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11/01/2024 | FRANCE | N°22DA02434

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 11 janvier 2024, 22DA02434


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge ou la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2010.



Par un jugement n° 2002459 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par u

ne requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Desnain, demande à la cour :



1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge ou la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2010.

Par un jugement n° 2002459 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Desnain, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, subsidiairement la réduction, en droits et pénalités, des impositions et contributions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, l'administration n'était pas fondée à se prévaloir à son égard du délai de reprise étendu à dix années, tel que prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dans le cas où le contribuable exerce une activité occulte, dès lors qu'elle n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe, de ce qu'il aurait exercé une telle activité et appréhendé les profits en résultant, le juge répressif, par son jugement devenu définitif, ne l'ayant pas condamné pour des faits de détournement de fonds publics au vu des conclusions de l'enquête pénale conduite à son encontre, mais l'ayant, au contraire, relaxé des chefs de la poursuite en ce qui concerne ces faits et ayant ordonné la restitution des sommes saisies ; en outre, la chambre régionale des comptes lui a donné quitus pour sa gestion ;

- l'administration n'était pas davantage fondée à se prévaloir du délai de reprise spécial prévu par l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dans le cas où des omissions ou insuffisances d'imposition ont été révélées par une procédure judiciaire, dès lors qu'elle a eu connaissance, avant même le début de la procédure pénale, qu'elle a elle-même suscitée par le signalement qu'elle a adressé au procureur de la République, des anomalies comptables qui lui sont imputées ;

- à titre subsidiaire, les rehaussements qui lui ont été notifiés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux sont excessifs ; ainsi, en dépit du fait qu'il n'a pas pu avoir accès aux documents comptables correspondant aux années d'imposition en litige, il est en mesure d'indiquer que le retrait en espèces d'une somme de 4 000 euros effectué en 2008 était justifié par des raisons inhérentes à l'organisation d'un voyage en Chine par le lycée Robert de Luzarches ; en outre, il ne peut être tenu pour responsable des variations constatées, à compter du premier trimestre de l'année scolaire 2010, en ce qui concerne les paiements de la cantine par rapport aux années scolaires précédentes, ni, en tout état de cause, par rapport à l'année scolaire suivante, dès lors qu'il a quitté ses fonctions, pour cause de départ en retraite, le 16 novembre 2010 et que ces variations s'expliquent par une modification, à compter de la rentrée scolaire 2010, des modalités de gestion de la demi-pension ; enfin, les décaissements opérés en 2007 et mis en évidence comme non déposés en banque ne pouvaient être identifiés comme provenant des collèges de Poix de Picardie et de Rivery en l'absence de comptes bancaires distincts pour le lycée Robert de Luzarches et pour chacun de ces collèges, qui n'ont été mis en place qu'à compter de l'année 2008, comme l'a d'ailleurs retenu la chambre régionale des comptes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2023, le ministre de l'économie et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- dès lors qu'il résulte des pièces de l'enquête judiciaire communiquées à l'administration que M. B... a détourné, à son profit, des fonds au détriment de l'agence comptable du lycée Robert de Luzarches d'Amiens, où il était en poste, le service était fondé à se prévaloir du délai de reprise étendu jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la clôture de la procédure judiciaire ou, au plus tard, de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due, tel que prévu par l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales ; contrairement à ce que soutient l'appelant, les dispositions de cet article pouvaient être valablement invoquées par l'administration, qui, si elle avait mis en évidence, à partir de trois anomalies relevées dans le cadre de l'audit de l'agence, une situation anormale, ne détenait pas d'éléments suffisants pour confirmer l'existence de détournements de fonds, qui n'ont pu être établis que par les éléments, notamment l'audition de l'intéressé, recueillis au cours de l'enquête pénale ;

- en tout état de cause, le service a pu, tout aussi valablement, invoquer le délai de reprise étendu jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due, tel que prévu par l'article L. 169 du même livre, dès lors que l'activité de détournement de fonds présente un caractère illicite et qu'il est constant que M. B... n'a pas souscrit, au titre de cette activité, les déclarations de résultats permettant de déterminer le montant des bénéfices non commerciaux générés par celle-ci ; le service était fondé à estimer que l'intéressé exerçait une activité occulte au sens des dispositions de cet article ; à cet égard, contrairement à ce que soutient M. B..., l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 24 septembre 2015, devenu définitif, par lequel le tribunal correctionnel d'Amiens l'a relaxé des chefs de soustraction, détournement ou destruction de biens d'un dépôt public, sans se livrer à aucune constatation de fait susceptible de s'imposer à l'administration, ne faisait pas obstacle à ce que le service retienne, même à partir de pièces de l'enquête pénale et notamment des procès-verbaux de ses auditions, que l'intéressé avait exercé, de manière habituelle au cours des années d'imposition en litige, l'activité occulte de détournement de fonds ; M. B... ne peut pas davantage se prévaloir de quitus accordés, au demeurant pour la seule période s'étendant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, par la chambre régionale des comptes pour sa gestion des collèges de Rivery, de Poix de Picardie et d'Ailly-sur-Noye, par des décisions qui ne contiennent aucun élément de fait de nature à remettre en cause la réalité de cette activité de détournements de fonds et alors que la quasi-totalité des sommes perçues par l'intéressé provient du lycée Robert de Luzarches d'Amiens, non concerné par ces quitus ;

- ces procès-verbaux ont, en outre, permis au service de reconstituer les bénéfices imposables perçus par M. B... de cette activité, au moyen de virements sur ses comptes personnels, rendus possibles par l'utilisation de la procédure de paiement sans ordonnancement préalable et par une falsification de la comptabilité, au moyen du détournement d'un chèque établi à l'ordre du lycée Robert de Luzarches et, enfin, au moyen de détournements en numéraire ;

- les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige ayant été établis selon la procédure d'évaluation d'office prévue au 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, M. B... supporte la charge de la preuve de leur caractère exagéré ; M. B... ne peut, dans ce cadre, se plaindre de n'avoir pas accès aux documents comptables correspondant aux années d'imposition en litige, dès lors qu'il résulte de l'enquête pénale dont il a été l'objet que ces documents ont disparu et que cette disparition lui est imputable ;

- M. B... n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations relatives au sort de la somme de 4 000 euros retirée en espèces sur le compte bancaire du lycée Robert de Luzarches d'Amiens, lesquelles allégations n'ont pas pu davantage être corroborées par les constatations opérées dans le cadre de l'audit de l'agence comptable de l'établissement ;

- l'intéressé ne peut utilement soutenir que les détournements d'espèces mis en évidence, au cours de l'année 2010, dans le cadre de l'enquête pénale, à hauteur d'un montant total de 4 697,09 euros, ne lui seraient pas imputables, alors qu'il n'a cessé ses fonctions que le 16 novembre 2010 et que le quittancier sur lequel se sont fondés les enquêteurs se rapporte à sa gestion ;

- M. B... n'apporte aucun élément de nature à établir que les espèces extraites des caisses des collèges de Poix de Picardie et de Rivery ont été versées, comme il l'allègue, sur le compte de dépôt qui devait être utilisé pour les deux établissements en cause.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. A... B... a exercé, du 17 septembre 1982 au 16 novembre 2010, date de son départ à la retraite, les fonctions d'agent comptable du lycée ... d'.... A l'occasion d'un audit de l'agence comptable de ce lycée, réalisé le 8 mars 2011, des anomalies susceptibles d'avoir permis des détournements de fonds publics ont été mises en évidence. A la suite d'un signalement de ces faits, par la direction régionale des finances publiques, auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance ..., une enquête pénale a été ouverte à l'encontre de M. B.... Celui-ci a été mis en examen à raison de faits, commis durant la période s'étendant du 1er janvier 2006 au 16 novembre 2010, de faux et d'usage de faux en écritures publiques, de soustraction, de détournement ou de destruction de biens d'un dépôt public par le dépositaire ou l'un de ses subordonnés et de destruction de document concernant un délit pour faire obstacle à la manifestation de la vérité. Par un jugement du 24 septembre 2015 devenu définitif, le tribunal correctionnel ... a relaxé M. B... du chef d'accusation de soustraction, de détournement ou de destruction de biens d'un dépôt public par le dépositaire ou l'un de ses subordonnés, mais l'a reconnu coupable des autres faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné à un emprisonnement délictuel de deux ans, ainsi qu'à une amende de 40 000 euros.

2. Ayant eu accès aux pièces de la procédure pénale dans le cadre de l'exercice de son droit de communication prévu aux articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a tiré de l'examen de ces pièces la confirmation que M. B... avait effectivement appréhendé des fonds au détriment de l'agence comptable du lycée ... à .... Elle a analysé ces agissements comme procédant de l'exercice, par l'intéressé, d'une activité occulte, dont les bénéfices sont passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, ainsi qu'aux prélèvements sociaux et a entendu se prévaloir du délai de prescription étendu, prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales lorsque le contribuable exerce une telle activité occulte et du délai de prescription spécial, prévu à l'article L. 188 C du même livre, lorsque les omissions ou insuffisances d'imposition imputées au contribuable ont été révélées par une procédure judiciaire. L'administration a fait connaître à M. B... sa position par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 8 septembre 2016, dans le cadre de la procédure d'évaluation d'office, et qui concernait les années 2007 à 2010.

3. M. B... ayant présenté des observations auxquelles, quoique n'y étant pas tenue, l'administration a répondu et qui ne l'ont pas amenée à reconsidérer son analyse, les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant, au titre des années 2007 à 2010, des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement les 28 avril et 30 juin 2017, à hauteur d'un montant total de 217 770 euros, en droits et pénalités. Sa réclamation ayant été rejetée, M. B... a demandé au tribunal administratif ... de prononcer la décharge ou la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2010. M. B... relève appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif ... a rejeté cette demande.

Sur la prescription :

4. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 188 C du même livre : " Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une procédure judiciaire, par une procédure devant les juridictions administratives ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ".

5. Ainsi qu'il a été dit, à l'issue de la consultation des pièces de la procédure pénale auxquelles elle a eu accès et, en particulier, des procès-verbaux rendant compte des déclarations faites par M. B... au cours de ses auditions dans le cadre de l'enquête dont il a fait l'objet, l'administration a retenu que l'intéressé avait, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions d'agent comptable du lycée ... ..., détourné à son profit, et à celui d'une complice, des fonds gérés par l'agence comptable de cet établissement. Après avoir constaté le caractère habituel de ces détournements, qui ont été commis sur une période s'étendant du 1er janvier 2007 au 16 novembre 2010, l'administration a estimé que ceux-ci s'inscrivaient dans le cadre de l'exercice d'une véritable activité, qui, eu égard à son caractère illicite et au fait qu'elle n'avait donné lieu à la souscription d'aucune déclaration, devait être regardée comme occulte.

6. Il ressort des extraits utiles de ces procès-verbaux, que l'administration a joints à la proposition de rectification adressée le 8 septembre 2016 à M. B..., que celui-ci a admis, au cours de ses auditions, s'être livré à des appropriations d'espèces versées à la caisse de l'établissement ou des collèges rattachés à l'agence comptable, à titre de règlement, par des parents d'élèves, de la cantine ou de participations aux frais inhérents à des voyages scolaires. Il ressort de ces mêmes documents que M. B... a également reconnu s'être livré à des prélèvements ou retraits d'espèces injustifiés ou en vue de dépôts en banque non opérés, ainsi qu'à des virements bancaires sur des comptes dont lui-même ou sa complice avaient la disposition, lesquelles opérations ont été rendues possibles par la modification des coordonnées bancaires associées aux comptes de certains des fournisseurs de l'établissement ou par l'enregistrement, pour des montants permettant l'usage de la procédure de paiement sans ordonnancement préalable ne rendant pas nécessaire la fourniture de justificatifs, d'écritures fictives de charges utilisant des noms de fournisseurs imaginaires ou des libellés faisant référence au versement de compléments de rémunération non officiellement attribués. M. B... a aussi admis avoir endossé des chèques remis par des parents d'élèves à l'établissement aux fins notamment de règlement de la demi-pension. Au vu de ces éléments, l'administration a évalué à 133 414,43 euros le montant des détournements effectués par M. B..., à son profit, par virement bancaire, à 2 990 euros le montant des chèques indûment endossés par lui et à 120 987,39 euros le montant des appropriations en numéraire lui ayant bénéficié.

7. M. B..., qui ne conteste pas ces éléments résultant de l'exploitation de ses propres déclarations au cours de l'enquête pénale, se prévaut cependant du jugement du tribunal correctionnel ... du 24 septembre 2015, devenu définitif, par lequel il a été relaxé des chefs de soustraction, détournement ou destruction de biens d'un dépôt public, pour lesquels il était notamment poursuivi. M. B... ajoute qu'il a été déchargé pour sa gestion par plusieurs décisions juridictionnelles de la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais - Picardie. Ainsi, selon M. B..., l'autorité de chose jugée attachée tant au dispositif qu'aux motifs qui sont le soutien nécessaire de l'ensemble de ces décisions juridictionnelles faisait obstacle à ce que l'administration retienne qu'il s'était livré, au cours des années d'imposition en litige et de manière habituelle, à une activité de détournement de fonds, par nature illicite. Il en tire la conséquence que l'administration ne pouvait pas davantage retenir qu'il aurait exercé, au cours de ces années, une activité occulte, au sens des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, de sorte qu'elle n'était pas fondée à se prévaloir du délai de reprise étendu à dix années. Enfin, selon M. B..., l'administration ne pouvait pas davantage se prévaloir du délai de reprise spécial prévu à l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales dans le cas où les omissions ou insuffisances d'imposition sont révélées par une procédure judiciaire, dès lors qu'étant à l'origine du signalement effectué auprès de l'autorité judiciaire, l'administration avait nécessairement connaissance des faits pour lesquels il a ensuite été poursuivi devant la juridiction pénale, de sorte que les omissions ou insuffisances d'imposition qu'elle lui impute n'ont pas été révélées au cours de la procédure judiciaire.

8. Les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par juge pénal s'imposent au juge de l'impôt. En revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées. Par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui.

9. Si, par son jugement du 24 septembre 2015, passé en force de chose jugée, le tribunal correctionnel ... a relaxé M. B... à raison des faits de soustraction, détournement ou destruction de biens d'un dépôt public par le dépositaire ou un subordonné, les motifs de ce jugement justifient cette solution comme résultant de l'examen des éléments du dossier de l'instruction pénale, sans fonder celle-ci, en particulier, sur des constatations de fait susceptibles de s'imposer à l'administration et au juge de l'impôt. Par ailleurs, si, par trois jugements du 7 août 2014 et trois ordonnances du 27 juin 2014, la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais - Picardie, d'une part, et le président de cette juridiction, d'autre part, ont déchargé M. B... de sa gestion, ces décharges concernent le collège d'..., pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 et pour celle allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, ainsi que les collèges de ... et de ..., pour les mêmes périodes, c'est-à-dire qu'elles portent sur une partie seulement des années d'imposition en litige et qu'elles sont limitées, selon leurs motifs mêmes, aux trois collèges rattachés à l'agence comptable du lycée ... ..., alors qu'il résulte de l'instruction que l'intégralité des virements bancaires ayant indûment bénéficié, durant toutes les années d'imposition en litige, à M. B... émane de ce lycée. Dès lors, l'autorité de chose jugée attachée, d'une part, à la décision définitive du juge pénal et, d'autre part et en tout état de cause, aux décisions de la chambre régionale des comptes ne faisait pas obstacle à ce que l'administration estime que les pièces de l'enquête pénale auxquelles elle a eu accès contenaient des éléments suffisants pour lui permettre de retenir que M. B... avait opéré des détournements de fonds, qui, en raison de leur caractère habituel tout au long de la période s'étendant du 1er janvier 2007 au 16 novembre 2010, constituaient l'exercice d'une véritable activité lucrative dont les revenus sont, par nature, imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux prévus à l'article 92 du code général des impôts. Eu égard au fait, qui est constant, que M. B... n'a déposé aucune des déclarations que les dispositions de l'article 97 du code général des impôts imposent aux titulaires de bénéfices non commerciaux de souscrire annuellement, ainsi qu'au caractère illicite, par nature, que revêt l'activité en cause, l'administration l'a regardée à bon droit comme ayant la nature d'une activité occulte au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Par suite, pour soumettre à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus non commerciaux, les bénéfices de cette activité, l'administration était fondée à invoquer, à l'égard de M. B..., le délai de reprise étendu à dix ans prévu par ces dispositions lorsque le contribuable exerce une activité occulte.

10. Au surplus, s'il est constant que l'administration fiscale est à l'origine de la procédure pénale diligentée à l'égard de M. B..., en ce qu'elle a adressé un signalement au procureur de la République après la réalisation par l'un de ses services d'un audit de l'agence comptable du lycée ... ... ayant révélé des anomalies et dysfonctionnements graves rapportés par l'agent comptable qui a succédé à M. B..., il ne résulte pas de l'instruction que l'administration disposait, dès avant l'enquête pénale, qui a seule permis d'entendre M. B..., d'éléments suffisants pour lui permettre de retenir que l'intéressé s'était livré à une activité de détournement de fonds. Par suite, pour soumettre à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus non commerciaux, les bénéfices de cette activité, l'administration était également fondée à invoquer, à l'égard de M. B..., le délai de reprise étendu prévu par les dispositions de l'article L. 188 C du livre des procédures fiscales.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux deux points précédents que le moyen tiré de ce que l'administration a adressé à M. B... la proposition de rectification du 8 septembre 2016 à une date à laquelle une partie des impositions en litige était atteinte par la prescription doit être écarté.

Sur la charge de la preuve :

12. Ainsi qu'il a été dit au point 2, les rehaussements contestés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ont été notifiés à M. B... selon la procédure d'évaluation d'office, prévue au 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, dont l'intéressé ne conteste pas le principe, ni la régularité. Il s'ensuit que M. B... supporte, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve et qu'il lui appartient, en vertu de l'article R. 193-1 de ce livre, d'établir que les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti présentent un caractère exagéré.

Sur le moyen tiré de l'exagération des impositions en litige :

13. M. B... soutient que le retrait en espèces effectué le 31 mars 2008 pour une somme de 4 000 euros était justifié par des raisons inhérentes à l'organisation d'un voyage en Chine par le lycée ... ..., qui l'ont conduit, devant l'impossibilité d'utiliser, sur place, la carte bancaire mise à la disposition du groupe, à adresser à celui-ci un mandat postal de 4 000 euros pour couvrir ses dépenses de la vie courante. Toutefois, alors qu'il supporte la charge de la preuve, ainsi qu'il a été dit au point précédent, laquelle peut être administrée par tout moyen, M. B..., en se bornant à relever que l'administration fiscale ne s'est pas rapprochée de l'agence comptable du lycée, n'apporte aucun élément au soutien de son assertion concernant le motif de ce retrait d'espèces.

14. Dans le cadre de l'enquête pénale, les enquêteurs ont constaté que, selon le quittancier se rapportant à la période couvrant l'année scolaire 2010-2011, le lycée ... avait encaissé, au cours de cette période, des versements en espèces représentant un montant total de 5 147,47 euros. Cependant, un rapprochement de ce registre avec la comptabilité de l'établissement a révélé que seule une somme de 450,38 euros avait été comptabilisée à ce titre, de sorte qu'une somme de 4 697,09 euros, dont aucun élément ne permettait de retracer l'affectation, était susceptible d'avoir fait l'objet d'un détournement. M. B... conteste cette analyse en soutenant, d'une part, que ce détournement ne peut lui être imputé, dès lors qu'il a quitté ses fonctions, pour cause de départ à la retraite, le 16 novembre 2010 et, d'autre part, que ces variations s'expliquent par une modification, à compter de la rentrée scolaire 2010, des modalités de gestion de la demi-pension. Toutefois, d'une part, le ministre soutient, sans être contredit, que les constats ainsi opérés par les enquêteurs, qui ne procèdent aucunement d'une comparaison avec les données de l'année scolaire 2011-2012, concernent la partie de l'année scolaire 2010-2011 au cours de laquelle M. B... était en responsabilité et, d'autre part, ce dernier n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations relatives au changement intervenu, à compter de la rentrée scolaire 2010-2011, dans la gestion des encaissements perçus par l'établissement au titre de la demi-pension.

15. Enfin, les enquêteurs ont mis en évidence, au cours de l'année 2007, des mouvements d'espèces portant sur un montant total de 34 077,64 euros. Ils ont identifié ces sommes comme provenant, à raison de 20 521,98 euros, de la caisse du collège de ... et, à hauteur de 13 555,66 euros, de la caisse du collège de .... Il est apparu qu'en l'absence, avant le 31 décembre 2007, de compte bancaire spécifique à chaque établissement, les agents comptables des collèges rattachés remettaient des espèces à M. B... aux fins de dépôt à la banque. Si M. B... conteste que ces espèces aient pu provenir des caisses de ces deux collèges, il n'apporte aucun élément au soutien de cette assertion, alors que la charge de la preuve lui incombe. Il ne peut, à cet égard, se prévaloir des décharges de gestion prononcées par les jugements du 7 août 2014 de la chambre régionale des comptes du Nord- Pas-de-Calais - Picardie, qui, selon les motifs mêmes de ces jugements, ne s'est, en tout état de cause, pas prononcée sur des retraits d'espèces des caisses des deux collèges en cause, mais seulement sur l'émission de chèques sur le compte du Trésor commun aux établissements rattachés à l'agence comptable du lycée ..., en retenant qu'en l'absence de compte bancaire spécifique et distinct de celui du lycée, pour chacun de ces établissements, ces émissions ne pouvaient être rattachées à l'un ou l'autre de ces collèges. Il suit de là que le moyen doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif ... a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 janvier 2024.

Le rapporteur,

J.-F. PapinLe président de la formation

de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°22DA02434

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02434
Date de la décision : 11/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Pin
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL VAUBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-11;22da02434 ?
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