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16/11/2023 | FRANCE | N°23DA00700

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 16 novembre 2023, 23DA00700


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Mme A... H... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a

obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Mme A... H... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 22 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203843-2203844 du 3 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 avril 2023, sous le numéro 23DA00700, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 29 septembre 2023, M. C..., représenté par Me Elatrassi-Diome, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2023 et cet arrêté du 23 août 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée du vice d'incompétence de son signataire ;

- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée du vice d'incompétence de son signataire ;

- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée du vice d'incompétence de son signataire ;

- elle méconnaît le 3° de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 17 avril 2023, sous le numéro 23DA00701, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 29 septembre 2023, Mme C..., représentée par Me Elatrassi-Diome, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2023 et cet arrêté du 22 août 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soulève les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête n° 23DA00700.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. et Mme C..., ressortissants congolais nés respectivement le 26 mars 1952 et le 28 mai 1956, sont entrés en France le 10 octobre 2021 muni d'un visa court séjour pour rendre visite à leur fille. A la suite du décès de cette dernière, ils ont sollicité, le 22 février 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés des 22 et 23 août 2022, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté leurs demandes de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 3 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les moyens communs aux décisions contestées :

2. M. et Mme C... réitèrent leurs moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués et de l'insuffisance de motivation de l'ensemble des décisions contestées. Toutefois, ils n'apportent en appel aucun élément nouveau, de fait ou de droit, de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ces moyens.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme C... avant de prendre les décisions de refus de titre de séjour attaquées.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. M. et Mme C... font valoir que leur présence en France est indispensable aux côtés de leurs deux petites-filles, E..., de nationalité congolaise, et I..., de nationalité française, nées respectivement en 2013 et 2015, qu'ils ont prises en charge à la suite du décès de leur fille survenu le 11 octobre 2021.

7. Toutefois, d'une part, il ressort du rapport d'évaluation établi le 1er mars 2022 par les services du département de la Seine-Maritime que ces enfants ont indiqué ne pas connaître leurs grands-parents avant le décès de leur mère et les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent, avoir entretenu des liens avec leurs petites-filles avant le décès de la mère de celles-ci.

8. D'autre part, M. et Mme C... n'ont pas l'autorité parentale sur ces enfants, dont il est constant qu'elle n'a pas été retirée à leurs pères respectifs. Il ressort des pièces du dossier que M. G..., ressortissant congolais, père de E... et époux de sa mère, a maintenu des liens affectifs avec cet enfant. Il revendique également être le père de I..., qui a été conçue en République Démocratique du Congo, qui est née pendant le mariage et dont l'un des prénoms reprend son nom de famille. Si M. F..., ressortissant français, a reconnu I... à sa naissance, il a indiqué au tribunal judiciaire de Rouen, le 20 juin 2022, ne pas être le père de cet enfant et il n'a contribué ni à son éducation ni à son entretien.

9. Enfin, M. et Mme C... ont vécu la majeure partie de leur vie en République Démocratique du Congo. Ils sont entrés en France récemment, à l'âge respectivement de soixante-neuf et soixante-cinq ans. Détournant l'objet de leur visa court séjour, ils se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire français. Ils sont sans ressources pérennes et ne justifient pas y disposer d'autres attaches privées ou familiales que leurs petits-enfants.

10. Dans ces conditions, les décisions contestées n'ont pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elles poursuivent et n'ont ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie familiale.

11. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Maritime, dont les décisions opposées à M. et Mme C... n'ont pas eu pour objet et n'ont pas pour effet de les séparer de leurs petites-filles puisque le père de celles-ci souhaite les élever en République Démocratique du Congo, n'ont pas porté à leur intérêt supérieur une atteinte méconnaissant les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

12. Dans ces circonstances, les décisions en litige ne sont pas entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

13. En troisième lieu, pour les motifs qui ont été exposés précédemment, M. et Mme C... ne justifient pas de circonstances exceptionnelles ou humanitaires impliquant que leur soit délivré un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces refus à l'encontre des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français.

15. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'ait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme C... avant de prendre les mesures d'éloignement contestées.

16. En troisième lieu, en l'absence de toute argumentation supplémentaire, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance, par les décisions portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle des intéressés, doivent être écartés.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces mesures d'éloignement à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions désignant le pays de renvoi.

18. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

19. M. et Mme C... ne font état d'aucune crainte en cas de retour dans leur pays d'origine en se bornant à soutenir que le préfet n'établit pas qu'ils n'encourraient aucun risque. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

20. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes.

21. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, en l'absence de dépôt de demande d'aide juridictionnelle, de l'article 37 de la loi du 19 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... H..., épouse C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime et à Me Elatrassi-Diome.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. B...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°23DA00700, 23DA00701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00700
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ELATRASSI-DIOME;ELATRASSI-DIOME;ELATRASSI-DIOME

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-11-16;23da00700 ?
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