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26/10/2023 | FRANCE | N°22DA01445

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 26 octobre 2023, 22DA01445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre de détention de Bapaume a refusé de lui restituer son matériel informatique.

Par un jugement n° 1906834 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 22 février 2019 par laquelle le directeur du centre de détention de Bapaume a refusé de restituer à M. C... son matériel informatique, ensemble la décision implicite ayant rejeté le recours g

racieux formé par M. C..., et a enjoint au directeur du centre de détention de Bapa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur du centre de détention de Bapaume a refusé de lui restituer son matériel informatique.

Par un jugement n° 1906834 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 22 février 2019 par laquelle le directeur du centre de détention de Bapaume a refusé de restituer à M. C... son matériel informatique, ensemble la décision implicite ayant rejeté le recours gracieux formé par M. C..., et a enjoint au directeur du centre de détention de Bapaume de restituer ce matériel.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal est entaché d'erreurs de droit ;

- les autres moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la circulaire de la direction de l'administration pénitentiaire du 13 octobre 2009 relative à l'accès à l'informatique pour les personnes placées sous main de justice ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par une décision 31 juillet 2017, le directeur du centre de détention de Bapaume a définitivement saisi le matériel informatique utilisé par M. C... alors incarcéré dans cet établissement. Par des télécopies des 7 novembre 2018, 28 janvier 2019 et 15 février 2019, M. C... a demandé la restitution de ce matériel. Par un courrier du 22 février 2019, le directeur du centre de détention de Bapaume a refusé d'accueillir cette demande. Le recours gracieux formé par M. C... contre cette décision le 4 mars 2019 a été implicitement rejeté. Le tribunal administratif a annulé cette décision du 22 février 2019 et le rejet implicite de ce recours gracieux. Le garde des sceaux, ministre de la justice fait appel de ce jugement.

Sur la portée des conclusions de M. C... :

2. Les télécopies des 7 novembre 2018, 28 janvier 2019 et 15 février 2019, qui se référaient à la décision du 31 juillet 2017 et demandaient qu'il soit mis fin à son application, doivent s'analyser comme un recours gracieux formé contre cette décision et M. C... doit donc être regardé comme demandant l'annulation de cette décision du 31 juillet 2017, de la décision du 22 février 2019 et de la décision implicite ayant rejeté le recours gracieux formé le 4 mars 2019.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale alors applicable : " Le règlement intérieur type pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires, comprenant des dispositions communes et des dispositions spécifiques à chaque catégorie, est annexé au présent titre. / Le chef d'établissement adapte le règlement intérieur type applicable à la catégorie dont relève l'établissement qu'il dirige en prenant en compte les modalités spécifiques de fonctionnement de ce dernier (...) ".

4. Aux termes du VII de l'article 19 du règlement intérieur type annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale alors applicable : " La personne détenue peut acquérir par l'intermédiaire de l'administration et selon les modalités qu'elle détermine des équipements informatiques. / En aucun cas elle n'est autorisée à conserver des documents, autres que ceux liés à des activités socioculturelles, d'enseignement, de formation ou professionnelles, sur un support informatique. / Ces équipements ainsi que les données qu'ils contiennent sont soumis au contrôle de l'administration. Sans préjudice d'une éventuelle saisie par l'autorité judiciaire, tout équipement informatique appartenant à une personne détenue peut être retenu et ne lui être restitué qu'au moment de sa libération, dans les cas suivants : 1° Pour des raisons d'ordre et de sécurité ; 2° En cas d'impossibilité d'accéder aux données informatiques, du fait volontaire de la personne détenue ".

5. Aux termes du point 3.1.1 de la circulaire du 13 octobre 2009 susvisée, publiée au Bulletin officiel du ministère de la justice : " Avant l'achat ou l'utilisation de matériels informatiques, le détenu doit obligatoirement faire une demande d'autorisation auprès du chef d'établissement. (...) Ce processus d'autorisation s'applique tant lors de l'achat initial que du transfert d'un détenu déjà équipé d'un ordinateur (...) sont interdites la vente, le prêt ou la cession de matériel informatique entre détenus (...) ".

6. Dans sa décision du 4 mars 2019, le directeur du centre de détention de Bapaume a constaté que le matériel informatique dont M. C... demandait la restitution avait appartenu initialement à un autre détenu puis a refusé d'accueillir cette demande aux motifs que ce détenu n'avait présenté aucune demande tendant à un don à M. C... et que tout don entre détenus est interdit par la réglementation.

7. L'existence du don invoqué par M. C... ne ressort d'aucune pièce du dossier et il résulte des dispositions précitées que l'utilisation de ce matériel informatique par l'intéressé était subordonnée à une autorisation préalable du chef d'établissement et qu'un don de ce matériel à l'intéressé était interdit. Par suite, aucun transfert de propriété n'a pu intervenir et les motifs de la décision attaquée n'étaient pas entachés d'une erreur de fait ou de droit.

8. Dans ces conditions, le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé d'une part que M. C... avait établi le transfert de la propriété du matériel informatique et d'autre part qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait les dons entre détenus et que de toute façon la méconnaissance d'une telle interdiction serait seulement susceptible de donner lieu à une sanction disciplinaire sans pouvoir faire obstacle à un transfert de propriété.

9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C....

Sur les autres moyens invoqués par M. C... :

S'agissant de la légalité externe :

10. Aux termes de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) 1° (...) constituent une mesure de police ; (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; 7° Refusent une autorisation (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

11. D'une part, la décision de saisie du matériel informatique de M. C... prise le 31 juillet 2017 a été motivée, ainsi qu'il résulte du courrier du 25 juillet 2017 ayant invité l'intéressé à présenter ses observations préalables en application de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, par référence à l'article 19 du règlement intérieur annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, à la circulaire du 13 octobre 2009 visée ci-dessus et à des éléments découverts lors de la fouille de ce matériel ainsi énoncés : " Scellés de sécurité manipulés - Connexion(s) USB de matériel(s) prohibé(s) - Présence de logiciel(s) prohibé(s) - Présence de fichier(s) illicite(s), et/ou sans licence, et/ou copies illégales d'œuvres protégées par la propriété intellectuelle ". Cette décision comportait ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituaient le fondement.

12. D'autre part, la décision du directeur du centre de détention de Bapaume du 22 février 2019, dès lors qu'elle se bornait à rejeter un recours administratif non obligatoire formé contre une décision initiale régulièrement motivée, n'avait pas à comporter de motivation.

S'agissant de la légalité interne :

13. Aux termes de l'article R. 57-6-24 du code de procédure pénale alors applicable : " (...) le chef d'établissement peut déléguer sa signature (...) 2° Pour les mesures de retrait, pour des motifs de sécurité, des objets (...) habituellement laissés en leur possession (...) ".

14. Aux termes du I de l'article 24 du règlement intérieur type annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale alors applicable : " Les objets qui ne peuvent être laissés en possession de la personne détenue pour des raisons d'ordre et de sécurité sont déposés au vestiaire de l'établissement (...) ".

15. S'il résulte de ces dispositions générales qu'un objet " en possession " d'un détenu ne peut lui être retiré que pour un motif de sécurité, ces dispositions générales ne font pas obstacle à l'application des dispositions spéciales relatives à l'utilisation du matériel informatique. Or il résulte de ce qui précède que le matériel informatique en cause était en possession de M. C... en violation de ces dispositions spéciales. Par suite, M. C... ne peut utilement invoquer la circonstance que le refus de restituer ce matériel n'a pas été fondé sur un motif de sécurité.

16. En tout état de cause, il résulte des motifs de la décision du 31 juillet 2017 rappelés au point 11, alors que M. C... n'avait pas réintégré le centre de détention de Bapaume à la suite d'une permission de sortir du 23 novembre 2015 puis s'y était fait écrouer le 27 septembre 2016 en usurpant le nom d'un tiers, qu'un motif de sécurité fondait cette décision.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le directeur du centre de détention de Bapaume a refusé de lui restituer un matériel informatique.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. La présente décision n'implique aucune mesure d'exécution pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

19. La demande présentée par M. C..., partie perdante, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 du décret du 19 décembre 1991 doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 6 mai 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. A... C... et à l'AARPI Thémis.

Délibéré après l'audience publique du 12 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.

Le président assesseur,

Signé : F-X. PinLe président rapporteur,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : N. Roméro La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°22DA01445 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01445
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-26;22da01445 ?
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