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19/09/2023 | FRANCE | N°22DA00995

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 19 septembre 2023, 22DA00995


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 8 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique qu'il avait présenté, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 19 mars 2019 autorisant son licenciement et a autorisé la société XPO Logistics Distribution France à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire. Il a enfin demandé au tribunal de mettre à l

a charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 8 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique qu'il avait présenté, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 19 mars 2019 autorisant son licenciement et a autorisé la société XPO Logistics Distribution France à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire. Il a enfin demandé au tribunal de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1910349 du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mai 2022, M. B..., représenté par Me Lamy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 8 octobre 2019 par laquelle la ministre chargée du travail a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée et méconnaît les articles L. 211-2°- 4 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ainsi que les articles R. 2421-7 et R. 2421-16 du code du travail ; en particulier, elle ne précise pas les raisons pour lesquelles l'administration du travail a considéré qu'il n'existait pas de lien entre son licenciement et ses mandats syndicaux ;

- la procédure est irrégulière dans la mesure où le ministre du travail n'a pas procédé à une nouvelle enquête contradictoire ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation en ce qui concerne le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice des fonctions représentatives ; un faisceau d'indices révèle ce lien ; il a subi un harcèlement de la part du directeur de l'agence de Libercourt ; il existe, dans l'entreprise, un climat d'hostilité de la direction de l'agence à l'encontre des élus syndicaux ;

- en retenant que la faute commise était d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, la ministre chargée du travail a commis une erreur de droit dès lors qu'en présence d'une discrimination syndicale, elle était tenue de refuser de délivrer l'autorisation sollicitée ;

- la ministre, puis le tribunal, ont également commis une erreur de droit en inversant la charge de la preuve de la discrimination syndicale ; dès lors qu'il avait apporté des éléments laissant présumer une telle discrimination, l'administration aurait dû inviter l'employeur à fournir des éléments objectifs démontrant l'absence de tels faits ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation tant en ce qui concerne la matérialité des faits que leur gravité ; eu égard au climat social régnant dans l'entreprise et à ses relations avec le directeur d'agence, son comportement ne peut être considéré comme suffisamment grave pour justifier son licenciement.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut à la confirmation du jugement et au rejet du recours présenté par M. B....

Il soutient n'avoir pas d'autres observations complémentaires à formuler que celles exposées dans son mémoire de première instance du 27 octobre 2021 auquel il renvoie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2023, la société XPO Distribution France, représentée par Me Henot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 mars 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Adrien, pour M. B..., et de Me Henot, pour la société XPO Distribution France.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., a été recruté, en contrat à durée indéterminée, le 4 décembre 1998 par la société Darfeuille devenue la société XPO Distribution France, en qualité de conducteur routier au sein de l'agence de Libercourt. Il détenait les mandats de délégué syndical central, de membre de la délégation du personnel du comité social et économique de Libercourt et de membre du comité social et économique central (CSE). Le 15 février 2019, son employeur a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour un motif disciplinaire. Par une décision du 19 mars 2019, l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle de Lens-Henin a autorisé le licenciement de M. B... pour ce motif et il a ainsi été licencié pour faute grave le 20 mars suivant. L'intéressé ayant formé un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail, une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la ministre du travail sur ce recours. Toutefois, par une décision du 8 octobre 2019, cette dernière a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 19 mars 2019 puis a autorisé la société XPO Distribution France à procéder au licenciement de M. B.... Ce dernier relève appel du jugement du 4 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 octobre 2019 de la ministre chargée du travail.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la motivation de la décision :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) " et, d'autre part, aux termes des articles R. 2421-7 et R. 2421-16 de ce code : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé. ".

3. Il ressort des termes de la décision attaquée que les considérations de droit qui en constituent le fondement sont précisées, et en particulier les dispositions pertinentes du code du travail. La ministre du travail énonce d'abord que les constats réalisés par l'inspecteur du travail n'ayant pas été soumis à la procédure contradictoire, la décision prise par ce dernier est illégale. Ensuite, s'agissant de la situation de M. B..., la décision de la ministre mentionne qu'il exerce les mandats de membre du comité social et économique, du comité social et économique central et de délégué syndical central. La décision indique également les différents éléments permettant de s'assurer du respect des règles procédurales ainsi que les reproches formulés par l'employeur à l'encontre du salarié. Elle précise ensuite les éléments sur lesquels s'est fondée la ministre du travail pour estimer que le grief relatif aux comportements intimidants, violents, menaçants et les insultes prononcées par M. B... au cours du comité social et économique du 31 janvier 2019 étaient matériellement établis et présentaient un caractère fautif justifiant le prononcé de son licenciement. La ministre du travail a aussi vérifié que le licenciement ne présentait pas de lien avec les mandats détenus par l'intéressé. Si M. B... soutient que la décision en litige ne comporte aucun motif sur l'existence ou l'absence d'un tel lien, la mention précitée suffit également à satisfaire à l'exigence de motivation prévue par les dispositions du code du travail citées au point précédent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le respect du caractère contradictoire de l'enquête :

4. En vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. En revanche, aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du même code, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire. Il en va toutefois autrement si l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que, par suite, le ministre annule sa décision et statue lui-même sur la demande d'autorisation.

5. Il ressort des termes de la décision attaquée que la ministre chargée du travail a annulé la décision du 19 mars 2019 de l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle Lens-Hénin de l'unité départementale du Pas-de-Calais ayant accordé l'autorisation demandée par la société XPO Logistics, pour méconnaissance de la procédure contradictoire au motif que l'inspecteur avait omis de soumettre au contradictoire les constats qu'il avait réalisés au cours de ses auditions. Dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique présenté par M. B..., ce dernier a été rendu destinataire d'une lettre datée du 20 mai 2019, par laquelle la direction générale du travail lui faisait connaître qu'il était demandé au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts de France (DIRECCTE) de procéder à une nouvelle enquête au cours de laquelle chacune des parties serait entendue et mise à même de présenter ses observations. Si M. B... soutient qu'il n'a pas été auditionné, ni invité à présenter ses observations au cours de cette nouvelle enquête, cette affirmation est cependant inexacte dès lors qu'il ressort d'un courriel daté du 9 juillet 2019 adressé à la société XPO par l'inspecteur du travail du service juridique du Pôle travail de la DIRECCTE des Hauts-de-France que le salarié a été reçu par ce dernier en entretien, au cours duquel il a communiqué des documents complémentaires, qui ont ensuite été transmis à son employeur. Par suite, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ensemble des documents transmis par la société XPO dans le cadre de l'enquête réalisée par la ministre chargée du travail n'auraient pas été communiqués à M. B..., le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne la matérialité et la gravité des faits reprochés :

6. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives qui bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

7. En outre, aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. / Si un doute subsiste, il profite au salarié ".

8. La société XPO Distribution France a sollicité l'autorisation de licencier M. B... pour motif disciplinaire, en invoquant les fautes commises par ce dernier le 31 janvier 2019, consistant, au cours d'une réunion du comité social et économique de l'agence de Libercourt, à avoir adopté à l'encontre du directeur de cette agence un comportement irrespectueux, dénigrant, injurieux et agressif en usant de menaces verbales et physiques.

9. Pour autoriser le licenciement de M. B... pour motif disciplinaire, la ministre chargée du travail a retenu qu'à l'exception cependant des menaces de mort en raison de contradictions dans les témoignages, les comportements qualifiés d'intimidants, de violents tant moralement que physiquement, de menaçants et d'insultants étaient matériellement établis et que, malgré la circonstance qu'ils se soient déroulés pendant l'exercice du mandat du salarié et l'invocation, par l'intéressé, d'un sentiment d'humiliation venant de provocations du directeur d'agence, ces faits en réitération d'un comportement agressif du salarié vis-à-vis du directeur, attentatoires à l'autorité de la hiérarchie et ayant eu des répercussions sur la communauté de travail compte tenu des craintes manifestées par des salariés, revêtaient un degré de gravité suffisante pour justifier son licenciement.

10. En premier lieu, la société XPO Distribution France, au soutien de sa demande d'autorisation de licenciement, reproche à M. B... d'avoir tenu, au cours de la réunion du CSE du 31 janvier 2019, une première série de propos injurieux et menaçants à l'encontre du directeur d'agence, à savoir : " je viendrais chez toi tu me fais chier et je vais pas te rater...t'es plus audible avec nous, on va faire le mouvement pour que tu t'en ailles, j'en ai marre de toi...tu veux mourir, tu vas mourir, c'est ça que tu cherches tu vas l'avoir ". Pour en attester, la société se fonde sur les témoignages du directeur d'agence et de la responsable des ressources humaines, également présente au cours de la réunion du CSE, ainsi que sur les témoignages de trois salariés de l'entreprise, qui se trouvaient dans des bureaux voisins de la salle de réunion. Dès lors que ces trois derniers témoins n'étaient pas présents dans la salle et que les propos précités sont fermement contestés par M. B... qui se prévaut pour cela d'une autre version des faits, détaillée et circonstanciée, attestée par l'ensemble des élus du CSE présents lors de la réunion du 31 janvier 2019, ils ne peuvent être regardés comme matériellement établis, comme l'a jugé à bon escient le tribunal. Au demeurant, il est constant que pour apprécier le comportement fautif imputé à M. B..., la ministre chargée du travail a expressément écarté ces propos injurieux et menaçants, au motif qu'ils faisaient l'objet de versions contradictoires. En revanche, il ressort de l'énoncé de la décision attaquée, qu'en ce qui concerne les autres propos injurieux et agissements retenus contre le salarié, la ministre s'est fondée sur le procès-verbal de la séance du CSE, rédigé par l'intéressé lui-même en sa qualité de secrétaire du comité, où il indique avoir tenu les propos suivants : " si tu veux me taper, je suis ton homme " " vas-y, laisse-moi tranquille car je n'en ai rien à foutre de ce que tu dis ". Ce document mentionne également que se levant face à M. C..., M. B... a crié : " va jusqu'au bout de ta provocation, allez vas-y fais le j'attends...t'as pas de courage tarlouze ". M. B... ne conteste pas avoir proféré cette seconde série de propos, ni avoir fortement élevé le ton face au directeur et s'être emparé de son cahier pour y inscrire " tu veux me taper ", faits dont il a par ailleurs reconnu être l'auteur dans un courrier du 31 janvier 2019 adressé au directeur des ressources humaines de la société XPO. Il ressort également des pièces du dossier que tant l'attestation précitée des autres membres élus au CSE que les témoignages du directeur de l'agence et de la responsable des ressources humaines confirment ce déroulement des faits, s'agissant de l'attitude de M. B... et de la teneur des propos rapportés. La matérialité des propos injurieux et de l'attitude menaçante et irrespectueuse de M. B... est ainsi établie.

11. En second lieu, si les propos et agissements imputés à M. B... s'inscrivent dans un contexte de relations tendues avec le directeur de l'agence, l'ampleur des débordements verbaux et comportementaux dont a fait preuve l'intéressé ne saurait être regardée comme participant de l'exécution normale de son mandat de délégué du personnel, chargé de défendre les intérêts individuels et collectifs des salariés au sein de l'entreprise. La circonstance, invoquée par l'appelant, qu'il se serait senti humilié par une provocation de son directeur l'ayant soumis à une " devinette mathématique " à laquelle il n'a pas su répondre en présence des autres membres du CSE, n'est pas de nature à atténuer la gravité de sa faute dès lors que, dans les mois précédents, il avait fait l'objet d'un avertissement pour s'être montré agressif et violent le 14 septembre 2018, en présence du médecin du travail, envers le directeur d'agence, ainsi que d'une mise à pied conservatoire pour un autre comportement agressif, le 1er mars 2018, envers le précédent directeur d'agence. Dans les circonstances de l'espèce, en estimant que ces faits établis à l'encontre de M. B..., révélateurs d'un comportement agressif persistant vis-à-vis de la hiérarchie, constituaient une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement, la ministre chargée du travail n'a pas procédé à une inexacte qualification de ces manquements.

En ce qui concerne le lien entre le mandat et le licenciement :

12. M. B... soutient que son licenciement s'inscrit dans un contexte d'hostilité de l'entreprise et de son directeur d'agence vis-à-vis des délégués syndicaux et d'un acharnement dont ce directeur aurait fait preuve à son encontre. Au nombre des éléments de nature à démontrer un lien entre son licenciement et son engagement syndical, il se prévaut avoir vainement alerté, en 2018-2019, à trois reprises, le directeur des ressources humaines sur sa situation, pour se plaindre des provocations du directeur d'agence et de son comportement hostile aux délégués dont lui-même en particulier. Cependant, aucune pièce n'établit qu'il aurait informé le directeur des ressources humaines avant l'envoi de son courrier du 31 janvier 2019, qui ne saurait être tenu pour probant pas plus que ne le sont les attestations de trois de ses collègues, peu circonstanciées. Le climat d'hostilité allégué à l'encontre des élus syndicaux avant que ne soit engagée la procédure de licenciement ne saurait davantage être révélé par le tract daté du 5 juin 2019 ni par la lettre qu'un autre délégué syndical a adressée au directeur des ressources humaines le 17 juin 2019 pour se plaindre du climat social engendré par le directeur d'agence, ces documents étant relatifs à des incidents postérieurs aux faits en litige. S'agissant des provocations dont le directeur d'agence aurait régulièrement fait preuve dans ses relations avec M. B..., notamment en lui coupant systématiquement la parole, elles ne ressortent pas davantage des pièces du dossier. Par ailleurs, si M. B... soutient que ses actions pour la défense des intérêts individuels ou collectifs des salariés gênaient la direction de l'entreprise et en particulier le directeur d'agence, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier aurait tiré argument des actions menées par M. B... pour faire entrave à l'exercice de son mandat ou le dénigrer. A cet égard, les faits rapportés dans les témoignages de salariés produits par l'appelant, ne révèlent pas une volonté du directeur d'agence d'empêcher M. B... de prêter son assistance à un salarié inapte physiquement ou une autre fois à un salarié venu négocier une rupture conventionnelle. Ces mêmes témoignages ne sont pas de nature à révéler que le directeur d'agence lui aurait tenu rigueur pour avoir participé à une alerte sur des anomalies dans le calcul des salaires, primes, congés payés, indemnités diverses qui ont conduit à ce qu'une expertise comptable soit menée ou pour avoir pris une part active dans un rapport d'enquête de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSST) à la suite d'un accident de la route d'un chauffeur livreur. Enfin, ni la circonstance que les faits qui lui sont reprochés ont eu lieu lors du CSE où il exerçait son mandat de représentant du personnel, ni celle que tant le CSE de l'agence de Libercourt que le CSE central ont émis un avis défavorable à son licenciement, ne permettent de laisser présumer d'une discrimination syndicale ni de démontrer l'acharnement qu'il impute au directeur d'agence.

13. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que les éléments invoqués par l'appelant ne révèlent aucun rapport de causalité directe entre la mesure de licenciement envisagée et l'exercice par M. B... de ses fonctions représentatives du personnel consacrées à la défense des intérêts individuels ou collectifs des salariés de l'entreprise. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'il n'existait aucun lien entre son licenciement et l'exercice de ses mandats représentatifs.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 octobre 2019 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société XPO Distribution France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B..., au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B..., la somme demandée au même titre par la société XPO Distribution France.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société XPO Distribution France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société XPO Distribution France et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

N. Roméro

N° 22DA00995 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00995
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : BUCHBINDER- LAMY - KARSENTI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-19;22da00995 ?
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