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19/09/2023 | FRANCE | N°22DA02179

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 19 septembre 2023, 22DA02179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Oise, ou au préfet territorialement compétent, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou, à

défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans cette attente une autorisati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 1er juin 2022 par lequel la préfète de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de l'Oise, ou au préfet territorialement compétent, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans cette attente une autorisation provisoire de séjour et de travail et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Enfin, il a demandé au tribunal de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2202183 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Patureau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 1er juin 2022 par laquelle la préfète de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise ou au préfet territorialement compétent, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre à la préfète de l'Oise ou au préfet territorialement compétent, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit dès lors que la substitution de base légale opérée par les premiers juges est impossible compte tenu de la différence existant entre le pouvoir d'appréciation dont dispose le préfet, d'une part, au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'autre part au titre de son pouvoir général discrétionnaire de régularisation ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision du 1er juin 2022 attaquée a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux et d'un vice de procédure dans la mesure où la préfète de l'Oise n'a pas examiné sa demande de titre de séjour déposée sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que sa situation aurait dû être examinée sur le fondement des seules stipulations de l'accord franco-algérien et que les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à un ressortissant algérien ;

- elle a été prise en violation des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de sa situation familiale et professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 janvier 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 8 mai 1988, est entré sur le territoire français le 15 janvier 2019, sous couvert d'un visa court séjour, valable du 24 octobre 2018 au 21 avril 2019. Le 25 janvier 2022, il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 1er juin 2022, la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé l'Algérie comme pays de destination en cas d'exécution d'office de cette mesure. M. B... relève appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, M. B... réitère devant la cour les moyens, déjà soulevés devant les premiers juges, tirés, d'une part, de ce que l'arrêté aurait été signé par une autorité incompétente et, d'autre part, de ce qu'il méconnaîtrait l'exigence de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, M. B... ne produit, en appel, aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif d'Amiens sur ces deux moyens. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale" ".

4. Il ressort des mentions mêmes de la décision contestée que la préfète de l'Oise a examiné la demande de délivrance de titre de séjour formulée par M. B... au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, comme l'a soutenu à bon droit M. B... devant les premiers juges, ces dispositions sont inapplicables aux ressortissants algériens et sa situation devait être appréciée au regard des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France.

5. La préfète de l'Oise a cependant soutenu, devant le tribunal, que sa décision ainsi contestée était susceptible de trouver son fondement dans ces stipulations et a demandé au tribunal administratif d'Amiens qu'elles soient substituées aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il avait été fait à tort application à la situation de M. B.... Devant la cour, ce dernier soutient toutefois que cette demande de substitution a été accueillie à tort par le tribunal, dès lors que les dispositions dont la préfète de l'Oise a fait application et les stipulations que les premiers juges leur ont substituées ne seraient pas équivalentes, dès lors que lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire de régularisation le préfet ne serait pas limité dans son appréciation.

6. Si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, des modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. Il découle des principes énoncés au point 6, que lorsque le préfet exerce son pouvoir de régularisation à l'égard d'un ressortissant algérien dont le droit au séjour est régi par les stipulations susvisées de l'accord franco-algérien, il examine la situation de l'intéressé sur la base de critères liés non seulement à sa vie privée et familiale, mais aussi à tous autres éléments relatifs à sa situation, notamment médicale ou professionnelle, dans des conditions équivalentes à celles qui prévalent pour l'examen d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précédemment citées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la substitution de base légale demandée par la préfète de l'Oise, dont l'énoncé de la décision litigieuse révèle qu'elle a envisagé l'opportunité d'une telle mesure de régularisation, n'a pas pour effet de priver M. B... d'une garantie de procédure.

8. Pour soutenir néanmoins que la préfète de l'Oise a entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de sa situation et d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour dans le cadre du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose, M. B... se prévaut de l'intensité de sa vie privée, familiale et professionnelle sur le territoire français. S'il justifie d'une résidence habituelle et stable depuis plus de trois ans, une telle durée n'est par elle-même pas suffisante à établir une intégration particulière, pas plus que l'exercice de diverses activités professionnelles, d'abord en qualité de peintre ouvrier entre 2019 et 2021 puis depuis mars 2022, en CDI à temps plein dans une entreprise en tant qu'aide poseur-façadier. S'il apporte des éléments en faveur de sa volonté d'intégration dans la société française, par l'adhésion à diverses associations liées à la pratique sportive ou au bénévolat et s'il allègue par ailleurs respecter les valeurs républicaines notamment par la maîtrise de la langue française, satisfaire à son obligation de déclaration fiscale et justifier d'un casier judiciaire vierge, ces éléments favorables à l'appréciation de sa situation personnelle ne sont pour autant pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels ou des circonstances humanitaires permettant son admission au séjour au titre du travail ou de la vie privée. Dans ces conditions, alors que M. B... ne possède aucune attache familiale déclarée en France et qu'il n'est pas contesté qu'il a conservé ses liens familiaux en Algérie, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où résident ses parents ainsi que ses frères et sœurs, la préfète de l'Oise n'a entaché sa décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien ni d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ni d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif d'Amiens a pu substituer les stipulations de l'accord franco-algérien aux dispositions qui ont été appliquées à tort à l'intéressé. Ce moyen doit par suite être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, en ce qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit aux points qui précèdent, que la préfète de l'Oise, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guerin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

N. Roméro

N° 22DA02179 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02179
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : PATUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-19;22da02179 ?
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