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27/04/2023 | FRANCE | N°22DA02085

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 27 avril 2023, 22DA02085


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme D... E... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 9 septembre 2021 par lesquels le préfet du Nord a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.

Par un jugement n° 2109513-2200426 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.

Procédure

devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2022, M. A... C..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme D... E... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du 9 septembre 2021 par lesquels le préfet du Nord a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés.

Par un jugement n° 2109513-2200426 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2022, M. A... C..., représenté par

Me Sophie Danset-Vergoten, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 9 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne les circonstances de fait sur lesquelles le préfet a entendu se fonder ;

- elle a été édictée sans examen sérieux et particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne l'état de santé de son enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne les circonstances de fait sur lesquelles le préfet a entendu se fonder ;

- elle a été édictée sans qu'un examen sérieux et particulier de sa situation ne soit effectué ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation de sa fille.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II - Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2022, Mme D... E... épouse C..., représentée par Me Sophie Danset-Vergoten, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 9 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne les circonstances de fait sur lesquelles le préfet a entendu se fonder ;

- elle a été édictée sans examen sérieux et particulier de leur situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne l'état de santé de son enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne les circonstances de fait sur lesquelles le préfet a entendu se fonder ;

- elle a été édictée sans qu'un examen sérieux et particulier de sa situation ne soit effectué ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation de sa fille.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, dans les deux dossiers, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Mme E... épouse C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré présidente-assesseure.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux requêtes, M. C... et Mme E... épouse C..., ressortissants algériens, ont demandé chacun au tribunal administratif de Lille d'annuler les deux arrêtés du 9 septembre 2021 par lesquels le préfet du Nord a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés. Ils relèvent appel du jugement de rejet du 18 juillet 2022.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 22DA02085 et 22DA02086 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les moyens communs :

3. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, et de l'absence d'examen de la situation personnelle de la fille des requérants, moyens que M. et Mme C... réitèrent en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

Sur la légalité des décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 5°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, moyens que M. et Mme C... réitèrent en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) Au ressortissant algérien résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) ".

6. Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants algériens sur le fondement des stipulations précitées : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé/ (...) ".

7. Ces stipulations ne prévoient la délivrance d'un certificat de résidence qu'à l'étranger lui-même malade et non à l'accompagnant ou aux parents d'un enfant malade. Toutefois, ces stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'enfant des requérants, Meriem, souffre d'un polyhandicap à type quadri parésie spastique avec encéphalopathie épileptique, autrement qualifié de tétraplégie spartique avec troubles psycho-comportementaux et troubles du langage.

9. Pour refuser de délivrer à M. et Mme C... un certificat de résidence en qualité de parents d'enfant malade, le préfet, qui a statué dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 23 juin 2021 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel si l'état de santé de cet enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié de manière effective.

10. Les requérants soutiennent que la prise en charge de leur enfant en Algérie n'est pas adaptée alors que sa prise en charge pluridisciplinaire en France a conduit à des résultats positifs. S'il ressort des pièces du dossier que les soins consistent notamment en des consultations régulières de médecine physique et de chirurgie orthopédique, des injections de toxine botulinique et des consultations avec des orthoprothésistes spécialisés, les attestations médicales versées au dossier sont peu circonstanciées et ne mentionnent pas la nature précise des soins qui ne pourraient pas être pris en charge en Algérie, alors même que le collège des médecins a émis un avis contraire.

11. Si les requérants soutiennent également que le coût du traitement et les difficultés du système de santé en Algérie ne leur permettront pas d'y accéder aux soins, ils n'établissent pas cette impossibilité en se bornant à produire des études à caractère général sur le système de santé dans ce pays. Ainsi que l'a jugé le tribunal, il ne ressort pas des pièces du dossier que le régime algérien de protection sociale ne prévoit pas la prise en charge des soins et des médicaments requis par l'état de santé de l'enfant des requérants, ni que ceux-ci ne sont pas en mesure d'en bénéficier. M. et Mme C... n'ont en outre apporté aucune précision sur leur situation financière et l'impossibilité pour eux de financer les traitements nécessaires.

12. Dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une appréciation manifestement erronée de la situation de la fille des requérants dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de régularisation et le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ainsi qu'en tout état de cause, celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire :

13. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, invoqué par voie d'exception, doit être écarté.

14. En second lieu, les moyens tirés d'une part de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et d'autre part de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus.

Sur les décisions fixant le pays de destination :

15. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, invoqué par voie d'exception, doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme E... épouse C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Nord du 9 septembre 2021. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 22DA02085 de M. C... et n° 22DA02086 de Mme E... épouse C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D... E... épouse C..., à Me Danset-Vergoten, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie pour information sera transmise au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé:

C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé:

M. B...

La greffière,

Signé:

S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 22DA02085, 22DA02086 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02085
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-27;22da02085 ?
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