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14/09/2023 | FRANCE | N°22DA00162

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 14 septembre 2023, 22DA00162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) LMN Consulting a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant l'année 2014, ainsi que des pén

alités correspondantes

Par un jugement n° 1902999 du 25 novembre 2021, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) LMN Consulting a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant l'année 2014, ainsi que des pénalités correspondantes

Par un jugement n° 1902999 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2022, la SAS LMN Consulting, représentée par Me Wibaut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le défaut, sur un avoir du 30 mai 2014, des mentions énumérées à l'article 242 nonies A de l'annexe II du code général des impôts, ne faisait pas obstacle à son droit à la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée facturée sur le fondement de l'article 272, 1 du code général des impôts ;

- alors qu'elle n'avait perçu de sa cliente aucune somme au titre de la prestation facturée et que ces factures étaient injustifiées, elle était en droit de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée ;

- elle justifie que l'avoir établi pour le compte de sa cliente la société ADG Group correspond aux factures qu'elle avait initialement émises et correspondant à des prestations qu'elle n'a pas réalisées ;

- c'est en conséquence à tort que le service a réintégré un profit sur le Trésor correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures ayant donné lieu à un avoir ;

- elle justifie des frais de déplacement de ses salariés et exposés dans l'intérêt de la société ;

- elle entend se prévaloir du paragraphe n° 50 de la documentation administrative publiée sous la référence BOI-BIC-CHG-10-20-20 ;

- l'application d'une pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS LMN Consulting ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) LMN Consulting, qui exerce une activité de conseil pour les affaires et la gestion, a fait l'objet au titre de ses exercices clos en 2013 et 2014 d'une vérification de comptabilité, étendue jusqu'au 31 décembre 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a procédé, par voie de taxation d'office, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période couvrant le mois de mai 2014 et, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 assortis d'une majoration pour manquement délibéré. La SAS LMN Consulting relève appel du jugement du 25 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions, en droits et pénalités.

Sur le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre du mois de mai 2014 :

2. La SAS LMN Consulting a fait l'objet d'une taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, au motif, qui n'est pas contesté, qu'elle n'avait pas déposé, dans les délais légaux, les déclarations qu'elle était tenue de souscrire en tant que redevable de cette taxe au titre de la période courant du 1er octobre 2013 au 13 décembre 2015. Par suite, il lui appartient, en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.

3. Aux termes de l'article 272 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrecouvrables. (...) L'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale. (...) ". Aux termes de l'article 289 de ce code, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " I. - 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : (...) 3. La facture est, en principe, émise dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services. (...) 5. Tout document ou message qui modifie la facture initiale, émise en application de cet article, et qui fait référence à la facture initiale de façon spécifique et non équivoque est assimilé à une facture. Il doit comporter l'ensemble des mentions prévues au II. (...) II. - Un décret en Conseil d'État fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code : " I. - Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : (...) 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération ; (...) 11° Le montant de la taxe à payer et, par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement ; (...) ".

4. La SAS LMN Consulting, après avoir établi, le 30 mai 2014, un avoir d'un montant de 50 232 euros toutes taxes comprises en faveur de la société Artemis Security, dont il est constant qu'elle vient aux droits de la société Groupe ADG, et dont l'objet fait référence aux " factures 13-11 ; 13-12 ; 13-13 de l'année 2013 ", a déduit la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur cet avoir au titre du mois de mai 2014 d'un montant de 8 232 euros. L'administration a remis en cause cette déduction en relevant que les prestations facturées en 2013 ont été réalisées et que le motif donné par la société lors du contrôle pour justifier de cet avoir, lequel porte sur la totalité du montant correspondant aux trois factures visées et représente 19 % du chiffre d'affaires de la société, ne correspond pas aux prestations libellées dans ces factures initiales. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 2 juin 2016, que l'objet des trois factures adressées en 2013 à la société Groupe ADG correspondait à la réalisation d'un audit complémentaire, effectué au cours des mois d'octobre, novembre et décembre 2013, s'inscrivant dans la démarche engagée par cette société en vue de l'obtention de la certification dite " MASE " (manuel d'amélioration sécurité des entreprises), alors que la SAS LMN Consulting a produit, au cours de la vérification de comptabilité, un document dans lequel elle indique à sa cliente que l'avoir en cause est consenti au motif qu'elle n'a pas été en mesure, dans les délais convenus, de mener à bien une mission sur l'annualisation du temps de travail au profit de sa cliente. Si la SAS LMN Consulting, pour établir qu'elle n'a pas réalisé la prestation d'audit qu'elle avait facturée, fait valoir que celle-ci a été effectuée par d'autres prestataires, elle n'établit pas, par la seule production d'une facture émise le 13 juillet 2014 par la société DNV-GL et d'un montant de 5 376,26 euros, soit près de dix fois inférieur à celui qu'elle avait facturé, que l'audit réalisé par cette société serait de même nature que celui pour lequel elle avait été missionnée. L'attestation, peu circonstanciée et établie le 8 juin 2017, soit plusieurs années après les faits, par laquelle il est indiqué que la société Artemis Security a bénéficié, en 2014, d'une assistance en vue d'une " refonte de l'aménagement du temps de travail " n'est pas davantage de nature à établir que la prestation de services facturée en 2013 par la SAS LMN Consulting n'aurait pas été réalisée. La circonstance que l'avoir établi le 30 mai 2014 respecterait formellement les conditions énumérées à l'article 242 nonies A de l'annexe II du code général des impôts est à cet égard sans incidence. Si la société requérante fait valoir que sa cliente ne s'est pas acquittée des factures émises en 2013, elle ne l'établit pas davantage alors que l'avoir en litige mentionne le montant de la taxe qu'elle a perçue. Au demeurant, comme le relève le ministre en défense, l'émission des factures en cause atteste, en principe, que la prestation de services a été réalisée, ainsi qu'il résulte des dispositions du 3° du I de l'article 289 du code général des impôts. Il suit de là que c'est à bon droit que le service a remis en cause la déduction en mai 2014 de la taxe d'un montant 8 232 euros figurant sur l'avoir du 30 mai 2014.

Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 :

En ce qui concerne la comptabilisation d'un avoir :

5. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code, également applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ". Pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation, se rattacher à la gestion normale de l'entreprise ou correspondre à une charge effective.

6. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

7. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a estimé que la comptabilisation, le 30 mai 2014, d'un avoir de 50 232 euros toutes taxes comprises au profit de sa cliente, la société Artemis Security, n'était pas justifiée et a, en conséquence, réintégré dans ses résultats imposables de l'exercice clos en 2014, la somme hors taxes d'un montant de 42 000 euros. Pour remettre en cause la déduction de cette somme, le service a relevé que les prestations d'audit facturées en 2013 avaient été réalisées et que le motif donné par la société lors du contrôle pour justifier de la nécessité d'émettre cet avoir, lequel porte sur la totalité des montants correspondant aux trois factures visées et représente 19 % du chiffre d'affaires de la société, ne correspond pas aux prestations libellées dans ces factures initiales. A cet égard, le service a relevé que les trois factures adressées en 2013 à la société Groupe ADG correspondaient à la réalisation d'un audit complémentaire, effectué au cours des mois d'octobre, novembre et décembre 2013, s'inscrivant dans la démarche engagée par cette société en vue de l'obtention de la certification dite " MASE ", alors que la SAS LMN Consulting a produit, au cours de la vérification de comptabilité, un document dans lequel elle indique à sa cliente que l'avoir en cause est consenti au motif qu'elle n'a pas été en mesure, dans les délais convenus, de mener à bien une mission sur l'annualisation du temps de travail. En outre, le ministre relève en défense, sans être contredit, que M. C... E... et M. D... E..., associés chacun à hauteur de 30 % des parts de la SAS LMN Consulting, étaient alors également associés de la société Groupe ADG, devenue Artemis Security. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le service a estimé que la somme correspondant à cet avoir ne constituait pas une charge effective supportée par la SAS LMN Consulting et devait être réintégrée dans son bénéfice imposable.

8. Si la SAS LMN Consulting fait valoir que l'avoir en cause, d'un montant de 42 000 euros hors taxe, est justifié par le fait qu'elle n'a pas réalisé les prestations qu'elle avait facturées à la société Groupe ADG en raison de leur complexité et que celles-ci ont été effectuées postérieurement par d'autres prestataires, elle ne justifie pas de manière suffisamment probante de cette allégation en se bornant à produire les seules pièces évoquées au point 5, consistant en une facture émise le 13 juillet 2014 par la société DNV-GL pour un montant de 5 374 euros toutes taxes comprises et une attestation établie le 8 juin 2017 faisant état de la réalisation en 2014 d'une mission d'assistance en lien avec l'aménagement du temps de travail. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère non déductible de la charge de 42 000 euros résultant de l'avoir émis le 30 mai 2014 au titre de l'exercice clos en 2014 et était, par suite, fondée à réintégrer cette charge indûment déduite du résultat de la société.

En ce qui concerne le profit sur le Trésor :

9. Aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de redressement. (...) "

10. Lorsqu'un contribuable a fait l'objet de redressements en matière d'impôt sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un profit sur le Trésor chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée.

11. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 4, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la déduction en mai 2014 de la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant 8 232 euros figurant sur l'avoir établi le 30 mai 2014, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge du montant de la taxe indûment déduite réintégrée au profit du Trésor.

En ce qui concerne les frais de déplacement :

12. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : (...) b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; (...) Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au contribuable qui entend déduire du bénéfice imposable les dépenses visées ci-dessus de justifier non seulement de leur réalité et de l'exactitude de leur montant, mais aussi de ce qu'elles ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise.

13. L'administration a réintégré dans les résultats imposables de la SAS LMN Consulting, à hauteur de 39 760 euros et de 66 000 euros au titre des exercices clos respectivement en 2013 et en 2014, les indemnités kilométriques versées à M. C... E..., M. D... E... et M. A... B..., associés et salariés de la société, au motif que ni la réalité de ces déplacements ni leur caractère professionnel n'étaient justifiés, ces charges ayant au demeurant été comptabilisées dans un compte 641 relatif à la rémunération du personnel. La société soutient que ces déplacements poursuivaient un but professionnel et fournit, à l'appui de son argumentation, un tableau précisant l'objet du déplacement, la date, le lieu et le kilométrage parcouru. Toutefois, ce seul document produit au cours de la vérification et sans aucun justificatif n'est pas suffisant pour établir la réalité de ces déplacements et leur caractère professionnel. D'ailleurs, l'administration fait valoir, sans être contredite, que la procédure interne mise en place par la SAS LMN Consulting impose au salarié, pour qu'il soit remboursé de ses frais de déplacement, qu'il produise l'ensemble des justificatifs originaux, en particulier des kilomètres parcourus. Dès lors, la SAS LMN Consulting ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la réalité de ces déplacements ni que ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. La SAS LMN Consulting n'est pas fondée à invoquer à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations du paragraphe n°50 de la documentation administrative publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-BIC-CHG-10-20-20, dans le champ desquelles elle n'entre pas dès lors que ces énonciations concernent la déduction de charges en matière de bénéfices industriels et commerciaux exposées par des chefs d'entreprise ou par des exploitants individuels, dont le caractère professionnel est établi mais dont seul le montant n'est pas justifié par des documents formant preuve certaine.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". L'administration a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré sur l'ensemble des rectifications de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés assignées à la SAS LMN Consulting.

15. S'agissant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés liée à la comptabilisation d'une charge dont la réalité n'est pas justifiée, l'administration fait valoir, pour justifier cette majoration, que la SAS LMN Consulting a volontairement minoré ses opérations taxables, d'une part, et ses résultats, d'autre part, en ayant consenti, le 30 mai 2014, un avoir à la société Groupe ADG du montant total des sommes qu'elle avait facturées à cette société pour une prestation d'audit, alors qu'elle ne pouvait ignorer le caractère non justifié de cet avoir. L'administration fait également valoir que le montant de l'avoir correspond au total des sommes qu'elle avait facturées à cette société pour cette prestation et qui représentait 19 % de son chiffre d'affaires. Enfin, l'administration relève que MM. E... étaient associés à la fois de SAS LMN Consulting et de la société Groupe ADG. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de la société de se soustraire au paiement de l'impôt dû, justifiant l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

16. S'agissant des charges non déductibles, l'administration fait valoir que la SAS LMN Consulting a alloué à ses associés salariés des indemnités kilométriques sans preuve ni de la réalité des trajets ni de leur caractère professionnel. L'administration fait également valoir que ces frais de déplacement, présentant en réalité le caractère de dépenses personnelles, représentent 13 % et 16 % des chiffres d'affaires réalisés par la société au titre des exercices clos respectivement en 2013 et 2014. L'administration relève enfin le caractère répété de cette pratique sur les exercices vérifiés. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de la SAS LMN Consulting de se soustraire au paiement de l'impôt dû, justifiant l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

17. Il résulte de ce qui précède que la SAS LMN Consulting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS LMN Consulting est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée LMN Consulting et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

La présidente de la cour,

Signé : N. MassiasLa greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°22DA00162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00162
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-14;22da00162 ?
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