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22/06/2023 | FRANCE | N°22DA01078

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 22 juin 2023, 22DA01078


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 mai 2022 et 23 janvier 2023, la société Parc éolien Nordex 81 devenue la société Parc éolien du Mont Herbé, représentée par Me Hélène Gelas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale de créer et exploiter un parc de quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Cormeilles et de Villers-Vicomte ;

2°) de délivrer cette autorisation en l'

assortissant en tant que de besoin des prescriptions nécessaires à la préservation des intér...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 mai 2022 et 23 janvier 2023, la société Parc éolien Nordex 81 devenue la société Parc éolien du Mont Herbé, représentée par Me Hélène Gelas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 25 mars 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale de créer et exploiter un parc de quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Cormeilles et de Villers-Vicomte ;

2°) de délivrer cette autorisation en l'assortissant en tant que de besoin des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ou sinon d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de délivrer cette autorisation en fixant les prescriptions techniques ou de reprendre l'instruction de sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que l'arrêté est entaché d'incompétence et d'insuffisance de motivation et que le projet ne porte pas atteinte aux intérêts protégés au titre de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Par un mémoire enregistré le 2 janvier 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que l'autorisation environnementale ne soit pas délivrée directement par la cour.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,

- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,

- les observations de Me Eléonore Kerjean-Gauducheau, représentant la société Parc éolien du Mont Herbé.

Une note en délibéré présentée par la société Parc éolien Nordex 81 devenue Parc éolien du Mont Herbé a été enregistrée le 14 juin 2023.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société Parc éolien Nordex 81 devenue la société Parc éolien du Mont Herbé a demandé l'autorisation environnementale de créer et exploiter un parc de quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire des communes de Cormeilles et de Villers-Vicomte. Par un arrêté du 25 mars 2022, la préfète de l'Oise a refusé de délivrer cette autorisation. La société Parc éolien du Mont Herbé demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté :

2. L'auteur de l'arrêté attaqué, secrétaire général de la préfecture, bénéficiait d'une délégation de signature sur le fondement de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 et d'un arrêté du 21 décembre 2020 signé par le préfet et régulièrement publié.

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :

3. Conformément à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté du 25 mars 2022, qui compte sept pages, énonce les motifs de droit et de fait qui le fondent.

En ce qui concerne l'atteinte à la biodiversité :

4. Aux termes de l'article L. 163-1 du code de l'environnement : " I. (...) Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité (...) ne peuvent pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé en l'état ". Aux termes de l'article L. 181-3 du même code : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles (...) L. 511-1 (...) ". Aux termes de ce dernier article : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées (...) par toute personne (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) ".

5. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " (...) II. (...) l'étude d'impact (...) comporte (...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement (...) 8° Les mesures prévues (...) pour (...) - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement (...) et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement (...) qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. (...) ".

S'agissant de l'impact sur les chiroptères :

6. Si le projet est implanté sur des terres cultivées où l'activité des chiroptères est limitée et s'il est distant de 1,4 kilomètre de la zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique " Anciennes carrières de phosphates d'Hardivilliers ", de 2,1 kilomètres de la zone spéciale de conservation " Réseaux de coteaux et vallée du bassin de la Selle " et de 2,6 kilomètres du site protégé " La montagne sous les brosses ", des espèces de chiroptères menacées en France et vulnérables aux éoliennes ont été observées dans le secteur du projet, la pipistrelle commune, la noctule de Leisler, la pipistrelle de Nathusius, la sérotine commune et le grand murin.

7. Toutefois, l'activité des chiroptères diminue lorsque la distance entre les éoliennes et les haies arborées excède 50 mètres. Eu égard à la hauteur du vol des espèces pouvant dépasser 50 mètres et de la garde au sol des éoliennes allant de 25,5 à 33,5 mètres, il y a lieu de prendre en compte la distance au bois en bout de pale par la méthode de projection au sol comme l'a fait l'inspection des installations classées sans y inclure la différence de hauteur entre le bois et le bout de pale comme l'a fait le bureau d'études. Cette distance se chiffre alors, selon les calculs concordants de la figure 176 de l'étude écologique puis de l'inspection des installations classées, à 71,5, 121,5, 84,5 et 34,5 mètres pour les éoliennes E1, E2, E3 et E4.

8. La distance n'est ainsi insuffisante que pour l'éolienne E4. Il ne résulte pas de l'instruction, eu égard à la faible distance séparant l'éolienne du bois, que des mesures d'évitement et de réduction présentent des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé.

9. S'agissant en revanche des éoliennes E1, E2 et E3, si le porteur du projet a proposé un bridage du 10 avril au 31 octobre, pour un vent inférieur à 6,5 mètres par seconde, pour une température supérieure à 10° C, toute la nuit à partir du coucher du soleil en phase de mise-bas et dans les trois heures suivant le coucher du soleil en phase de transit, il y a lieu, compte tenu des distances ci-dessus qui sont inférieures à celle de 200 mètres recommandée par l'accord sur la conservation des populations de chauves-souris en Europe (Eurobats), eu égard à l'augmentation de l'activité observée sur le site en période de mise-bas ou de transit automnal et en s'inspirant des paramètres du guide de la DREAL Hauts-de-France, d'étendre le bridage à la période du 1er mars au 30 novembre, pour un vent inférieur à 6 mètres par seconde, pour une température supérieure à 7°C, durant l'heure précédant le coucher du soleil jusqu'à l'heure suivant le lever du soleil.

S'agissant de l'impact sur l'avifaune :

10. D'une part, si l'aire d'étude immédiate du projet est située à 500 mètres d'un couloir de migration régional, la distance entre les éoliennes elles-mêmes et ce couloir est supérieure et le site du projet ne s'inscrit pas dans un système de vallée propice à la migration. Si des migrations post nuptiales ont été constatées près de la future éolienne E3, peu d'individus à niveau de patrimonialité fort ont été observés.

11. D'autre part, si des espèces menacées et vulnérables aux éoliennes, notamment la buse variable, le busard Saint-Martin, l'épervier d'Europe, le faucon crécerelle et le faucon pélerin, résident dans le secteur du projet, l'inventaire diligenté de décembre 2017 à novembre 2018 n'a pas permis d'observer un grand nombre d'individus à une hauteur de plus de 25 mètres, le projet n'est pas implanté dans un secteur de reproduction de ces espèces, des flux de déplacement entre le bois situé au centre-ouest et le bois situé au nord-est n'ont été observés que pour des espèces communes comme la corneille noire, le suivi post-implantatoire des parcs éoliens déjà exploités à proximité n'a pas conduit à la découverte de cadavres des mêmes espèces et le porteur du projet a prévu l'intervention d'un écologue en cas de travaux pendant la période de reproduction de l'avifaune ainsi que la création de zones d'attractivité pour éloigner les rapaces des éoliennes.

12. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Oise, en estimant que le projet était susceptible de porter atteinte aux chiroptères et à l'avifaune, n'a fait une exacte application des dispositions précitées qu'en ce qui concerne l'éolienne E4.

Sur la nécessité d'une dérogation :

13. Le pétitionnaire doit obtenir la dérogation " espèces protégées " prévue à l'article L. 411-1 du code de l'environnement si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

14. Il résulte de ce qui précède que le risque que le projet comporte pour des espèces protégées n'est pas suffisamment caractérisé en ce qui concerne les éoliennes E1, E2 et E3.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc éolien du Mont Herbé est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 25 mars 2022 en ce qu'il a refusé d'autoriser les éoliennes E1, E2 et E3.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Il résulte de la motivation de l'annulation prononcée par le présent arrêt, alors qu'aucune autre atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement n'a été invoquée en défense, qu'il y a lieu d'enjoindre à la préfète de l'Oise, dans le cadre des pouvoirs du juge de plein contentieux des installations classées et sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de délivrer l'autorisation environnementale à la société Parc éolien du Mont Herbé pour les éoliennes E1, E2 et E3, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, en l'assortissant de toutes les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts visés à cet article L. 511-1, et notamment de celles énoncées au point 9 du présent arrêt.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 2 000 euros à verser à la société Parc éolien du Mont Herbé sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 25 mars 2022 est annulé en ce qu'il a refusé d'autoriser les éoliennes E1, E2 et E3.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Oise de délivrer l'autorisation environnementale à la société Parc éolien du Mont Herbé pour les éoliennes E1, E2 et E3, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, en l'assortissant de toutes les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, et notamment de celles énoncées au point 9 du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Parc éolien du Mont Herbé au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien du Mont Herbé, au ministre de la transition écologique et à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 8 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : D. Perrin Le président-rapporteur,

Signé : M. A...

Le greffier,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N° 22DA01078 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01078
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-22;22da01078 ?
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