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19/10/2023 | FRANCE | N°22DA02371

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 19 octobre 2023, 22DA02371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du maire d'Evreux refusant implicitement, d'une part, de ne plus confier à M. A... et à l'ensemble des agents de son service des missions relevant de la sécurité et de l'ordre publics, et, d'autre part, de procéder au désarmement des agents de ce service.

Par un jugement n°1903287 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire de production, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du maire d'Evreux refusant implicitement, d'une part, de ne plus confier à M. A... et à l'ensemble des agents de son service des missions relevant de la sécurité et de l'ordre publics, et, d'autre part, de procéder au désarmement des agents de ce service.

Par un jugement n°1903287 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire de production, enregistrés les 14 et 30 novembre 2022, l'Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM), représentée par Me Stéphane Pelzer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du maire d'Evreux refusant implicitement, d'une part, de ne plus confier à M. A... et à l'ensemble des agents de son service des missions relevant de la sécurité et de l'ordre publics, d'autre part, de procéder au désarmement des agents de ce service, enfin, de lui retirer l'encadrement des agents de ce service ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Evreux la somme de 4 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- M. A... et les fonctionnaires placés sous son autorité au sein du service de la prévention et de la sécurité publique, exercent illégalement des missions de sécurité publique, alors qu'ils ne relèvent pas du cadre des policiers municipaux.

Par une lettre du 5 septembre 2023, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible de se fonder sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet par le maire d'Evreux de la demande de l'USPPM tendant au retrait des fonctions, confiées à M. A..., d'encadrement des agents du service de prévention et de la sécurité publique, ces conclusions étant nouvelles en appel et n'étant fondées sur aucune décision.

Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2023, la commune d'Evreux, représentée par Me Louis le Foyer de Costil, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Union syndicale professionnelle des policiers municipaux en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable comme dépourvue de motivation en méconnaissance de l'article R.411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- le décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006 ;

- le décret n° 2006-161 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Au sein de la commune d'Evreux, la direction de la prévention et de la sécurité publique (DPSP) inclut notamment un service de police municipale et un service de la prévention et de la sûreté du patrimoine (SPSP). M. B... A..., technicien territorial, a été nommé directeur de la prévention et de la sécurité publique le 1er octobre 2017. Estimant que celui-ci et les agents ne relevant pas du cadre d'emplois des agents de police municipale, placés sous ses ordres, assuraient des missions de sécurité publique relevant exclusivement de la compétence de la gendarmerie nationale ou des polices nationale et municipale, l'Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) a adressé au maire d'Evreux, le 21 juin 2019, un courrier lui demandant d'y " mettre un terme et au-delà de procéder au désarmement de ces fonctionnaires porteurs sans autorisation d'arme de la catégorie D dans l'exercice des missions qui leur sont confiées ". Cette demande étant demeurée vaine, l'USPPM a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler cette décision implicite de rejet. Par un jugement n° 1903287, le tribunal a rejeté sa demande. L'USPPM relève appel de ce jugement et demande, en outre, à la cour d'annuler la décision du maire d'Evreux refusant implicitement de retirer à M. A... l'encadrement des agents de la DPSP.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande de retrait des fonctions d'encadrement confiées à M. A... :

2. Dès lors que, d'une part, la demande de l'USPPM au maire d'Evreux tendait à ce que ce dernier cesse de confier des missions de sécurité publique aux agents du SPSP ne relevant pas du cadre d'emploi des agents de police municipale et procède à leur désarmement et, d'autre part, la demande soumise aux premiers juges portait sur l'annulation de la décision implicite de rejet de cette double demande, les conclusions de l'USPPM tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande de retrait des fonctions d'encadrement confiées à M. A... doivent être rejetées comme irrecevables, car elles sont non seulement nouvelles en appel mais ne figurent pas dans la demande ayant donné naissance au refus implicite attaqué.

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. D'une part, en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé de la police municipale qui a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Aux termes de l'article 2 du décret du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de police municipale, dans sa rédaction alors applicable : " Les membres de ce cadre d'emplois exécutent sous l'autorité du maire, (...) les missions de police administrative et judiciaire relevant de la compétence de celui-ci en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice de la compétence générale de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les agents de police municipale exécutent, dans la limite de leurs attributions et sous son autorité, les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques. (...) Affectés sur décision du maire à la sécurité d'une manifestation sportive, récréative ou culturelle mentionnée à l'article L. 613-3 du présent code ou à celle des périmètres de protection institués en application de l'article L. 226-1 ou à la surveillance de l'accès à un bâtiment communal, ils peuvent procéder à l'inspection visuelle des bagages et, avec le consentement de leur propriétaire, à leur fouille. Ils peuvent également procéder, avec le consentement exprès des personnes, à des palpations de sécurité. Dans ce cas, la palpation de sécurité doit être effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l'objet. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-2 de ce code : " Les fonctions d'agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les statuts particuliers prévus à l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. /Ils sont nommés par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République, puis assermentés. Cet agrément et cette assermentation restent valables tant qu'ils continuent d'exercer des fonctions d'agents de police municipale (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " La carte professionnelle, la tenue, la signalisation des véhicules de service et les types d'équipement dont sont dotés les agents de police municipale font l'objet d'une identification commune à tous les services de police municipale et de nature à n'entraîner aucune confusion avec ceux utilisés par la police nationale et la gendarmerie nationale. (...) ". Et aux termes de l'article L. 511-5 : " Les agents de police municipale peuvent être autorisés nominativement par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande motivée du maire, à porter une arme, sous réserve de l'existence d'une convention de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'Etat, prévue par la section 2 du chapitre II du présent titre. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires d'accueil ou des terrains prévus à cet effet. (...)/ II. - Dans chaque département, au vu d'une évaluation préalable des besoins et de l'offre existante, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, de l'évolution de leurs modes de vie et de leur ancrage, des possibilités de scolarisation des enfants, d'accès aux soins et d'exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d'implantation et les communes où doivent être réalisés : 1° Des aires permanentes d'accueil, ainsi que leur capacité ; /2° Des terrains familiaux locatifs aménagés (...) et destinés à l'installation prolongée de résidences mobiles, le cas échéant dans le cadre des mesures définies par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, ainsi que le nombre et la capacité des terrains ; /3° Des aires de grand passage, destinées à l'accueil des gens du voyage se déplaçant collectivement à l'occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels, ainsi que la capacité et les périodes d'utilisation de ces aires. /Le schéma départemental définit les conditions dans lesquelles l'Etat intervient pour assurer le bon déroulement des rassemblements traditionnels ou occasionnels et des grands passages. /Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental. (...). ". La commune d'Evreux est au nombre des communes qui figurent obligatoirement au schéma départemental.

5. Enfin, aux termes de l'article 3 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " Les adjoints techniques territoriaux sont chargés de tâches techniques d'exécution. Ils exercent leurs fonctions dans les domaines du bâtiment, des travaux publics, de la voirie et des réseaux divers, des espaces naturels et des espaces verts, de la mécanique et de l'électromécanique, de la restauration, de l'environnement et de l'hygiène, de la logistique et de la sécurité, de la communication et du spectacle, de l'artisanat d'art. (...) Ils peuvent également exercer des fonctions de gardiennage, de surveillance ou d'entretien dans les immeubles à usage d'habitation relevant des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ainsi que des abords et dépendances de ces immeubles. (...) ".

6. Il est loisible à la commune d'Evreux de créer au sein de l'administration communale un " service de prévention et sûreté du patrimoine " (SPSP) distinct du service de la police municipale, tout en faisant relever ces deux services d'une même direction de la prévention et de la sécurité publique, confiée à un technicien territorial et non à un agent relevant d'un cadre d'emploi de la police municipale. Toutefois, les missions dévolues aux agents du SPSP ne peuvent se confondre avec celles relevant des seuls policiers municipaux en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques.

7. En premier lieu, la fiche de recrutement au poste de " chef du service prévention et sûreté du patrimoine communal et intercommunal " révèle les missions dévolues aux agents de ce service. Les fonctions qu'elle décrit, qui tendent à " assurer et prévenir les risques d'intrusion et d'incendie des établissements ", " assurer les interventions sur alarmes intrusion, incendie, anti-panique ", " mettre en sécurité les personnes et les locaux ", " organiser des rondes de prévention sur le patrimoine communal ", réaliser une " astreinte sur les sites du patrimoine communal ", sont au nombre des missions de sécurité, de gardiennage et de surveillance qui peuvent être exercées notamment par des adjoints techniques en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 22 décembre 2006 précitées. Eu égard aux dispositions rappelées aux points 3 à 5, les missions consistant à assurer le " suivi, en lien avec la préfecture, de l'implantation des gens du voyage " et à " organiser les plans de sûreté des manifestations " doivent nécessairement être entendues comme strictement limitées à la protection des bâtiments et des espaces verts communaux et intercommunaux en vue d'éviter leur occupation non autorisée par les gens du voyage et de déterminer les moyens propres à sécuriser les propriétés publiques en cas de rassemblements publics. Sous cette réserve, l'union syndicale n'est pas fondée à soutenir que les missions dévolues au SPSP empiètent sur celles dévolues aux forces de l'ordre et notamment aux agents de police municipale.

8. En second lieu, les photographies et bandes vidéographiques produites par l'union syndicale ne permettent pas d'identifier formellement les agents du SPSP comme ayant effectué à Evreux, notamment lors de la retransmission de la finale de la coupe d'Europe le 10 juillet 2016 ou de la manifestation des gilets jaunes du 26 janvier 2019, des opérations de maintien de l'ordre avec des équipements de policiers municipaux et des armes de catégorie D. Si le tribunal judiciaire de Rouen a relevé dans son jugement correctionnel du 6 janvier 2022 que, lors de la manifestation des gilets jaunes du 26 janvier 2019, M. A... était intervenu avec une bombe lacrymogène, il a précisé qu'il portait une tenue distincte de celle des policiers municipaux et avait admis avoir porté cette arme sans autorisation, alors que les agents du SPSP n'en étaient plus dotés depuis 2018. L'intéressé a d'ailleurs été relaxé des faits de la poursuite pour port d'arme prohibé, au motif qu'il se trouvait en état de légitime défense, pour porter secours à des personnels pris au piège dans les locaux de la police municipale. Dès lors, aucun acte ou agissement du maire ne peut être regardé comme ayant procédé depuis cette date à la dotation d'armes de catégorie D au profit du directeur et des agents du SPSP.

9. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune en première instance et en appel, les conclusions de l'USPPM tendant à l'annulation de la décision du maire d'Evreux refusant implicitement, d'une part, de ne plus confier à M. A... et à l'ensemble des agents de son service des missions relevant de la sécurité et de l'ordre publics, et, d'autre part, de procéder au désarmement des agents de ce service, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. L'USPPM étant partie perdante à l'instance, ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Evreux sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Union syndicale professionnelle des policiers municipaux est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Evreux en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union syndicale professionnelle des policiers municipaux (USPPM) et à la commune d'Evreux.

Délibéré après l'audience publique du 5 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Christine Sire

2

N°22DA02371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02371
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LE FOYER DE COSTIL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-10-19;22da02371 ?
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