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18/01/2024 | FRANCE | N°22DA01503

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 18 janvier 2024, 22DA01503


Vu la procédure suivante :





Procédure antérieure contentieuse :



La commune de Thieux, l'association du regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise (ROSO), M. C... B..., M. A... L..., M. H... E..., Mme J... F... et M. G... I... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 5 mai 2017 par lequel le préfet de l'Oise a autorisé la société Parc Eolien Nordex LVI à exploiter deux éoliennes sur le territoire de la commune de Noyers-Saint-Martin, ainsi que la décision implicite portant rejet de leur recours

gracieux.



Par un jugement avant-dire droit n° 1703044 du 22 novembre 2019, le t...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure contentieuse :

La commune de Thieux, l'association du regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise (ROSO), M. C... B..., M. A... L..., M. H... E..., Mme J... F... et M. G... I... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 5 mai 2017 par lequel le préfet de l'Oise a autorisé la société Parc Eolien Nordex LVI à exploiter deux éoliennes sur le territoire de la commune de Noyers-Saint-Martin, ainsi que la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement avant-dire droit n° 1703044 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif d'Amiens a sursis à statuer sur cette demande jusqu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois à compter de la notification de ce jugement pour permettre la régularisation, le cas échéant, de l'arrêté du 5 mai 2017, au regard du vice de procédure tenant à l'insuffisance du volet chiroptérologique de l'étude d'impact.

Par un jugement n° 1703044 du 19 mai 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 5 mai 2017, en l'absence de toute mesure de régularisation transmise au tribunal.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2022, la société Parc éolien " les hauts bouleaux ", anciennement dénommée société Parc éolien Nordex LVI, représentée par Me Hélène Gelas, demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 mai 2022 ;

2°) de mettre à la charge des demandeurs de première instance la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour être insuffisamment motivé en fait, au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative, alors que si le préfet n'a pas émis l'arrêté de régularisation dans le délai imparti, le vice tenant à l'insuffisance du volet chiroptérologique de l'étude d'impact a été régularisé par la réalisation d'une étude chiroptérologique complémentaire dûment soumise au public dans le cadre d'une enquête publique complémentaire ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en retenant, dans son jugement avant-dire droit du 22 novembre 2019, l'insuffisance du volet chiroptérologique de l'étude d'impact ; l'étude chiroptérologique était suffisante, son insuffisance éventuelle n'était pas substantielle ;

- en tout état de cause, l'insuffisance du volet chiroptérologique de l'étude d'impact a été régularisée par une étude complémentaire.

La requête a été communiquée le 28 juillet 2022 à l'association du regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise (ROSO), à M. C... B..., à M. A... L..., à M. H... E..., à Mme J... F..., à M. G... I..., à la commune de Thieux, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de l'Oise.

Par une ordonnance du 7 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 novembre 2023.

Vu :

- la requête, enregistrée le 13 juillet 2022, par laquelle la société Parc éolien " les hauts bouleaux ", anciennement dénommée société Parc éolien Nordex LVI, représentée par Me Hélène Gelas, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 19 mai 2022 ; 2°) de rejeter la demande présentée en première instance par la commune de Thieux, l'association du regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise (ROSO), M. C... B..., M. A... L..., M. H... E..., Mme J... F... et M. G... I... ; 3°) à titre subsidiaire, de lui délivrer l'autorisation complémentaire de régularisation en l'assortissant, le cas échéant, des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L.511-1 du code de l'environnement ; 4°) à titre plus subsidiaire, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer l'arrêté de régularisation ou de prendre une décision sur la régularisation ; 5°) à titre encore plus subsidiaire, de surseoir à statuer sur la requête en application de l'article L.181-18 du code de l'environnement, pendant le temps nécessaire à la régularisation ; 6°) de mettre à la charge de chacun des demandeurs de première instance la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Tatiana Boudrot, représentant la société Parc éolien " les hauts bouleaux " et de M. K... D..., représentant le préfet de l'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc Eolien Nordex LVI a demandé le 30 octobre 2014 une autorisation unique pour exploiter un parc éolien, dénommé " les hauts bouleaux ", composé de huit aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Noyers-Saint-Martin et Thieux. Le préfet de l'Oise lui a délivré, par un arrêté du 1er mars 2016, l'autorisation sollicitée au titre de l'ensemble du parc projeté, à l'exclusion des éoliennes E7 et E8, puis, par un arrêté du 5 mai 2017, une autorisation complémentaire au titre des éoliennes E7 et E8. La commune de Thieux, l'association du regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise (ROSO), M. C... B..., M. A... L..., M. H... E..., Mme J... F... et M. G... I... ont saisi le tribunal administratif d'Amiens pour demander l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2017, ainsi que de la décision portant rejet implicite de leur recours gracieux. Par un jugement avant-dire droit n° 1703044 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif a sursis à statuer sur cette demande jusqu'à l'expiration d'un délai de dix-huit mois à compter de la notification du jugement pour permettre la régularisation du vice de procédure tenant à l'insuffisance du volet chiroptérologique de l'étude d'impact. Puis, par un jugement du 19 mai 2022, sous le même numéro, le tribunal a annulé l'arrêté du 5 mai 2017, en l'absence de transmission de toute mesure de régularisation. La société Parc éolien " les hauts bouleaux ", anciennement dénommée société Parc éolien Nordex LVI, interjette appel de ce second jugement et demande à la cour d'en prononcer également le sursis à exécution.

2. Aux termes de l'article R.811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".

3. En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.

4. En l'espèce, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir sursis à statuer, par un jugement avant-dire droit du 22 novembre 2019, sur la demande visée ci-dessus tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mai 2017, confirmé sur recours gracieux, pour permettre la régularisation, le cas échéant, de cet arrêté au regard du vice de procédure tenant à l'insuffisance du volet chiroptérologique de l'étude d'impact, a annulé, par un jugement du 19 mai 2022, l'arrêté du 5 mai 2017 en considérant que le vice n'avait pas été régularisé dans le délai imparti.

Sur la régularité du jugement :

5. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "

6. La société requérante reproche aux premiers juges d'avoir constaté qu'aucun arrêté de régularisation n'avait été pris, sans tenir compte de la réalisation d'une étude chiroptérologique complémentaire, soumise à enquête publique. La motivation du jugement ne souffre cependant d'aucune irrégularité dès lors que l'absence d'arrêté de régularisation justifiait à elle seule la décision du tribunal. Si la société estime, pour sa part, que la régularisation avait déjà eu lieu même en l'absence de décision du préfet pour l'approuver, ce moyen n'a pas trait à la régularité mais au bien-fondé du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. À compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 181-18 du code de l'environnement, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. À ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche utilement soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse de moyens déjà écartés par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

8. Il résulte de l'instruction qu'après le jugement du 22 novembre 2019 la société pétitionnaire a réalisé une étude chiroptérologique complémentaire qu'elle a transmise au préfet de l'Oise le 6 mai 2021, quelques jours avant l'expiration du délai imparti par le jugement avant-dire droit, que la mission régionale d'autorité environnementale des Hauts de France a rendu un avis le 21 septembre 2021, qu'une enquête publique complémentaire a été menée en janvier 2022 et que le commissaire-enquêteur a rendu son rapport et ses conclusions. Au vu de ces éléments, le préfet de l'Oise a annoncé à la société pétitionnaire l'édiction de son arrêté complémentaire de régularisation au plus tard le 22 juillet 2022, après la réunion de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites en " formation éolien ". Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que le préfet se serait opposé à la régularisation du vice retenu par le tribunal dans son jugement avant-dire droit du 22 novembre 2019.

9. Si la société requérante soutient que c'est à tort que le tribunal a considéré que le volet chiroptérologique de l'étude d'impact était insuffisant et que cette insuffisance avait privé le public d'une garantie, elle ne fait pas état de circonstances nouvelles qui remettraient en cause l'existence de ce vice retenu par le jugement avant-dire droit du 22 novembre 2019 qu'elle n'a d'ailleurs pas contesté. Par suite, la société requérante ne peut utilement faire valoir les moyens tirés de l'absence d'insuffisance du volet chiroptérologique de l'étude d'impact et de l'absence d'effet de son insuffisance éventuelle sur l'information du public, qui doivent être écartés.

10. En revanche, le vice tenant à l'insuffisance du volet chiroptérologique de l'étude d'impact est régularisable, comme l'a retenu le tribunal dans son jugement avant-dire droit du 22 novembre 2019. En l'état de l'instruction, ce vice peut encore être régularisé à la suite de l'étude chiroptérologique complémentaire effectuée par la société pétitionnaire, alors que le préfet de l'Oise avait annoncé l'édiction d'un arrêté de régularisation. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce vice peut encore être régularisé paraît sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement à l'encontre de l'arrêté du 5 mai 2017, confirmé sur recours gracieux. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1703044 du tribunal administratif d'Amiens du 19 mai 2022.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la société Parc éolien " les hauts bouleaux " au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel de la société Parc éolien " les hauts bouleaux " contre le jugement n° 1703044 du tribunal administratif d'Amiens du 19 mai 2022, il sera sursis à l'exécution de ce jugement.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Parc éolien " les hauts bouleaux " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien " les hauts bouleaux ", à la commune de Thieux, à l'association " Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise ", à M. C... B..., à M. A... L..., à M. H... E..., à Mme J... F..., à M. G... I... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires;

Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 21 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA01503 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01503
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;22da01503 ?
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