La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°22DA02000

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 22 juin 2023, 22DA02000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 février 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de faire droit à ses demandes de renouvellement et de délivrance de certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui d

livrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale "...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 février 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de faire droit à ses demandes de renouvellement et de délivrance de certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, ou, à défaut et dans les mêmes conditions, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2201885 du 8 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, par deux autres demandes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 août 2022 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, ainsi que la décision du 9 août 2022 l'assignant à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 3 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement nos 2206018, 2206119 du 29 août 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé la décision du 5 août 2022 du préfet du Nord faisant interdiction à M. A... de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de trois années et a rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2022 sous le n°22DA02000, M. A..., représenté par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 février 2022 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le même délai, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler légalement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

- elle méconnaît les stipulations du 4 de l'article 6 et du g de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 6 du même accord ;

- elle méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de cet accord, ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier suffisamment sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;

- elle méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il était, à la date de l'arrêté contesté, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 4 de l'article 6 et du g de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier suffisamment sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle est prise.

En ce qui concerne l'interdiction de retour d'une durée d'un an :

- elle est insuffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle est prise ;

- il était, à la date de l'arrêté contesté, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 4 de l'article 6 et du g de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;

- la décision portant interdiction de retour n'a pas été précédée d'un examen personnalisé et suffisamment sérieux de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 30 août 2022, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale pour cette procédure.

II- Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2022 sous le n°22DA02300, M. A..., représenté par Me Danset-Vergoten, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 août 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les autres décisions prisées par l'arrêté du 5 août 2022 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, à un nouvel examen de sa situation, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- il était, à la date de l'arrêté contesté, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations du 4 de l'article 6 et du g de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier suffisamment sérieux de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

- il devra être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle il est pris.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle devra être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français pour l'exécution de laquelle elle est prise.

La requête a été communiquée au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 27 septembre 2022, M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale pour cette procédure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 2 juin 1994 à Mohammadia, est entré en France le 7 février 2012, à l'âge de dix-huit ans, selon ses déclarations. Il s'y est alors maintenu, sans solliciter d'emblée la délivrance d'un titre de séjour. Le 4 octobre 2017, il a sollicité son admission au séjour en qualité de parent d'enfant français et s'est vu délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de " parent d'enfant français " valable du 16 novembre 2017 au 15 novembre 2018. Le 2 octobre 2018, M. A... a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence ainsi que la délivrance d'un certificat de résidence " dix ans ". Par un arrêté du 14 février 2022, le préfet du Nord a refusé de faire droit à ses demandes, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de sa destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel, par la première requête, enregistrée sous le n°22DA02000, du jugement du 8 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler.

2. Parallèlement, M. A..., qui s'est maintenu en France malgré l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet, a été interpellé, le 4 août 2022, sur la voie publique, à Lille, dans le cadre d'un contrôle d'identité, qui a révélé la situation irrégulière de son séjour. Par un arrêté du 5 août 2022, le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a fait interdiction à l'intéressé de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de trois années. M. A... relève appel, par la seconde requête, enregistrée sous le n°22DA02300, du jugement du 29 août 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, en tant qu'après avoir annulé, pour excès de pouvoir, la seule interdiction de retour sur le territoire français dont il faisait l'objet, il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à l'annulation des autres décisions prises par l'arrêté du 5 août 2022 du préfet du Nord et celles tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, à cette autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

3. Les deux requêtes susvisées, respectivement enregistrées sous le n°22DA02000 et sous le n°22DA02300, concernant la situation du même ressortissant étranger et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

4. Alors notamment qu'il ressort des motifs de l'arrêté contesté que ceux-ci comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser à M. A... la délivrance d'un certificat de résidence, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette autorité n'aurait pas procédé à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. A... avant de prendre cette décision.

5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. Lorsque la qualité d'ascendant direct d'un enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, le certificat de résidence d'un an n'est délivré au ressortissant algérien que s'il subvient à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an ; / (...) ". Aux termes de l'article 7 bis du même accord : " (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a, au b, au c, et au g : / (...) / g) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, à l'échéance de son certificat de résidence d'un an ;".

6. Il ressort des motifs de l'arrêté du 14 février 2022 que, pour refuser d'accorder à M. A... le renouvellement du certificat de résidence d'un an qui avait été précédemment délivré à l'intéressé en qualité de père d'enfant français et lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans à ce même titre, le préfet du Nord a, d'une part, estimé que la présence en France de M. A... constituait une menace suffisamment grave et actuelle pour l'ordre public et, d'autre part, que les conditions requises par les stipulations précitées du 4 de l'article 6 et du g) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien n'étaient pas satisfaites, faute pour M. A... de justifier d'une contribution effective à l'entretien ou à l'éducation de ses deux enfants mineurs nés, le 27 janvier 2017 et le 15 mai 2018, de son mariage avec une ressortissante française, lequel a été dissous par un jugement du 17 novembre 2020.

7. Les stipulations précitées de l'accord franco-algérien ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir, qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Il ressort des motifs de l'arrêté contesté du 14 février 2022 que M. A... a été l'objet d'une condamnation pénale, le 8 mars 2017, à une peine de 90 heures de travaux d'intérêt général à raison de faits de vol en réunion et de violence avec usage d'une arme commis en 2013. Il ressort des mêmes motifs que l'intéressé a, en outre, fait l'objet de multiples signalements par les services de police, à raison de plusieurs destructions de biens appartenant à autrui, ainsi que pour des faits de détention et d'usage illicite de stupéfiants, qui lui ont été imputés au cours d'une période couvrant les années 2012 à 2016. Si ces derniers faits, dont la réalité n'est pas sérieusement contestée, peuvent être regardés comme présentant, à la date de l'arrêté du 14 février 2022, un caractère relativement ancien, ils étaient cependant, rapprochés de ceux ayant donné lieu à la condamnation pénale prononcée le 8 mars 2017, de nature, eu égard à leur particulière gravité et à leur réitération durant une période couvrant quatre années, à justifier que le préfet du Nord regarde la présence de M. A... comme constituant une menace suffisamment grave et actuelle pour l'ordre public et rejette, pour ce motif, qui suffisait à lui seul, la demande de certificat de résidence formée par M. A..., dans une situation dans laquelle, au surplus, l'ancienne épouse de l'intéressé a déposé, le 27 mai 2019 au commissariat de police de Lille, une plainte à l'encontre de celui-ci pour des appels téléphoniques malveillants réitérés, ainsi que pour des faits de séquestration et de harcèlement moral commis en 2019, faits qui ont donné lieu à un rappel à la loi de la part de l'officier de police judiciaire.

8. Eu égard à ce qui vient d'être dit au point précédent, les moyens tirés, par M. A..., de la méconnaissance, par la décision de refus de séjour, des stipulations du 1. et du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dont le bénéfice est subordonné à la condition que la présence du demandeur au séjour ne représente pas une menace pour l'ordre public, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

9. M. A..., s'il indique, sans l'établir, être entré en France le 7 février 2012, ne justifie pas, par les seules pièces qu'il verse au dossier, dont la plus ancienne a été établie en 2017, d'un séjour habituel sur le territoire français depuis cette date. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, père de deux enfants français qui vivent avec leur mère, son ancienne épouse, est divorcé et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, où demeurent ses parents et où il a lui-même vécu au moins jusqu'à l'âge de dix-huit ans. S'il indique vivre maritalement avec une ressortissante française, cette vie commune, à en supposer la réalité établie par les seules pièces versées au dossier, présentait, à la date de l'arrêté contesté, un caractère particulièrement récent, puisqu'elle n'avait débuté, selon ces pièces, que quelques semaines auparavant. Dans ces circonstances, au regard desquelles doit être prise en considération la menace à l'ordre public représentée par la présence de M. A... en France, et eu égard aux conditions du séjour de M. A..., la décision de refus de séjour ne peut être tenue comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, ni comme ayant été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions cette décision ne peut davantage être regardée comme entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

Sur les obligations de quitter le territoire français et les autres décisions en litige :

10. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

11. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, tant des motifs que du dispositif du jugement du 17 novembre 2020, devenu définitif, par lequel le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Lille a prononcé le divorce entre M. A... et son épouse française, que l'autorité parentale sur les deux enfants mineurs du couple continuera, après le divorce, à s'exercer en commun et que, quand bien même la résidence habituelle de ces enfants a été fixée par le juge au domicile de leur mère, M. A... se voit reconnaître par le juge un droit de visite et d'hébergement sur ces enfants. Eu égard à ces dispositions de ce jugement et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, M. A... doit être tenu comme justifiant, à la date de l'arrêté contesté, d'une contribution effective à l'éducation de ses enfants. Au demeurant, les stipulations précitées de l'accord franco-algérien ne subordonnent pas la reconnaissance de la qualité de parent d'enfant français à la seule condition que le demandeur du certificat de résidence en cette qualité subvienne effectivement aux besoins de son enfant, mais posent aussi une condition alternative, tenant à l'exercice, même partiel, de l'autorité parentale sur cet enfant. Or, le préfet du Nord ne retient aucunement, dans les motifs de son arrêté du 14 février 2022, que M. A... n'exercerait pas l'autorité parentale, qui lui est reconnue par le jugement dont il se prévaut, sur ses deux enfants. Ainsi et dans ces conditions, une mise en exécution des obligations de quitter le territoire français prononcées à l'égard de M. A... risque de séparer, d'une manière durable, l'intéressé, eu égard à ses antécédents judiciaires, de ses deux enfants et de faire obstacle à ce qu'il puisse exercer, à leur égard, les droits qui lui sont reconnus par le juge aux affaires familiales, une telle conséquence excédant celles qui sont raisonnablement susceptibles d'être rendues nécessaires, dans les circonstances de l'espèce, pour la sauvegarde de l'ordre public. Par suite et dans ces circonstances, ces décisions doivent être regardées comme contraires à l'intérêt supérieur des enfants de M. A..., tel que protégé par les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. M. A... est, par suite, fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise par l'arrêté du 14 février 2022 du préfet du Nord, ainsi, par voie de conséquence, que des décisions, prises par cet arrêté, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour avant l'expiration d'une durée d'un an. En outre, il résulte aussi de ce qui vient d'être dit que M. A... est également fondé à demander l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, prise par l'arrêté du 5 août 2022, ainsi, par voie de conséquence, que des autres décisions contenues dans cet arrêté et demeurant en litige, à savoir celles refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est, dans la mesure de ce qui a été dit au point précédent, fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, d'une part, le tribunal administratif de Lille et, d'une part, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille ont, respectivement, rejeté et fait partiellement droit à ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui annule, à l'exception du refus de titre de séjour, les décisions demeurant en litige, prises par les arrêtés du 22 février 2022 et du 5 août 2022 du préfet du Nord, implique nécessairement que le préfet du Nord ou tout préfet territorialement compétent, procède à un nouvel examen de la situation de M. A... après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour valable le temps nécessaire à ce réexamen. Il y a lieu d'impartir au préfet, pour procéder à ce réexamen, un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt et, pour délivrer l'autorisation provisoire de séjour, un délai de quinze jours à compter de cette date.

Sur les frais exposés :

14. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Danset-Vergoten, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201885 du 8 juin 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise par l'arrêté du 14 février 2022, ainsi que contre l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et la désignation du pays de destination, prises par le même arrêté.

Article 2 : Le jugement nos 2206018, 2206119 du 29 août 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre les décisions du 5 août 2022 du préfet du Nord lui faisant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.

Article 3 : L'arrêté du 14 février 2022 du préfet du Nord est annulé en tant qu'il fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, qu'il fixe le pays de destination et lui interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Article 4 : L'arrêté du 5 août 2022 du préfet du Nord est annulé en tant qu'il fait obligation à M. A... de quitter le territoire français, qu'il refuse de lui accorder un délai de départ volontaire et qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Article 5 : Il est enjoint au préfet du Nord ou à tout préfet territorialement compétent pour connaître de la situation de M. A... de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la situation de l'intéressé, après lui avoir délivré, dans le délai de quinze jours à compter de cette date, une autorisation provisoire de séjour.

Article 6 : L'Etat versera à Me Danset-Vergoten avocate de M. A..., la somme de 1 000 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 7 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. A... est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet du Nord, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Danset-Vergoten.

Délibéré après l'audience publique du 1er juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de la formation de jugement,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

1

2

Nos22DA02000, 22DA02300

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02000
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sauveplane
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN;DANSET-VERGOTEN;DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-22;22da02000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award