La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/04/2023 | FRANCE | N°21DA02893

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 27 avril 2023, 21DA02893


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2021, et un mémoire, enregistré le 10 février 2023, la société Enertrag Santerre V, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel la préfète de la Somme a refusé de l'autoriser à exploiter un parc éolien composé de six aérogénérateurs situé sur le territoire des communes de Fresnoy-lès-Roye, Gruny et Liancourt-Fosse ;

2°) de délivrer l'autorisation sollicitée et, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfèt

e de la Somme de lui délivrer l'autorisation environnementale dans un délai d'un mois à compter de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2021, et un mémoire, enregistré le 10 février 2023, la société Enertrag Santerre V, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel la préfète de la Somme a refusé de l'autoriser à exploiter un parc éolien composé de six aérogénérateurs situé sur le territoire des communes de Fresnoy-lès-Roye, Gruny et Liancourt-Fosse ;

2°) de délivrer l'autorisation sollicitée et, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer l'autorisation environnementale dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le projet, qui ne s'implante pas dans une zone de respiration paysagère, n'a pas d'impact sur le paysage et sur les autres villages ; il n'y a pas de phénomène de saturation, de surplomb ou de saturation, ni même de perte de lisibilité ;

- les mesures d'évitement et de réduction sont suffisantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Sandrine Galipon, représentant la société Enertrag Santerre V,

et de M. C... A..., maire de la commune Liancourt Fosse .

Une note en délibéré présentée par la société Enertrag Santerre V a été enregistrée le 14 avril 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société Enertrag Santerre V a déposé, le 25 juin 2019, une demande d'autorisation environnementale, complétée les 28 avril et 20 août 2020, afin d'exploiter un parc éolien dit " de Sucrerie " composé de six aérogénérateurs présentant une hauteur totale en bout de pale de 200 mètres, situé sur le territoire des communes de Fresnoy-lès-Roye, Gruny et Liancourt-Fosse. Par un arrêté du 18 octobre 2021, dont la société Entertrag Santerre V demande l'annulation, la préfète de la Somme a rejeté cette demande.

Sur la légalité de l'arrêté :

S'agissant de la légalité externe :

2. Alors que l'arrêté est particulièrement motivé en fait et en droit, le moyen tiré du défaut de motivation, présenté succinctement, ne peut qu'être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

3. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code comprennent les dangers ou inconvénients " pour la commodité du voisinage (...) pour l'agriculture (...) pour la protection (...) des paysages (...) pour la conservation des sites et des monuments (...) ".

4. Pour rejeter la demande d'autorisation de la société Enertrag Santerre V, la préfète de la Somme s'est principalement fondée sur la protection des paysages et la commodité du voisinage. Compte tenu du contexte éolien déjà existant, elle a notamment estimé que le projet était à l'origine de phénomènes de saturation, d'encerclement et, pour certains villages, l'impact a été qualifié de fort. Les mesures de la séquence " éviter, réduire et compenser " (ERC) ont été regardées comme ne limitant pas les impacts forts et les inconvénients générés par les éoliennes sur le paysage et la commodité du voisinage.

En ce qui concerne l'incohérence à avoir retenu des phénomènes de saturation :

5. Il n'est pas contesté qu'il existe déjà 68 éoliennes construites ou autorisées dans un rayon de 5,5 kilomètres autour du projet. Il résulte également de l'instruction que 250 machines ont été construites et accordées dans un rayon de 20 kilomètres autour du projet et que 130 éoliennes sont en cours d'instruction. Par ailleurs, le projet s'inscrit dans le pôle éolien le plus important du périmètre d'étude qui présente 74 machines, avec des inter-distances au projet comprises entre 1,5 et 4,5 kilomètres.

6. Si la société Enertrag Santerre V reproche à l'autorité administrative d'avoir été incohérente en retenant à la fois des " effets de saturation " ou " de mitage ", il résulte de l'instruction que la préfète s'est ainsi bornée à reprendre les termes de l'étude d'impact elle-même selon lesquels " (...) les larges dégagements visuels de ces plateaux présagent des perceptions ouvertes sur le site de projet et donc des intervisibilités voire des effets de saturation ou mitage avec les parcs déjà existant sur le territoire (...) ". Le moyen ainsi présenté ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne l'impact du projet sur la commune de Fresnoy-lès-Roye :

7. D'une part, il résulte de l'instruction que les six éoliennes du parc s'implanteront de part et d'autre du bourg, soit trois machines à l'est et trois autres à l'ouest. Il résulte de l'analyse des phénomènes d'encerclement que, dans le rayon des cinq premiers kilomètres autour de Fresnoy-lès-Roye, 51 éoliennes relèvent de parcs existants ou accordés et 9 éoliennes de projets déposés. Avec le projet, l'angle de respiration le plus grand diminuera de 42° à 30°. Il résulte de l'indice d'occupation des horizons dans un rayon de 0 à 5 kilomètres et de 5 à 10 kilomètres, autour du projet, que même en tenant compte des obstacles visuels, cet indice augmentera en raison du projet, passant ainsi de 222° à 262°.

8. D'autre part, le photomontage 48.2 atteste que l'éolienne S3 sera particulièrement visible dans l'axe de la traversée du bourg. Les photomontages 48.3, 48.4, 48.5 et 48.6 montrent que plusieurs éoliennes du projet seront prégnantes sur la D13 en sortie sud du bourg, sur la D139 en sortie ouest du bourg, sur la D132 en sortie nord du bourg, et sur la D 139 en sortie est du bourg, ce dernier impact ayant été qualifié par l'étude paysagère de fort. En outre, l'étude précise qu'en raison de la faible épaisseur du bourg, l'ensemble des rues orientées ouest-est offrent des cadrages visuels sur au moins une éolienne des deux poches du projet.

9. Dans ces conditions, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la plantation d'une haie bocagère pour les habitations rue du Tour de ville à Fresnoy-lès-Roye serait de nature à limiter significativement les impacts du projet, il ne peut être reproché à la préfète d'avoir retenu un impact fort du projet sur ce village et un effet d'encerclement.

En ce qui concerne les autres communes :

10. Si la société requérante soutient que certains photomontages réalisés depuis Liancourt-Fosse ne montrent pas de présence significative des éoliennes, le photomontage 49.1 atteste de la prégnance de deux éoliennes S5 et S4 à l'intersection de deux rues et il n'est pas contesté qu'il s'agit de l'axe principal du village. L'étude paysagère a d'ailleurs qualifié le niveau d'impact de fort " au regard de la prégnance des éoliennes de l'entité est sur l'habitat depuis cette séquence de la traversée du bourg ". Le niveau d'impact a également été qualifié de fort à modéré pour l'entité est, avec un léger surplomb sur l'habitat.

11. Il résulte du photomontage 53 que l'éolienne S3 sera particulièrement prégnante depuis le centre-bourg de Damery. Pour la commune de La Chavatte, les photomontages 53 et 55 montrent que les S1, S2 et S3 affecteront lourdement des lieux de vie. A Crémery, il résulte du photomontage 50.1 que depuis le centre-bourg, aux abords de l'église, l'impact du projet sera fort au regard de la prégnance des éoliennes de l'entité est sur l'habitat, et tout particulièrement l'éolienne S6.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 11 et de l'étude paysagère que les photomontages et les études d'encerclement montrent un impact fort à modéré pour les bourgs en prise directe avec les deux zones du projet, dont notamment les communes de Fresnoy-lès-Roye, Liancourt-Fosse et Damery. Si les cœurs de bourg sont affectés de manière plus intermittente et partielle, pour les habitants des franges périphériques, l'impact du projet reste fort, notamment du fait selon l'étude " d'une faible présence de ceintures bocagères et arborées autour des bourgs ".

13. Par ailleurs, alors que la présence de nombreux villages et hameaux implique de nombreuses voies de desserte inter-villages, l'étude précise que la plupart des voies ne présentent pas de filtres arborés ou de talus et que " les vues sur le projet et le paysage éolien pré-existant sont donc larges et multidirectionnelles ". S'il est constant que le paysage connait déjà un contexte éolien dense, cette circonstance ne permet pas de justifier toute aggravation de ce contexte. Enfin, les mesures ERC ne permettront pas de remédier à cette situation.

14. Il résulte de l'instruction que, compte tenu des inconvénients que présente le projet pour la commodité du voisinage, en refusant l'autorisation sollicitée, la préfète de la Somme aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif qui suffit à justifier légalement l'arrêté contesté.

15. Par suite, la société Enertrag Santerre V n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Somme du 18 octobre 2021.

16. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Enertrag Santerre V est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enertrag Santerre V et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé:

C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé:

M. B...

La greffière,

Signé:

C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA02893 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02893
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-27;21da02893 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award