Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de réexaminer son dossier afin que l'imputabilité au service de la maladie dont il souffre soit reconnue.
Par une ordonnance n° 2200170 du 12 avril 2022, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin et 29 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Maricourt, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler la décision du 16 novembre 2021 par laquelle le président du conseil régional des Hauts-de-France a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ;
3°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 1 600 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du CJA.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée, prise sur le fondement des dispositions des 4° et 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, est entachée d'irrégularité dès lors que sa demande contenait l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge, conformément aux exigences de l'article R. 411-1 du même code ;
- l'ordonnance est insuffisamment motivée dès lors que le moyen inopérant n'est pas précisé et qu'il n'est pas répondu aux moyens d'ordre public ;
- la présidente de la 1ère chambre a omis de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme ;
- la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure résultant de l'irrégularité de la composition de la commission de réforme ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dès lors que le régime de présomption d'imputabilité au service de la maladie professionnelle mentionnée au " tableau 98 " annexé à ces dispositions lui est applicable et qu'il remplit les conditions pour bénéficier de cette présomption ;
- elle est entachée d'une erreur dans l'appréciation de sa situation médicale au regard, d'une part, des éléments médicaux fournis et, d'autre part, de l'absence de causes extérieures aux tâches effectuées dans le cadre de son travail qui viendraient renverser la présomption d'imputabilité dont il bénéficie.
Par des mémoires en défense enregistrés les 25 octobre et 16 décembre 2022, la région Hauts-de-France, représentée par Me Porcher, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelant la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- si l'appelant a entendu soulever le moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'un vice de procédure du fait du caractère irrégulier de la composition de la commission départementale de réforme, ce moyen est irrecevable en appel dès lors que n'ont pas été développés, dans les écritures de première instance, de moyens de légalité externe ;
- les moyens développés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 janvier 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme. Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Frédéric Malfoy, rapporteur public,
- et les observations de Me Cuadrado pour M. B... et de Me Porcher pour la région Hauts-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... est adjoint technique des établissements publics locaux d'enseignement, en poste dans la région Hauts-de-France depuis 2006. Il est affecté au sein d'un lycée en qualité d'agent polyvalent d'entretien. Souffrant de douleurs cervicales en rapport avec des hernies discales, il a été placé en congé de longue maladie le 7 octobre 2019. Il a sollicité la reconnaissance de cette pathologie comme maladie professionnelle en se prévalant d'un certificat médical établi le 10 septembre 2019 pour " rachialgies invalidantes chez une personne portant des charges lourdes ". Le 15 octobre 2021, la commission départementale de réforme a émis un avis défavorable à cette reconnaissance. Par une décision du 16 novembre 2021, le président du conseil régional a refusé de faire droit à la demande de M. B.... Ce dernier relève appel de l'ordonnance par laquelle la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 novembre 2021.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents (...) de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) ; 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé./ (...) ".
3. Une ordonnance rejetant une requête sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, à la différence d'une ordonnance prise en vertu de l'article R. 411-1, la rejette comme non fondée et non comme irrecevable. Il s'ensuit que, sauf à juger que la demande de première instance était irrecevable pour des motifs qu'il lui appartient de préciser, le juge d'appel ne peut rejeter comme non fondé, un appel dirigé contre une telle ordonnance sans avoir examiné non seulement les moyens tirés de l'irrégularité de celle-ci, mais également les moyens soulevés devant lui et tirés de l'illégalité de la décision attaquée devant le premier juge, qui ne sont pas inopérants.
4. L'ordonnance attaquée de la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille mentionne tant le 4° que le 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. Toutefois, eu égard aux motifs de rejet qu'elle retient tenant à ce que les moyens soulevés sont pour l'un inopérant et pour les autres non assortis des précisions permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé, cette ordonnance a été prise sur le seul fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
5. Il ressort du dossier de première instance qu'à l'appui de sa contestation formulée devant le tribunal le 10 janvier 2022 à laquelle sont joints des éléments de son dossier médical, M. B... se borne à évoquer l'existence d'un " litige " et sa contestation des comptes-rendus des experts médicaux. Dans son mémoire complémentaire enregistré le 13 janvier 2022, il souligne que ses " problèmes de dos ont débuté en 2012 avec une hernie lombaire (sciatique) et une paralysie de la jambe gauche ". Il ajoute qu'en dépit de sa situation médicale et de sa reconnaissance en qualité de travailleur handicapé, il est confronté à une " surcharge de travail ". Enfin, il précise que le médecin du travail lui a conseillé de faire une " demande de maladie professionnelle " tableau 98 " " et qu'il " suffirait de classer [ses] hernies cervicales dans le tableau maladies professionnelles hors tableau ". Si cette formulation permet de considérer que l'intéressé a entendu soulever des moyens de légalité interne tirés de l'illégalité du refus de considérer que sa maladie est imputable au service, M. B... ne développe pas de raisonnement permettant de démontrer l'erreur commise par l'autorité territoriale à ne pas avoir reconnu le lien entre ses pathologies et l'exercice de son activité professionnelle et n'apporte pas de précisions suffisantes pour permettre au juge d'exercer son office et d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, la présidente de la 1ère chambre n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
6. En deuxième lieu, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille a suffisamment précisé les motifs de fait de droit pour lesquels elle a considéré que les moyens soulevés, dont un était au surplus inopérant, n'étaient manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, le moyen, tiré de l'insuffisance de motivation de l'ordonnance attaquée doit être écarté.
7. En troisième et dernier lieu, si l'appelant soutient que la première juge a omis de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte et celui tiré d'une irrégularité de la composition de la commission de réforme, en tout état de cause, le juge n'est tenu de soulever d'office un moyen d'ordre public que lorsque celui-ci ressort clairement des pièces du dossier, ce qui n'était pas le cas en l'espèce s'agissant de la compétence de l'auteur de l'acte. Par ailleurs, l'irrégularité alléguée dans la procédure qui n'était pas soulevée en première instance, n'est pas un moyen d'ordre public.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance de la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille est entachée d'irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
9. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., il ne ressort pas des écritures de première instance qu'un quelconque moyen de légalité externe était soulevé en première instance contre la décision du 16 novembre 2021. Le moyen tiré du vice de procédure résultant de l'irrégularité de la composition de la commission départementale de réforme, ainsi soulevé pour la première fois en appel et qui ne présente pas un caractère d'ordre public, relève d'une cause juridique nouvelle, distincte de celle soulevée devant les premiers juges. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la région Hauts-de-France doit être accueillie et ce moyen, irrecevable en appel, doit être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
11. L'application des dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale.
12. Comme indiqué au point 1, la pathologie de M. B... a été diagnostiquée par un certificat médical du 10 septembre 2019 auquel se réfère le procès-verbal de la commission de réforme du 15 octobre 2021 qui fait état d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, pour des rachialgies invalidantes chez une personne portant des charges lourdes. La situation de M. B... doit donc être examinée au regard des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Par ailleurs, les rapports d'expertises médicales réalisées par les médecins agréés les 2 juin 2020 et 24 avril 2021 précisent que ces rachialgies consistent en des douleurs cervicales en rapport avec des hernies discales cervicales et que ce sont ces cervicalgies qui motivent les arrêts de travail.
13. M. B... met en avant l'avis rendu le 19 novembre 2020 par le médecin de prévention auprès du centre de gestion du Nord, qui a estimé qu'" au regard de l'état de santé et de ses activités professionnelles l'ayant exposé à des contorsions répétitives du tronc ainsi que du port de charge répétitif, il pourrait solliciter une demande de maladie professionnelle (tableau 98) ". Toutefois, comme le soulignent d'ailleurs les deux expertises réalisées par les médecins agréés les 2 juin 2020 et 24 avril 2021, les pathologies cervicales ne sont pas reconnues dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale. M. B... ne peut donc se prévaloir, en application de de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, d'une présomption d'imputabilité professionnelle des pathologies cervicales dont il souffre et le moyen tiré d'une erreur de droit doit être écarté.
14. En troisième lieu, si M. B... soutient que sa pathologie cervicale est la conséquence de son activité professionnelle, les deux rapports d'expertise médicale des 2 juin 2020 et 24 avril 2021 se bornent à indiquer que la pathologie des cervicales n'est pas décrite dans le tableau des maladies professionnelles, sans apporter d'éléments sur l'imputabilité au service. Si lors d'une consultation réalisée le 19 novembre 2020, la médecine préventive lui a notamment déconseillé le port de charges répétitif et prolongé de plus de cinq kilogrammes et a défini une contre-indication définitive aux mouvements de contorsions répétitives du tronc, ce rapport ne permet pas plus d'établir que les douleurs cervicales auraient pour origine l'activité professionnelle. De même, les diverses attestations et les photographies produites par l'appelant concernant ses conditions de travail et faisant état d'une surcharge d'activité et d'un matériel inadapté sont pas assez circonstanciées pour établir l'existence d'un lien direct entre la pathologie et l'activité professionnelle. Dans ces conditions, et alors que la commission de réforme a rendu le 15 octobre 2021 un avis défavorable à l'imputabilité au service de la pathologie, les pièces produites ne permettent pas d'établir que les conditions de travail de l'intéressé sont essentiellement et directement à l'origine du développement de sa pathologie cervicale et que le président du conseil régional des Hauts-de-France aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de cette pathologie.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
16. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la région Hauts-de-France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais de l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme que la collectivité demande au titre des frais de l'instance sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la région Hauts-de-France sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la région Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Le président-assesseur,
Signé : M. C...
La présidente de chambre,
présidente-rapporteure,
Signé : G. BorotLa greffière,
Signé : A.S. Villette Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publiques ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
1
2
N° 22DA01225
N° 21DA02973 8