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23/05/2023 | FRANCE | N°22DA01688

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 mai 2023, 22DA01688


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes identiques, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 9 décembre 2020 par laquelle le directeur territorial du bassin de la Seine l'a muté, à compter du 28 décembre 2020, au sein de l'unité territoriale d'itinéraire Seine Nord sur le poste de chargé de contrôle du domaine public fluvial.

Par un jugement nos 2100184-2100247 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes.

Procéd

ure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2022, M. B..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes identiques, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 9 décembre 2020 par laquelle le directeur territorial du bassin de la Seine l'a muté, à compter du 28 décembre 2020, au sein de l'unité territoriale d'itinéraire Seine Nord sur le poste de chargé de contrôle du domaine public fluvial.

Par un jugement nos 2100184-2100247 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen a, après les avoir jointes, rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er août 2022, M. B..., représenté par la SELARL Ingelaere et partners avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 9 décembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge des Voies navigables de France une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 9 décembre 2020 est entachée d'un vice de procédure résultant

du non-respect du droit à consultation de son dossier en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 12 avril 1905 ;

- le tribunal a, à tort, considéré que la décision attaquée pouvait avoir le caractère d'une mutation d'office justifiée par l'intérêt du service alors qu'il s'agit d'une sanction déguisée faisant suite à des difficultés relationnelles avec ses collègues et sa hiérarchie ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle et professionnelle et d'un détournement de procédure ;

- dès lors que cette décision doit être considérée comme une sanction, elle est entachée d'un vice tenant au défaut de consultation de la commission administrative paritaire ;

- elle est illégale dès lors qu'il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits et que la sanction de mutation d'office n'est pas au nombre des sanctions qui peuvent être infligées aux ouvriers des parcs et ateliers.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 novembre 2022, l'établissement public Voies navigables de France, représenté par Me Dagostino, conclut au rejet de cette requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 janvier 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice de 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 65-382 du 21 mai 1965 relatif aux ouvriers des parcs et ateliers des ponts et chaussées et des bases aériennes admis au bénéfice de la loi du 21 mars 1928 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Lienart, pour Voies navigables de France.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ouvrier des parcs et ateliers, est employé par Voies navigables de France depuis 1989 et a été affecté à compter du 1er janvier 2006 en tant qu'hydrographe et chef d'équipe de la vedette de bathymétrie " Picardie " au sein de la direction territoriale du bassin de la Seine à Sempigny (Oise). Par une décision du 12 février 2020, le directeur territorial du bassin de la Seine l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à raison de difficultés relationnelles avec les deux agents qu'il encadrait et avec sa hiérarchie. Par une décision du 9 décembre 2020, le directeur territorial du bassin de la Seine l'a muté d'office à compter du 28 décembre 2020 au sein de l'unité territoriale Seine Nord, située à Compiègne. Par ailleurs, à la suite d'un avis du 1er décembre 2020 de la commission consultative des ouvriers des parcs et ateliers de la direction territoriale du bassin de la Seine, l'intéressé a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de huit jours par une décision du 15 décembre 2020 qui lui a été notifiée le 26 décembre suivant. Par un jugement du 2 juin 2022, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2020 prononçant sa mutation d'office. M. B... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice de 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ". En vertu de ces dispositions, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier préalablement à la mesure, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où l'agent public fait l'objet d'un déplacement d'office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.

3. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait été averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre à son encontre une mesure de mutation d'office dans l'intérêt du service à raison des fortes dissensions existant avec les deux agents aides-hydrographes qu'il encadrait à bord de la vedette " Picardie " et qui étaient de nature à perturber le bon fonctionnement des opérations de bathymétrie. Il n'a donc pas été mis à même de demander la communication de son dossier individuel en vue de cette mesure. Il est dès lors fondé à soutenir que la décision du 9 décembre 2020 est entachée d'un vice de procédure.

4. Toutefois, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que par un courriel du 17 avril 2020 adressé à un représentant syndical accompagnant M. B..., que ce représentant lui a retransmis, que Voies navigables de France indiquait qu'il lui était conseillé de se porter candidat sur un autre poste à l'UIT Seine Nord, dont la fiche de poste était jointe, " pour éviter une sanction disciplinaire assortie d'une mesure de mutation d'office ". Par la suite, un courrier du 28 août 2020 auquel était joint un rapport du 10 février 2020 faisant notamment état des tensions existant au sein de l'équipe de M. B..., l'a informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire et de la possibilité de consulter son dossier individuel. Il ressort des termes d'un courrier du 17 décembre 2020, qui n'est pas sérieusement contesté par l'appelant, qu'il a réceptionné son dossier le 1er septembre 2020, dans le cadre de la procédure disciplinaire. Dans ces conditions, le vice dont est affectée la procédure de mutation d'office n'a pas, dans les circonstances particulière de l'espèce, privé l'intéressé d'une garantie ni n'a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision du 9 décembre 2020.

6. En deuxième lieu, une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

7. M. B... soutient de nouveau en appel que sa mutation n'est pas justifiée par l'intérêt du service mais constitue une sanction déguisée comme en témoignerait le caractère concomitant de l'exclusion temporaire de huit jours dont il a fait l'objet le 15 décembre 2020. Il ressort des pièces du dossier que dès le 9 juillet 2019 des entretiens ont été organisés par les responsables de l'unité dragages et bathymétrie à la demande d'un agent de M. B... faisant état d'un mal-être ambiant à bord de la vedette " Picardie ". Selon le compte-rendu de l'entretien réalisé le 30 juillet 2019,

le mal-être ressenti par les agents résulte de dysfonctionnements dans l'organisation du travail, les membres de l'équipage faisant notamment état d'un sentiment d'inutilité au quotidien en l'absence de répartition des tâches à bord de la vedette et de reconnaissance de la part de M. B... dont les compétences professionnelles dans son domaine sont néanmoins reconnues. Par une note du 10 février 2020, la cheffe de service gestion de la voie d'eau a alerté sur une situation grave de risques psychosociaux au sein de la vedette " Picardie " malgré une tentative de médiation et l'accompagnement individuel proposé à M. B..., qui s'est notamment traduit par sa participation à une formation en management. Elle sollicitait la suspension de M. B... à titre conservatoire, aucune amélioration durable de la situation n'ayant été constatée. A la suite d'un signalement effectué par M. B... sur le registre santé et sécurité au travail le 17 septembre 2019 faisant état d'une " atteinte à son intégrité morale au travers d'écrits (...) par sa hiérarchie à son encontre " et de plusieurs congés maladie ordinaire, un nouvel entretien a été organisé le 13 novembre 2019 afin d'identifier les mesures correctrices susceptibles d'être mises en œuvre en vue d'améliorer les conditions de travail sur la vedette. Toutefois, dès le 21 novembre 2019, un nouveau conflit est survenu entre les membres de l'équipage. La persistance de ces difficultés est corroborée par les conclusions de l'audit réalisé par la mission prévention, conseil et sécurité restituées le 4 février 2020. Enfin, dans la décision litigieuse du 9 décembre 2020, Voies navigables de France indique que depuis le mois de décembre 2019, les opérations de bathymétrie sont stoppées en cas d'absence d'un des deux aides-hydrographes, M. B... ne souhaitant pas réaliser ces chantiers lorsqu'il est seul avec le second pilote. L'appelant ne conteste pas sérieusement l'existence de ce conflit de nature à compromettre la cohésion nécessaire à la conduite des missions confiées à la vedette " Picardie ".

8. Compte tenu de ce climat de tensions et de ses répercussions négatives sur le fonctionnement du service, imputable en grande partie au comportement managérial de M. B..., c'est en vue de restaurer un fonctionnement normal de ce service qui se caractérise notamment par des missions exercées dans un espace confiné, que Voies navigables de France a décidé de déplacer d'office M. B..., alors même que cette décision est intervenue après une sanction d'exclusion temporaire de huit jours, en partie fondée sur d'autres griefs tels que des refus d'obéissance. L'intention de sanctionner M. B... une nouvelle fois ne ressortant pas des pièces du dossier, le moyen tiré de l'existence d'une sanction déguisée doit être écarté ainsi que les moyens tirés de ce que cette décision, prétendument disciplinaire, est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation de la commission administrative paritaire, qu'elle n'est pas au nombre des sanctions qui peuvent être légalement infligées aux ouvriers des parcs et ateliers et qu'il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits doivent être écartés.

9. Pour les motifs précédemment exposés, les moyens tirés de ce que la décision de mutation d'office est entachée d'une erreur d'appréciation et d'un détournement de procédure doivent être également écartés.

10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à Voies navigables de France.

Délibéré après l'audience publique du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 22DA01688 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01688
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : INGELAERE et PARTNERS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-23;22da01688 ?
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