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27/04/2023 | FRANCE | N°22DA02091

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 27 avril 2023, 22DA02091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2202904, 2203863 du

3 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Roue...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 30 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pendant une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2202904, 2203863 du 3 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination et assignation à résidence.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 octobre 2022, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que :

- le requérant ne justifie pas de son véritable état civil, tel qu'exigé par l'article

R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2022, et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Magali Leroy, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros toutes taxes comprises, à titre principal sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 23 janvier 2023 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Baes-Honoré,

présidente-assesseure.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. A..., ressortissant malien, a déclaré être entré en France en janvier 2019. Il a bénéficié d'un accueil provisoire d'urgence le 18 février 2019 puis a été placé à l'aide sociale à l'enfance d'abord à titre provisoire le 14 mars 2019 puis par un jugement le 18 avril 2019. A la suite du dépôt de sa demande de titre de séjour le 23 mars 2021 sur le fondement des articles L. 313-11-2 bis et L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, le préfet de la Seine-Maritime, par un arrêté du 30 mars 2022, a refusé de lui accorder le titre sollicité et a pris à son encontre une mesure d'éloignement. Le 21 septembre 2022, il a assigné M. A... à résidence pour quarante-cinq jours. Saisi de deux requêtes distinctes par M. A..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination, et l'assignant à résidence. Le préfet relève régulièrement appel de ce jugement d'annulation du 3 octobre 2022.

Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal :

En ce qui concerne le moyen relatif à la justification de l'état civil :

2. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ". Aux termes de l'article L. 421-35 du même code : " Les étrangers âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle se voient délivrer l'un des titres de séjour suivants : / 1° Une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" s'ils remplissent les conditions prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 ; / (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ".

4. Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. (...) " et aux termes de l'article 388 du même code : " Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. / Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé. / (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

7. En premier lieu, M. A... a joint à sa demande de titre de séjour, pour justifier de sa naissance le 12 avril 2003, un jugement supplétif d'acte de naissance délivré au Mali le 10 janvier 2020 et un acte de naissance délivré au Mali 27 janvier 2020.

8. Toutefois, d'une part, la cellule fraude documentaire de la police aux frontières a relevé, dans son analyse technique du 17 septembre 2021, que le document présenté comme un jugement supplétif d'acte de naissance, qui comporte des mentions pré-imprimées non conformes et des timbres humides réalisés en impression jet d'encre contrefaits, est falsifié.

9. D'autre part, le document présenté comme un acte de naissance a été établi sur la base du document falsifié analysé au point précédent. En outre, la même cellule fraude documentaire a relevé, dans son autre analyse technique du même jour, que ce deuxième document, qui comporte un timbre humide contrefait avec dans la mention de la devise malienne " Un Foi " au lieu de " Une Foi " et qui n'est pas conforme s'agissant du fond d'impression, des mentions pré-imprimées, de la numérotation et des coordonnées de l'imprimerie, est contrefait.

10. En deuxième lieu, M. A... a invoqué, pour la première fois dans un mémoire déposé devant le tribunal administratif le 27 septembre 2022, un nouvel acte de naissance délivré au Mali le 27 janvier 2020, un extrait d'acte de naissance établi le 29 août 2022 et une attestation établie par un officier d'état civil malien le 16 septembre 2022.

11. Toutefois, d'une part, lors de son audition le 21 septembre 2021 dans le cadre d'une enquête diligentée par la police pour détention et usage de faux document administratif, puis dans le courriel adressé par son conseil à la préfecture le même jour, M. A... n'a jamais évoqué l'existence de cet autre acte de naissance établi le même jour que le précédent. De plus, ce nouvel acte de naissance a été établi sur la base du jugement supplétif d'acte de naissance falsifié analysé au point 8. Enfin, la mention de la devise malienne n'est pas lisible dans le timbre humide. La valeur probante de ce nouveau document ne peut donc pas davantage être admise.

12. D'autre part, l'extrait d'acte de naissance a été établi sur la base du document non probant analysé au point précédent et l'attestation, d'ailleurs rédigée en termes sommaires, est dépourvue de toute valeur probante.

13. Dans ces conditions, alors que l'attestation du consul général du Mali du 27 mai 2019 ne porte pas sur les documents produits par M. A..., le préfet de la Seine-Maritime n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en rejetant la demande de titre de séjour de M. A... au motif qu'il ne justifiait pas de sa date de naissance et donc d'avoir été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans.

14. Il en résulte que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ce motif, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions contestées du 30 mars 2022.

En ce qui concerne le moyen relatif au défaut d'examen de la situation :

15. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur le motif analysé ci-dessus.

16. En tout état de cause, si en dépit d'un rapport favorable de l'Institut départemental de l'enfance, de la famille et du handicap pour l'insertion (IDEFHI) du 24 février 2021, d'un courrier du maire d'Elbeuf-sur-Seine et de divers témoignages, le préfet a également estimé que M. A... ne justifiait pas de son insertion dans la société française, cette appréciation ne caractérisait pas un défaut d'examen de la situation de l'intéressé.

17. Il en résulte que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a également retenu cet autre motif pour annuler ses décisions du 30 mars 2022.

18. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen et la cour.

Sur les moyens dirigés contre la décision d'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne les moyens tirés, par voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

S'agissant de la motivation et de l'examen de la situation de l'intéressé :

19. Aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En l'espèce, la décision attaquée mentionne avec une précision suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet a notamment examiné la durée de présence en France de l'intéressé, sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, la formation qu'il a suivie et ses liens privés et familiaux. Dès lors, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

20. Il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni des autres pièces du dossier que le préfet ne serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre la décision attaquée.

S'agissant du droit à une bonne administration et des droits de la défense :

21. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a été en mesure, de manière utile et effective, de présenter des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales.

22. En l'espèce, M. A... a déposé le 23 mars 2021 une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture de la Seine-Maritime. A cette occasion, M. A... a exposé les motifs pour lesquels il demandait un titre de séjour et a produit l'ensemble des éléments susceptibles de venir au soutien de sa demande. Il lui appartenait, lors du dépôt de sa demande, de fournir à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles. Par ailleurs, il lui était loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

23. Si M. A... fait valoir qu'avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime ne lui a pas communiqué le rapport de la police aux frontières, aucune disposition ni aucun principe n'imposait au préfet de procéder à cette communication alors que l'intéressé a produit lui-même les documents falsifiés analysés par ce rapport et qu'il lui appartenait de produire à l'appui de sa demande un document authentique justifiant de son état civil. Dans ces conditions, M. A... ne saurait soutenir que le principe du contradictoire, le droit à être entendu, les droits de la défense, le droit d'accéder aux informations qui le concerne et le traitement impartial de sa demande auraient été méconnus. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

24. En second lieu, si les dispositions de l'article L. 311-3 du code des relations entre le public et l'administration instaurent, au profit des administrés, un droit à obtenir la communication des informations contenues dans un document administratif dont les conclusions leur sont opposées, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne subordonnait la décision contestée à la communication préalable, à M. A..., du rapport de la police aux frontières pris en compte par l'autorité administrative pour prendre sa décision.

S'agissant de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation :

25. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

26. M. A... soutient que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il n'a pas procédé à un examen global de sa situation et a ainsi commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation.

27. Toutefois, si M. A... a signé un contrat d'apprentissage de trois ans à compter du 20 août 2019 afin d'obtenir un certificat d'aptitude professionnelle en boulangerie, son bulletin de notes du deuxième semestre de l'année 2021-2022 a fait état de six heures d'absences injustifiées et d'une moyenne générale de 9,86 sur 20 seulement et il ressort des déclarations qu'il a faites lors de l'audition mentionnée au point 11 qu'il a conservé des liens avec sa mère restée au Mali.

28. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur son motif tiré de ce que M. A... n'avait pas justifié de son âge.

S'agissant de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

29. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

30. En l'espèce, si M. A... a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, a suivi des cours de français puis a signé un contrat d'apprentissage pour obtenir un certificat d'aptitude professionnelle en boulangerie, il n'est entré sur le territoire français qu'en janvier 2019 et il est célibataire et sans charge de famille en France. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime a pu refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A... sans porter une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale. Par suite, et en dépit des bonnes appréciations portées sur son comportement par son employeur et ses encadrants, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

31. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article

L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement et que le préfet de la Seine-Maritime n'a pas examiné d'office cette demande sur un tel fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.

32. En troisième lieu, pour les motifs énoncés ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à soutenir, en se prévalant de sa situation personnelle, que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, ce moyen doit être écarté.

S'agissant de la consultation de la commission du titre de séjour :

33. M. A... ne peut utilement soutenir que le préfet de la Seine-Maritime aurait dû consulter la commission du titre de séjour, dès lors que, d'une part, ainsi qu'il a été dit, il ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article

L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que, d'autre part, il n'a pas présenté d'autre demande de titre de séjour sur l'un des fondements énumérés au 1° de l'article

L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

34. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à une bonne administration et des droits de la défense doit être écarté.

35. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A..., doivent être écartés.

Sur les décisions fixant le pays de renvoi et le délai de départ volontaire :

36. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

37. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à une bonne administration et des droits de la défense, celui tiré du défaut d'examen de sa situation et celui de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

38. En troisième lieu, lorsqu'elle accorde le délai de trente jours prévu par les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande tendant au bénéfice d'un délai d'une durée supérieure. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas examiné la possibilité d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

39. En quatrième lieu, si M. A... se prévaut de son intégration et de ses attaches personnelles en France, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'elles ne caractérisent pas des circonstances particulières de nature à rendre nécessaire la prolongation du délai de trente jours qui lui a été accordé pour quitter volontairement le territoire. Par suite, en fixant le délai de départ volontaire à trente jours, le préfet n'a commis aucune erreur dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé.

40. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé les décisions du 30 mars 2022 obligeant M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel le préfet l'a assigné à résidence.

41. Il s'ensuit que les demandes présentées en première instance tendant à l'annulation des décisions du 30 mars 2022 et de l'arrêté du 21 septembre 2022 doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, la demande présentée par Me Leroy, avocate de M. A..., au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées en première instance par M. A... ainsi que les conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Magali Leroy.

Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La présidente- rapporteure,

Signé:

C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé:

M. B...

La greffière,

Signé:

S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 22DA02091 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02091
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-27;22da02091 ?
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