soutient pas que ces bénéfices auraient été conservés par l'entreprise.

Quant à la qualité de maître de l'affaire :

13. L'administration a entendu, en ce qui concerne ces bénéfices de la SARL Alka, se prévaloir, pour fonder les suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux en litige, de la présomption d'appréhension attachée à la qualité de seul maître de l'affaire, après avoir estimé, à partir d'un faisceau d'indices, que cette qualité devait être attribuée à M. C.... Au nombre de ces indices figuraient les circonstances que l'intéressé était au cours des années 2014, 2015 et 2016, un associé et le gérant statutaire de la SARL Alka et qu'il était le seul habilité, en cette qualité, à représenter et à engager à l'égard des tiers.

14. En soutenant qu'il n'était pas, au cours des années d'imposition en litige, l'associé majoritaire de la SARL Alka, dont il détenait uniquement la moitié des parts, M. C... ne conteste pas utilement le bien-fondé des constats ainsi opérés par l'administration, qui doivent être regardés comme établissant qu'il était le seul maître de l'affaire au cours des années d'imposition 2014, 2015 et 2016 en litige. La part soumise à l'impôt sur les sociétés des résultats reconstitués pour la SARL Alka au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 doit, par suite, être réputée avoir été entièrement appréhendée par M. C..., qui ne peut utilement soutenir que l'administration n'aurait mis en évidence aucun prélèvement effectif de sa part. Le service était, dès lors, fondé à soumettre les sommes correspondantes à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre des années 2014, 2015 et 2016, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.

S'agissant des sommes ne correspondant pas à un bénéfice imposé à l'impôt sur les sociétés :

15. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ".

16. Lorsqu'il n'a pas donné lieu à l'établissement d'une cotisation d'impôt sur les sociétés, le rehaussement des résultats d'une société ne saurait par lui-même révéler l'existence de bénéfices ou produits non mis en réserve ou incorporés au capital, taxables entre les mains de leur bénéficiaire comme revenus distribués. Pour soumettre à l'impôt sur le revenu de tels revenus sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir qu'ils ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer soit le maître de l'affaire est à cet égard sans incidence.

17. Eu égard à ce qui vient d'être dit, c'est à tort que, pour soumettre à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux entre les mains de M. C..., sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, des sommes correspondant à des éléments des résultats comptables reconstitués de la SARL Alka mais n'ayant pas été soumis à l'impôt sur les sociétés, l'administration a exclusivement invoqué la présomption attachée à la qualité de seul maître de l'affaire, sans faire état d'indices d'une appréhension effective des sommes en cause par l'intéressé.

18. Toutefois, l'administration est en droit d'invoquer, à un moment quelconque de la procédure contentieuse, y compris en cause d'appel, et sans être tenue d'adresser une nouvelle notification de redressement, tout moyen nouveau propre à donner un fondement légal à une imposition contestée devant le juge de l'impôt sous réserve de ne pas priver le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi.

19. Or le ministre demande que soient substituées à ces dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts celles du c de l'article 111 du même code, dans leur rédaction applicable au présent litige, aux termes desquelles : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

20. D'une part, les bénéfices dissimulés réalisés par une société de capitaux ont le caractère de rémunérations et avantages occultes imposables sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts et l'administration est réputée apporter la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, le seul maître de l'affaire.

21. D'autre part, la substitution de base légale sollicitée par le ministre n'a pour effet de priver M. C... d'aucune garantie de procédure. Il y a donc lieu de faire droit à cette demande et de confirmer l'imposition des sommes en cause sur ce fondement.

En ce qui concerne le montant des revenus distribués :

S'agissant de la charge de la preuve :

22. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / (...) ".

23. Il est constant que M. C... n'a formulé aucune observation sur la proposition de rectification qui lui a été adressée le 19 décembre 2017, qu'il n'a pas retirée, avant l'expiration du délai de conservation du pli, auprès du bureau de distribution désigné et qu'il s'est borné à demander, en réponse à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 8 mars 2018, une remise gracieuse des pénalités ainsi qu'un échéancier de paiement, laquelle demande n'avait pas le caractère d'observations tendant à contester les rehaussements notifiés. M. C..., qui, ainsi, doit être regardé comme ayant tacitement accepté les rectifications, supporte, en application des de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige.

S'agissant de la contestation de la reconstitution des recettes taxables et des résultats imposables de la société :

24. Ainsi qu'il a été dit, au cours du contrôle dont a fait l'objet la SARL Alka, le vérificateur a constaté que la comptabilité de cette société présentait, pour la période vérifiée, de graves irrégularités, anomalies et incohérences de nature à en altérer l'exhaustivité, la sincérité et le caractère probant. En particulier, le vérificateur a relevé l'absence de production d'un brouillard de caisse, le défaut de présentation d'un inventaire physique des stocks se rapportant à l'exercice clos en 2014 ainsi que, pour toute la période vérifiée, l'absence de tout document, tels des copies de notes ou des souches de carnets d'addition ayant permis l'établissement des livres de recettes transmis, avant le contrôle, à l'expert-comptable de la société ou présentés au vérificateur, ces derniers comportant de nombreuses ratures, corrections ou incohérences par rapport aux autres éléments consultés et ayant manifestement été reconstitués pour les besoins du contrôle. Dans ces conditions, l'administration a écarté comme irrégulière et dépourvue de caractère probant la comptabilité de la SARL Alka se rapportant aux exercices vérifiés et a procédé à une reconstitution des recettes taxables et des résultats imposables s'y rapportant.

25. M. C..., qui ne conteste plus, en cause d'appel, le bien-fondé des motifs ayant conduit l'administration à écarter la comptabilité de la SARL Alka, ni ne prétend que la méthode de reconstitution mise en œuvre par l'administration serait radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire dans ses modalités de mise en œuvre, soutient cependant que cette méthode a conduit à établir un niveau de chiffre d'affaires excessif pour les trois exercices vérifiés, dès lors qu'elle a pris en compte des tarifs insuffisamment différenciés selon la nature des produits proposés à la vente dans l'établissement de la SARL Alka et, par suite, excessivement élevés, ainsi que des dosages inexacts en ce qui concerne l'alcool entrant dans la composition du raki.

Quant à la méthode mise en œuvre par le vérificateur :

26. Ainsi qu'il a été dit, il résulte des propositions de rectification que le service a déduit des relevés d'achats communiqués par les principaux fournisseurs de la SARL Alka que les livres de recettes fournis en dernier lieu au vérificateur n'étaient pas probants dès lors qu'ils comportaient de nombreuses incohérences, se traduisant par l'absence de prise en compte de nombreux achats manifestement revendus au cours de la période vérifiée et, s'agissant des recettes retenues, par de nombreuses erreurs de calcul ou de report de prix ayant conduit à les minimiser. En particulier, le vérificateur a constaté l'absence de prise en compte, durant les trois exercices vérifiés, de la majeure partie des ventes de bière, de vin et de pâtisseries turques, alors pourtant que ces produits avaient fait l'objet d'achats auprès de fournisseurs, ainsi qu'une importante minoration des ventes d'eaux minérales et des menus " enfant ", par rapport aux quantités achetées auprès des fournisseurs. Il est également apparu que les recettes ainsi reprises dans ces livres de recettes étaient, pour un grand nombre d'entre elles, inférieures aux montants portés en produits dans la comptabilité de la SARL Alka et que celle-ci n'avait été en mesure de justifier d'aucun de ces écarts, ni d'aucune des incohérences ainsi constatées.

27. En conséquence, la reconstitution des recettes de la SARL Alka a utilisé, pour les trois exercices vérifiés, d'autres éléments comptables disponibles ainsi que les renseignements recueillis auprès des tiers.

28. Dans un premier temps, le vérificateur a divisé le chiffre d'affaires que la société avait déclaré par le nombre de boissons vendues, toutes non alcoolisées, ressortant des livres des recettes remis par la société à l'expert-comptable qui, à la différence des livres mentionnés au point précédent, comportaient le détail des produits vendus. Il a ainsi obtenu une recette moyenne par boisson. Il a ensuite appliqué cette recette aux achats communiqués par les principaux fournisseurs de la société, en déduisant de l'absence d'inventaire des stocks pour l'exercice clos en 2014 que tous les achats effectués au cours de cet exercice avaient été revendus au cours de l'exercice et en tenant compte des états de stocks produits au vérificateur pour les exercices suivants.

29. Dans un deuxième temps, le vérificateur a évalué la recette tirée des achats de boissons alcoolisées, des pâtisseries turques et des boîtes destinées à un menu " enfant ", qui ne figuraient généralement pas sur les livres de recettes remis à l'expert-comptable, en tenant compte des achats indiqués par les fournisseurs, des prix de vente affichés dans l'établissement et, s'agissant des dosages des boissons, des usages de la profession.

30. Dans un troisième temps, le vérificateur a pratiqué un abattement de 5 % sur les achats revendus de l'ensemble des produits pour tenir compte des pertes, des offerts et de la consommation personnelle.

31. Cette reconstitution des recettes se rapportant à chacun des exercices et périodes vérifiés a conduit le service à établir, par comparaison avec les éléments déclarés par la SARL Alka, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt sur les sociétés qu'il y avait lieu de mettre à la charge de celle-ci.

Quant aux critiques formulées par M. C... :

32. En premier lieu, M. C... conteste cette reconstitution en exposant qu'elle retient un tarif unique pour ses ventes de boissons non alcoolisées alors que ces boissons étaient proposées à un tarif différent selon qu'elles étaient ou non incluses dans un menu et que plusieurs de ses clients avaient pour habitude de commander des boissons seules.

33. Toutefois, M. C..., alors que la comptabilité de la SARL Alka a été écartée comme non probante et qu'il ne peut utilement invoquer les livres de recettes qu'elle a reconstitués pour les besoins du contrôle, insuffisamment probants pour les raisons déjà exposées, n'apporte aucun élément fiable au soutien de ses allégations, alors que celles-ci ne correspondent pas aux pratiques commerciales en vigueur dans les établissements de restauration rapide, dans lesquels les boissons non alcoolisées sont généralement proposées à la vente en accompagnement d'une préparation alimentaire, le plus souvent dans le cadre d'une formule, ce qui était d'ailleurs la pratique de la SARL Alka au cours des exercices vérifiés, comme en témoigne la carte dont une copie a été versée à l'instruction, le seul fait que cette carte comporte un tarif pour la vente d'une boisson non alcoolisée seule ne pouvant suffire à justifier d'une pratique commerciale différente.

34. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de retenir la méthode de reconstitution alternative proposée par M. C..., laquelle est notamment fondée sur les données de ces livres de recettes reconstitués pour les besoins du contrôle.

35. En deuxième lieu, M. C... soutient que la dose retenue par le vérificateur pour évaluer les recettes réalisées sur la vente de raki, à savoir 2 cl d'alcool par verre, est insuffisante, ce qui a conduit à la détermination d'un chiffre d'affaires excessif sur ces ventes.

36. Toutefois, la dose de 3 cl qu'il propose comme plus pertinente, correspond aux usages de la profession de la restauration et au dosage retenu par le site de la sécurité routière en ce qui concerne les ventes d'alcools forts distillés à 40°, alors qu'il ne conteste pas que le raki est un alcool distillé à 45°, ce qui justifie un dosage moins élevé de la quantité servie.

37. Dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément, il y a lieu de retenir que le service vérificateur était fondé à retenir ce dosage de 2 cl pour évaluer le chiffre d'affaires réalisé par l'établissement sur les ventes de raki effectuées durant la période vérifiée.

38. En troisième lieu, M. C... soutient que l'abattement de 5 % retenu par le vérificateur pour tenir compte, à la fois, des pertes, des offerts et de la consommation du personnel, avant de déterminer le résultat imposable de chacun des trois exercices en litige, est insuffisant et propose de retenir un abattement de 5 % pour tenir compte des seules pertes, qu'il estime très importantes pour certaines denrées, telles la viande pour kebab, ainsi qu'un autre abattement de 5 % pour tenir compte de la consommation du personnel.

39. Toutefois, M. C... n'apporte aucun élément de nature à justifier le bien-fondé de cette proposition, qui ne peut, dès lors, être retenue.

40. D'ailleurs, ainsi que le fait valoir le ministre, dès lors qu'une partie seulement des factures d'achat de bière et de vin ont été produites pour ce qui concerne l'exercice clos en 2015 et qu'aucune de ces factures n'a été fournie pour ce qui concerne l'exercice clos en 2016, les recettes tirées, par la SARL Alka des ventes de ces produits, pourtant proposés à la clientèle de l'établissement au cours de la période vérifiée, n'ont été que partiellement reconstituées de sorte que la reconstitution opérée par l'administration ne s'avère pas défavorable à la SARL Alka.

41. Eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, M. C... ne peut être regardé, par sa contestation des modalités de reconstitution des recettes taxables et résultats imposables de la SARL Alka, comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige.

En ce qui concerne l'application de la majoration d'assiette pour le calcul des cotisations d'impôt sur le revenu en litige :

42. Aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

43. En vertu du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, le montant des revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111 de ce code et à l'article 109 du même code, résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice, retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, est multiplié par 1,25.

44. Les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts d'une part ne portent pas aux biens des contribuables une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général qu'elles poursuivent et d'autre part placent, pour la détermination des bases de l'impôt sur le revenu, les contribuables ayant perçu des revenus distribués prévus aux articles 109 et 111 c du code général des impôts dans une situation différente, au regard de l'objet de la loi, de celle des contribuables imposés à raison de salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles. Ces dispositions ne sont donc pas contraires aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

45. M. C... ne peut, à cet égard, utilement invoquer la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2023 dans l'affaire 26604/16 Waldner c/ France, qui s'est prononcée sur la conventionnalité d'une majoration distincte, prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts et applicable aux titulaires de bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles quand ils ne sont pas adhérents à un organisme de gestion agréé.

Sur les pénalités :

46. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

47. En outre, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du même livre : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

48. Pour justifier, comme la charge lui incombe, en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'application, aux cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu, selon les termes des propositions de rectification adressées le 19 décembre 2017 et le 8 mars 2018 à M. C..., que la reconstitution des recettes de l'établissement exploité par la SARL Alka avait permis de mettre en évidence d'importantes minorations des recettes déclarées par rapport non seulement aux recettes reconstituées mais aussi par rapport à celles figurant sur les livres de recettes que la société avait présentées au vérificateur.

49. L'administration a retenu, en outre, que ces minorations des recettes déclarées avaient été permises par des pratiques comptables irrégulières et conscientes du gérant et maître de l'affaire de la SARL Alka, M. C..., qui ne pouvait pas ignorer qu'il avait appréhendé les recettes non déclarées par la société.

50. Ces motifs, qui constituaient une motivation suffisante au regard de l'exigence posée par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, sont de nature à établir l'intention délibérée qui a animé M. C... au cours de la période vérifiée, ainsi que le bien-fondé de la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts dont il a été fait application.

51. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et que ses conclusions tendant à la décharge ou, à titre subsidiaire, à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige doivent être rejetées.

52. Par voie de conséquence les conclusions que M. C... présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 11 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. B...Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°23DA00238

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00238
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;23da00238 ?
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